Définir l’âge de la majorité n’est pas un débat mineur : la majorité sexuelle
L’actualité récente
nous a confronté à trois affaires judiciaires particulièrement symptomatique de
l’état de notre société.
Sarah a 11 ans, son
voisin 28 ans. Le 24 avril dernier à Montmagny, dans le Val-d'Oise, cette élève
de 6ème et ce père de deux enfants ont eu deux relations sexuelles après que
l'homme l'a abordée à plusieurs reprises dans un square. Alors que la famille
de Sarah a déposé plainte pour viol,
l'agresseur n'est poursuivi que pour "atteinte sexuelle sur mineur de
moins de 15 ans", punissable de cinq ans de prison et de 75 000 euros
d'amende. Le parquet a estimé "qu'il n'y a eu ni violence, ni contrainte,
ni menace, ni surprise" (article 227-25 du code pénal).
Et en l'absence de traces physiques ou séquelles psychologiques, il n'a pas
retenu l'absence de consentement.
Un professeur de
mathématiques de 31 ans, jugé pour avoir entretenu pendant plusieurs mois une
liaison avec une collégienne de 14 ans, a été condamné lundi en Seine-et-Marne
à 18 mois de prison avec sursis. Le tribunal correctionnel de Fontainebleau l'a
déclaré coupable d'atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans par personne
abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. Il l'a en revanche
relaxé du chef de corruption de mineur de moins de 15 ans, estimant que
l'élément de « perversion à la sexualité » n'était pas constitué. Le tribunal a
assorti son sursis d'une mise à l'épreuve comprenant une obligation de soins et
lui a interdit de travailler au contact des mineurs.
Jugé devant la Cour
d'assises de Seine-et-Marne, un homme de 30 ans, accusé du viol d'une
fillette de 11 ans en août 2009, a été acquitté. Selon les jurés, il n'y a pas eu de
contraintes. Les éléments constitutifs du viol, « a contrainte, la menace, la
violence et la surprise, n'étaient pas établis », a rapporté, le 11 novembre
dernier, la procureure de Meaux, Dominique Laurens.
On définit l'âge de
consentement comme l'âge minimum que doit avoir une personne pour avoir des
relations sexuelles de son plein gré. Ainsi, la majorité sexuelle n'est pas
exactement un âge de consentement : d'une part, parce que les relations entre
mineurs sont licites, d'autre part parce que l'atteinte sexuelle sur un mineur
non consentant est un acte plus sévèrement puni que s'il est consentant.
En France, l'article
227-25 du code pénal fixe la majorité sexuelle par principe à 15 ans pour les
relations hétérosexuelles (Ord. n° 45-1472, J.O. du 4 juill. 1945) et
homosexuelles (Loi n° 82-683, J.O. du 5 août 1982) : « Le fait,
par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une
atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans » (en droit, «
mineur de quinze ans » signifie « individu de moins de quinze ans ») constitue
un délit, tandis que toute atteinte sexuelle, quel que soit l'âge de la
victime, commise avec violence, contrainte ou surprise constitue une «
agression sexuelle ».
L’article 227-25 établit
une distinction essentielle non pas sur l’âge, mais sur le consentement :
·
S’il
n’y a pas consentement, quel que soit l’âge de la victime, le fait constitue une
« agression sexuelle » (délit) qui peut être requalifié de « viol »
(crime)
· S’il y a consentement mutuel, il convient de différencier en fonction de l’âge des
partenaires :
o Si l’un a plus de 18
ans et l’autre plus de 15 ans, le consentement est présumé. L'âge n'est en revanche pas un critère de
libre choix suffisant quand il y a une relation de subordination (ascendant
ou toute personne ayant autorité par nature ou par sa fonction) ; ainsi, un
professeur qui aurait des relations sexuelles avec un de ses élèves âgé de
moins de 18 ans (en France) peut être condamné.
o Si l’un a plus de 18
ans et l’autre moins de 15 ans, le consentement doit être prouvé. Dans la
pratique, toutefois, en dessous de 12 ou 14 ans, le consentement — même
lorsqu'il est apparent — n'est pas reconnu par les tribunaux français, qui
invoquent la notion d' « absence de consentement éclairé » et utilisent
l'argument de la « surprise » contenu dans le code pénal (une agression
sexuelle est une relation sexuelle imposée par la contrainte, la menace ou la
surprise) afin de pouvoir qualifier l'agression.
o Si les partenaires ont moins de 18 ans, il n'existe aucune
interdiction,
que l'un des deux ait moins de 15 ans ou non, pour autant qu'il y ait
consentement mutuel. Toutefois, l'autorité parentale s'exerçant, les parents peuvent contrôler les
fréquentations sexuelles de leur enfant, voire les interdire, lui interdire
de résider hors du domicile familial, prendre des mesures éducatives qu'ils
estiment nécessaires, suivant ce qu'ils estiment convenir à l'éducation et
l'épanouissement de leur enfant. De plus pour un mineur trop jeune, on peut
difficilement s'assurer du consentement. Si l'un des deux mineurs est largement
plus âgé que l'autre, le fait sera jugé comme une atteinte sexuelle sur mineur,
voire une agression sexuelle sur mineur, le non-consentement étant motivé par
la « surprise".
Par les trois affaires relevées
plus haut, la Justice interpelle la société sur l’évolution des mœurs et demande
au législateur de se positionner sur l’âge légal de validité du consentement à
un acte sexuel (ou du non consentement) d’une part et sur la majorité sexuelle
d’autre part.
En droit comparé,
nous observons la particulière sévérité de notre droit pénal par rapport à celui
de nos voisins.
PROPOSITION
LEGISLATIVE
Dans mon précédent
article, portant sur la majorité pénale, nous avons retenu l’alourdissement de
la responsabilité pénale pour les mineurs de plus de 13 ans et de plus de 16
ans.
Les jeunes d’aujourd’hui,
confrontés en permanence à la sexualité dans la pub, au cinéma et à la
pornographie sur internet, ne sont plus les mêmes que les générations
précédentes.
Parce qu’il n’est pas
réaliste de laisser les magistrats en charge des mineurs, seuls, apprécier l’âge
du consentement (ce qui se traduit par les deux provocations des affaires
mentionnées ci-dessus où l’âge de consentement retenu est 11 ans – la jurisprudence
dominante fixant cet âge entre 12 et 14 ans), il convient, pour être en
cohérence avec notre article portant sur la majorité pénale, de retenir l’âge
de 13 ans.
Concernant la majorité
sexuelle, les affaires Weinstein et consorts ont montré combien des femmes, de
plus de 20 ans, pouvaient être victimes fautes de ne pas avoir la maturité pour
refuser des « avances pressantes ». Aussi, et parce que cela correspond
avec la réalité (âge moyen du premier rapport étant de 17 ans), la majorité
sexuelle doit être remontée de 15 à 16 ans.
Il résulte
de ces nouvelles dispositions qu’il ne peut y avoir consentement d’un mineur de
13 ans, que le consentement doit être prouvé dans le cadre de relations avec un
mineur de 16 ans et que le consentement est présumé pour les mineurs de plus de
16 ans. L’absence absolue de consentement pour les mineurs de 13 ans engendre l’interdiction
de rapports sexuels avec cette catégorie de mineurs quel que soit l’âge du
partenaire (par exemple s’il à moins de 18 ans).
Renforçons
les cours d’éducation sexuelle et de pratique sexuelle au collège.
Supprimons
les prescriptions en matière criminelle (viols).