Népotisme: "Il y a quelque chose de pourri en République française."

Le népotisme parlementaire en France va-t-il prendre fin avec la future loi sur la moralisation de la vie publique ?

“Népotisme”, du latin nepotis, “neveux”. Se disait des papes qui avaient pris l’habitude de favoriser leur cercle familial. Devenu un principe de gouvernement dans la Vème République, qu’une certaine police de la pensée a longtemps interdit d’évoquer (sous l’accusation immédiate de jalousie ou de mesquinerie), l’élite dirigeante a créé une impressionnante cocotte-minute, avec, d’un côté, des puissants qui ont abusé d’un système, et des assujettis qui rejettent celui-ci d’autant plus violemment qu’ils ont dû le subir sans mot dire. L’explosion en plein vol de la candidature de François Fillon a sans doute signifié que les Français n’entendaient plus fermer les yeux sur une pratique encore très répandue dans le milieu politique (en 2017, sur 935 parlementaires, 147 – 98 députés et 49 sénateurs – ont déclaré salarier un membre de leur famille ou partageant le même patronyme).

Au-delà des assistants parlementaires, il s’agit de s’interroger sur les qualités personnelles de nos dirigeants (élus ou nommés – le Président de la République désigne seul 284 personnalités à différentes charges ou fonctions publiques). Dans l’affaire Fillon, la capacité de Mme FILLON n’était pas remise en cause. C’est la réalité du travail qui était mise en doute. Par contre, dans les affaires Thomas LE DRIAN ou Jean SARKOZY, leurs promotions à la tête d’établissements publics ou de sociétés nationales, ce sont bien leurs compétences professionnelles qui étaient en cause.

Autre forme de népotisme conservée de l’Ancien Régime, la transmission du mandat à l’un des membres de sa famille. Le rejeton ou, bien souvent, la conjointe est introduit(e) dans la vie publique lors d’un scrutin de liste majoritaire ou plurinominal de liste (régionales ou municipales). Ce qui permet à l’“héritier” de se faire connaître par la population. La loi sur le non-cumul des mandats va accroître le nombre des exemples.

Le népotisme prospère également au sein des collectivités territoriales grâce à la multiplication d’organismes pararégionaux. En 2015, selon la Cour des comptes, les 13.500 syndicats intercommunaux du pays ont coûté près de 9 milliards d’euros rien qu’en frais de fonctionnement (rapport de juillet 2016). Ces organismes ont créé des postes en grand nombre. C’est devenu l’une des meilleures façons de soutenir un membre de sa famille, à travers les délégations qu’offre un exécutif local.

Rappelons que, depuis 2013, la loi relative à la transparence de la vie publique, renforcée par la loi d’avril 2016, invite les élus à prévenir ou faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts.

Au niveau communal, les avantages les plus attendus par les proches du maire sont un travail, un logement et quelquefois une aide financière. L’obtention d’un permis de construire, compétence du maire, peut également faire l’objet de passe-droit.

Comme sous l’Ancien Régime, il y a, dans le monde politique français, le sentiment que servir l’État c’est aussi se servir un peu de l’État. Un aspect de notre culture qui nous différencie des Anglo-Saxons et surtout des Scandinaves. La France reste encore loin du modèle de probité de ses voisins d’Europe du Nord où l’exemplarité, en matière d’utilisation des deniers publics, est de mise. En Suède, le principe de transparence permet à chaque citoyen de consulter les factures de chaque ministre. Fin 1995, Mona Sahlin, numéro deux du gouvernement social-démocrate, avait été forcée de démissionner pour avoir réglé quelques courses, dont une barre chocolatée (qui avait donné son nom à l’affaire), avec sa carte de crédit de fonction. Le règlement du Parlement suédois ne stipule pas qu’il est interdit d’employer un membre de sa famille : le contrôle des citoyens est si fort dans ce pays luthérien qu’aucun parlementaire n’oserait le faire.