2020, un désastre français. Mais comment éviter sa réédition en 2021 ? par Edouard Husson et Loïk Le Floch-Prigent


Atlantico : Chaque année, l’État consacre une grande part du PIB à la santé et à son fonctionnement pourtant en pleine crise sanitaire la machine s’est grippée. Comparé au nombre de morts par millions d’habitants, l’investissement a-t-il été suffisant ?

Edouard Husson :
En fait, il faut remonter à la révolution néolibérale des années 1980-90. La France n'a jamais pris le tournant de la réduction des dépenses publiques et elle n'a pas profité de ce qui se passait dans le monde pour véritablement réduire la taille de la fonction publique. On m'objectera la RGPP mise en place par Sarkozy. Mais ce fut une trop rapide parenthèse. François Hollande ayant succédé à Nicolas Sarkozy, il est retombé dans la manie de créer des emplois publics pour compenser le manque de compétitivité français. Et puis, c'est aussi durant les dix ans où la droite était encore au pouvoir (2002/2012) que des choix désastreux ont été faits, comme celui des ARS ou des EHPAD. La vague du "Nouveau Management Public" a signifié de véritables économies dans les pays de culture anglo-saxonne. En France, cela a signifié la création d'une couche bureaucratique supplémentaire pour "rationaliser" une activité publique jugée trop coûteuse. C'est ainsi que la France dépense autant que l'Allemagne pour son système hospitalier public. Mais là où l'Allemagne investit 25% dans l'administration de l'hôpital, ce qui est déjà énorme, la France y engloutit 34%. On a pu constater tout au long de l'année 2020 combien ce choix était mauvais. Ce n'est pas être provocateur de dire que nous n'avons pas eu de crise du Covid-19 mais une crise de l'administration de la santé publique. Et ceci d'autant plus que les Agences régionales de santé ont reçu l'ordre, de la part d'une haute fonction publique de la santé en plein conflit d'intérêt, d'interdire certaines prescriptions par les médecins libéraux. il y a eu aussi le vieux conflit français entre hôpital public et privé, qui a encore aggravé la situation. Il faut y insister: la crise sanitaire que nous avons traversée est largement due à l'hypertrophie des administrations de la santé, des maisons de retraite et aux dysfonctionnements qu'elles ont produits. On a flanqué par terre l'ensemble de l'économie française, par deux confinements, uniquement parce qu'un problème ancien, celui du mauvais management de la santé publique, est devenu trop visible. On avait les mêmes problèmes d'engorgement les années précédentes mais ils étaient moins visibles.

Loïk Le Floch-Prigent : Nous avons effectivement le record des dépenses sanitaires par habitant et nous avons pu constater lors de la crise sanitaire que nous n’avons pas été performants. Plutôt que nous interroger collectivement sur ce premier échec, nous nous sommes lancés dans des polémiques stupides en essayant de désigner des coupables, certains allant même jusqu’à saisir la justice ! L‘incapacité à accueillir sereinement un diagnostic et à effectuer ce que l’on appelle un « retour d’expérience » pour éviter de répéter nos erreurs nous amène depuis à multiplier les difficultés liées à la pandémie. La machine s’est grippée, des masques aux respirateurs, des tests aux vaccins. Puisqu’ailleurs on réussit mieux avec un investissement inférieur, le mal qui nous atteint est caractéristique d’un manque d’efficacité. On recherchera facilement dans les commentaires les rares de ceux qui essaient d’analyser nos faiblesses structurelles et qui auraient pu nous aider à modifier notre fonctionnement, mais les travaux à engager sont d’une telle ampleur que le système en place essaie de réformer à la marge les comportements et n’arrive qu’à renforcer le nombre et l’ampleur des dysfonctionnements.

On peut faire l’inventaire de toutes les décisions qui conduisent au désastre actuel : 35 heures à l’hôpital, numerus clausus dans les professions de la santé, par exemple, mais l’essentiel tient à la dérive des dépenses de santé, à la générosité de l’Etat Providence et à la nécessité pour tous les Gouvernements qui se succèdent de feindre de contrôler en réduisant : d’un côté un peuple qui considère qu’on lui doit le meilleur pour le soigner, et de l’autre un Etat qui ne veut pas voir exploser les dépenses. Ainsi, pendant que des déserts médicaux se multipliaient dans les campagnes et les petites villes, que petits hôpitaux et maternités disparaissaient, la médecine des « urgences » dans les métropoles débordait, le mécontentement se généralisait, en particulier chez les soignants, beaucoup s’estimant à la fois exploités et précarisés.

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