«Le plan social d’ArcelorMittal, symbole de l’impasse dans laquelle se trouve la transition énergétique européenne» - Par Philippe Charlez

Le groupe sidérurgique prévoit de supprimer plus de 600 postes en France. L’ingénieur Philippe Charlez y voit un manque d’anticipation de Bruxelles, plus prompte à se soumettre aux injonctions de l’idéologie verte qu’à décarboner rationnellement l’industrie du continent.


Docteur en physique, Philippe Charlez est expert des questions énergétiques et auteur des Dix commandements de la transition énergétique (VA éditions, 2023).

La nouvelle est tombée comme une douche froide pour les salariés d’ArcelorMittal. Le numéro un mondial de l’acier a décidé de supprimer 600 emplois en France dans les fonctions de support, et de les relocaliser en Inde. Raison invoquée : le manque de compétitivité de la sidérurgie européenne. Un peu comme le textile des années 1970, l’acier européen est aux abois face à la concurrence chinoise (produisant plus de la moitié de l’acier mondial) et face à la baisse de la demande. Victime collatérale de la débâcle de l’industrie automobile (une voiture contient 80% d’acier !), la sidérurgie est aussi une cible privilégiée de l’UE en termes de décarbonation industrielle.

Et pour cause. Secteur industriel parmi les plus émetteurs, la sidérurgie est complexe et coûteuse à décarboner dans la mesure où, parallèlement à l’énergie couramment utilisée (le charbon), les procédés d’extraction du minerai sont eux-mêmes producteurs de CO2. Décarboner la sidérurgie ne requiert pas seulement de substituer l’électricité aux énergies fossiles, mais aussi de remplacer le charbon par l’hydrogène pour extraire le fer sans produire de CO2. Extrêmement gourmande en électricité – l’hydrogène vert est fabriqué à partir de l’électrolyse de l’eau – la production d’acier vert requiert avant tout une électricité abondante et bon marché. Tel n’est pas le cas en Europe où l’électron coûte deux à quatre fois plus cher qu’aux États-Unis et en Chine.

Leader mondial de la sidérurgie, ArcelorMittal avait lancé en 2020 un méga-projet destiné à produire de l’acier décarboné à partir d’hydrogène vert sur les sites de Dunkerque et de Fos-sur-Mer. Les investissements à hauteur de 1,7 milliard d’euros largement subventionnés par la France et l’UE devaient permettre de réduire de 10% les émissions industrielles françaises. Le projet promettait également la création d’emplois durables. Quatre ans plus tard, ArcelorMittal déclarait officiellement qu’il ne pourrait pas « produire économiquement de l’acier décarboné sauf à s’approvisionner en hydrogène vert en Chine ou aux États-Unis ».

«Le plan social d’ArcelorMittal, symbole de l’impasse dans laquelle se trouve la transition énergétique européenne»