Séparation des Pouvoirs : Il est temps de rendre la Justice française indépendante !
Pour la création d’un
Procureur Général de la Nation.
Le 9 mars dernier, le
gouvernement a présenté son projet de réforme de l’institution judiciaire. Cette
réforme est trop timorée et ne me paraît pas permettre une réconciliation des
citoyens avec ses juges. En premier lieu, une réforme digne de ce nom doit
assurer l’indépendance du Parquet du pouvoir exécutif. Dans un monde où tout
est communication, le parquet doit avoir un « visage ». La création d’un
parquet national financier en décembre 2013 (dirigé par Eliane Houlette), ou la
figure d’un François Molins, procureur de la République de Paris (ayant compétence
nationale en matière de terrorisme), permettent d’humaniser l’institution en
permettant au citoyen de personnaliser l’institution judiciaire.
Il faut passer à l’étape
supérieur. Il est temps de confier les affaires terroristes à un parquet
national contre le terrorisme (Jean-Paul Garraud me semble le meilleur candidat) afin, d’une part de « casser »
le côté parisianiste de la fonction et d’autre part de renforcer le pouvoir de
ce procureur. La renonciation pat l’exécutif de ce projet est un très mauvais
signe. Il est nécessaire également de créer (et ce sera l’objet de cet
article), un procureur général de la Nation, représentant la défense et la
protection de la société.
« Selon la théorie de séparation des
pouvoirs de Montesquieu, il n’y a pas de doute : la poursuite, c’est
l’exécutif. Dans la Constitution de 1791, les juges ne sont pas mélangés avec
les commissaires du roi. Mais il y a une spécificité française avec les
magistrats du parquet, qui partagent les mêmes valeurs et la même éthique que
les juges. C’est un véritable déchirement de les voir partir du côté de
l’exécutif. On préférerait de loin la formule d’un ministère public
authentiquement indépendant. On aurait alors un procureur général de la nation,
responsable devant le Parlement pour la politique d’action publique de l’Etat.
Sortons de l’ambiguïté entretenue par le cordon ombilical qui relie les juges à
l’exécutif. »
Bertrand LOUVEL -
www.lemonde.fr/police-justice - 23 mai 2016
Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans
deux décisions rendues les 11 août 1993 et 2 février 1995, que les
magistrats du parquet étaient, au même titre que leurs collègues du siège,
gardiens des libertés publiques.
Une recommandation adoptée en 2000, du comité
des ministres du Conseil de l'Europe sur le « Rôle du Ministère public
dans le système de justice pénale », définit le Ministère public comme
une « autorité chargée de veiller, au nom de la société et dans
l’intérêt général, à l’application de la loi lorsqu’elle est pénalement
sanctionnée, en tenant compte, d’une part, des droits des individus, et d’autre
part, de la nécessaire efficacité du système de justice pénale ». Cette
recommandation, sans valeur contraignante, montre une nouvelle fois que le
ministère public doit avoir comme seule conduite, l'intérêt général.
L'ordonnance du 22 décembre 1958 affirme
que les magistrats du Ministère public sont placés « sous la direction
et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des
Sceaux, Ministre de la justice ».
L'action du Ministre de la justice est soumise
à des règles très précises, comme le rappelle l'article 30, alinéa 3,
du code de procédure pénale : le Garde des Sceaux « peut dénoncer
au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et
lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure,
d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction
compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge
opportunes ».
Ancien Procureur Général de la Cour de
Cassation, Jean-Louis Nadal, a récemment tiré la sonnette d'alarme concernant
le problème d'indépendance de la justice. Il souhaite « extraire le
venin de la suspicion » en coupant « tout lien
entre l'échelon politique et le parquet pour ce qui concerne les nominations »
(Phrases tirées des articles du Monde du 10 janvier et 17 juin
2011 intitulés « Les magistrats du parquet veulent plus
d'indépendance » et « Un procureur général de la nation doit être
instauré, indépendant du politique »).
Plusieurs magistrats français affirment que ce
lien de subordination entache l'action des procureurs. Robert Gélie, président
de la conférence des procureurs, souligne que les « décisions sont de
plus en plus contestées, au motif que nous serions dépendants du pouvoir
exécutif ». Jean-Louis Nadal va dans le même sens en soulignant, qu'il
faut « doter la justice des moyens nécessaires pour juger les
responsables des affaires de corruption. ».
Les nominations et les progressions des
carrières des magistrats du parquet étant entre les mains du Ministre de la
Justice, cette subordination au pouvoir exécutif ne peut garantir
l'indépendance de la justice. À l'article 33 du code de procédure
publique, il est toutefois rappelé que « La plume est serve, mais la
parole est libre ».
Il s'agit de créer la fonction de Procureur
Général de la Nation, magistrat indépendant du politique, sans lien direct avec
le pouvoir exécutif.
Placé au sommet de la hiérarchie du ministère
public, le Procureur Général de la Nation est irrévocable par le pouvoir politique.
Il est chargé de la nomination et de la gestion des carrières de l'ensemble des
magistrats du parquet. Le Procureur Général de la Nation nomme les magistrats
du parquet, après avis du Conseil Supérieur de la magistrature. L'unité des
corps reste inchangée.
En matière disciplinaire, le Procureur Général
de la Nation peut saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature et lui
proposer une sanction. Il peut également requérir l'Inspection générale des
services judiciaires de procéder à une enquête.
Le Procureur Général de la Nation communique
aux procureurs généraux la politique pénale du Gouvernement. Il peut leur
donner des instructions individuelles.