Procès d’un « méchant libéral » par Méchant Réac !® (Laurent Sailly) – 1er Episode


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Que n’avais-je besoin de revendiquer mon libéralisme ? Tout d’un coup me voilà devenu un pervers social. J’étais la cause de tous les maux, le porte-parole de mon quartier du libéralisme outrancier. Je trahissais mes origines sociales. Je devenais un « collabo » au sens vichyste du terme. Impossible de se faire entendre. On attendait de moi des excuses, un repentir, certainement pas des explications, ni une démonstration.

« Mais pourquoi est-il si méchant ? » se demandaient-ils.
« C’est un cynique ! » répondaient certains.
« Un sinistre personnages » affirmaient les autres.
« Libéral ! libéralisme ça rime avec fascisme ! »
« Pas plus qu’avec communisme » répondit-je.

J’étais l’accusé. Le coupable même, dans cette société qui ne connaît plus la présomption d’innocence. Comme dans un tribunal, j’entendais le procureur énoncer les chefs d’accusation :

« Vous êtes accusé de justifier la dérégulation, les privatisations, la délocalisation des emplois, les licenciements, le chômage et les inégalités sociales. Vous êtes accusé de libéralisme ! »

« Réformateurs ! » criaient la foule tout en applaudissant le magistrat.

Mon avocat, commis d’office bien sûr personne ne voulant être associé à ma cause, avait enfoui sa tête dans ses mains. Comme s’il avait peur qu’on ne la lui coupât.

« Monsieur le Président, dis-je, laisser moi parler. La liberté d’expression se sont tout de même les libéraux qui l’ont inventée ! »

Le silence se fit dans la salle comble. Puis un murmure monta de l’assemblée :

« Que dit-il ? » , « Est-ce vrai ? », « Ce n’est pas possible. »

Le doute s’emparait de l’auditoire, aussi je continuais :

« Le libéralisme ce n’est pas que l’économie, c’est la politique aussi. Et les liens sociétaux. Au libéralisme nous devons la liberté d’expression, mais aussi les droits de l’homme de 1789, l’abolition de l’esclavage, la liberté d’opinion et d’association, la liberté de la presse, la séparation des pouvoirs… même les syndicats ! C’est encore un libéral qui défendit pour la première fois les droits de la femme. Le libéralisme c’est un humanisme qui privilégie les libertés individuelles, encore faut-il bien l’appréhender. »

J’observais les réactions. Je repris alors :

« Puis-je faire comparaître mes témoins, Monsieur le Président ? »

Mon premier témoin devait faire forte impression. C’est un homme fatigué qui s’approche de la barre. Il a plus de 65 ans. Il est presque aveugle. Son expérience, ses voyages, son érudition ont fait de lui un philanthrope accompli. Son esprit reste vif. Il travaille sans cesse et corrige inlassablement l’œuvre d’une vie.

« Veuillez-vous présenter » demanda avec déférence le président.

« Je suis né près de Bordeaux, au château de la Brède. J’ai succédé à mon père, Jacques de Secondat, comme conseiller au parlement de Bordeaux, puis j’ai hérité de mon oncle, le baron de Montesquieu, du titre et de la charge de président à mortier du parlement de Bordeaux. Je me nomme Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, dit « Montesquieu ». »

« M. de Montesquieu, interpella le procureur. Qu’est-ce que la liberté ? »

« Il n'y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manières, que celui de liberté. Les uns l'ont pris pour la fatalité de déposer celui à qui ils avaient donné un pouvoir tyrannique ; les autres, pour la faculté d'élire celui à qui ils devaient obéir ; d'autres pour le droit d'être armés, et de pouvoir exercer la violence ; ceux-ci, pour le privilège de n'être gouvernés que par un homme de leur nation, ou par leurs propres lois. Certain peuple a longtemps pris la liberté, pour l'usage de porter une longue barbe. Ceux-ci ont attaché ce nom à une forme de gouvernement, et en ont exclu les autres. Ceux qui avaient goûté au gouvernement républicain l'ont mise dans ce gouvernement; ceux qui avaient joui du gouvernement monarchique l'ont placée dans la monarchie. Enfin chacun a appelé liberté le gouvernement qui était conforme à ses coutumes ou à ses inclinations : Et comme, dans une république, on n'a pas toujours devant les yeux, et d'une manière si présente, les instruments des maux dont on se plaint ; et que même les lois paraissent y parler plus, et les exécuteurs de la loi y parler moins ; on la place ordinairement dans les républiques, et on l'a exclue des monarchies. Enfin, comme dans les démocraties, le peuple paraît faire à peu près ce qu'il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements ; et on a confondu le pouvoir du peuple, avec la liberté du peuple.

Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu'il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l'on veut. Dans un Etat, c'est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir. Il faut se mettre dans l'esprit ce que c'est que l'indépendance, et ce que c'est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent : et, si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir.

La démocratie et l'aristocratie ne sont point des états libres par leur nature. La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n'est pas toujours dans les Etats modérés. Elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir : mais c'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui le dirait ! la vertu même a besoin de limites. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Une Constitution peut être telle, que personne ne sera contraint de faire les choses auxquelles la loi ne l'oblige pas, et à ne point faire celles que la loi lui permet.

Quoique tous les États aient en général un même objet, qui est de se maintenir, chaque État en a pourtant un qui lui est particulier. L'agrandissement était l'objet de Rome ; la guerre, celui de Lacédémone ; la religion, celui des lois judaïques ; le commerce, celui de Marseille ; la tranquillité publique, celui des lois de la Chine; la navigation, celui des lois des Rhodiens ; la liberté naturelle, l'objet de la police des sauvages ; en général, les délices du prince, celui des États despotiques ; sa gloire et celle de l'État, celui des monarchies; l'indépendance de chaque particulier est l'objet des lois de Pologne ; et ce qui en résulte, l'oppression de tous.

Il y a aussi une nation dans le monde qui a pour objet direct de sa constitution la liberté politique. Nous allons examiner les principes sur lesquels elle la fonde. S'ils sont bons, la liberté y paraîtra comme dans un miroir.

Pour découvrir la liberté politique dans la constitution, il ne faut pas tant de peine. Si on peut la voir où elle est, si on l'a trouvée, pourquoi la chercher ? »

« Merci M. de Montesquieu », dit le président.

« Monsieur le président, puis-je faire intervenir un deuxième témoin, qui éclairera le témoignage précédent ? » demandais-je.

« Faites entrer le témoin suivant ! » ordonna le président.

S’approcha alors D’Alembert.

« Monsieur de Montesquieu, sans s'appesantir, à l'exemple de ceux qui l'ont précédé, sur des discussions métaphysiques relatives à l'homme supposé dans un état d'abstraction ; sans se borner, comme d'autres, à considérer certains peuples dans quelques relations ou circonstances particulières, envisage les habitants de l'univers dans l'état réel où ils sont, et dans tous les rapports qu'ils peuvent avoir entre eux. La plupart des autres écrivains en ce genre sont presque toujours, ou de simples moralistes, ou de simples jurisconsultes, ou même quelquefois de simples théologiens. Pour lui, l'homme de tous les pays et de toutes les nations, il s'occupe moins de ce que le devoir exige de nous, que des moyens par lesquels on peut nous obliger de le remplir ; de la perfection métaphysique des lois, que de celles dont la nature humaine nous rend susceptibles ; des lois qu'on a faites, que de celles qu'on a dû faire ; des lois d'un peuple particulier, que de celles de tous les peuples. »

Tout le monde était fatigué. Le président leva la séance. La première journée m’avait été très favorable. Il fallait maintenant préparer les autres phases du procès.

(A suivre)

Pièces jointes au dossier
   

Montesquieu, De l'Esprit des Lois, (1748) Livre XI : "Des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec la constitution".
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