Raqqa : un accord international a permis l'exfiltration des jihadistes (l'enquête de la BBC en version française)

Des camions et des pickups qui fuient Raqqa (Syrie), avec à leur bord des hommes en armes, le plus souvent le visage dissimulé. Ces images ont été tournées le 14 octobre dernier, alors que le fief du groupe État islamique est en train de tomber. Au milieu des ruines, dans une région partiellement détruite, ce mystérieux convoi s'échappe de la ville, à l'abri des regards. Alors qu'y avait-il ce jour-là à l'intérieur de ces poids lourds ? Des civils, mais aussi des centaines de jihadistes selon plusieurs témoins, interrogés par la BBC.

Méchant Réac ! vous propose l'enquête de la BBC en version française (traduction Laurent SAILLY)
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La BBC a découvert les détails d'un accord secret qui a permis à des centaines de combattants de l'EI et à leurs familles de s'échapper de Raqqa, sous le regard de la coalition dirigée par les Etats-Unis et les Britanniques.

Un convoi comprenait certains des membres les plus notoires de l'EI et - malgré les assurances - des dizaines de combattants étrangers. Certains d'entre eux se sont répandus à travers la Syrie, allant même jusqu'à la Turquie.

Le chauffeur de camion Abu Fawzi a pensé que ce serait juste un travail comme un autre.


Il conduit un véhicule à 18 roues à travers un des territoires les plus dangereux du nord de la Syrie. Les ponts bombardés, le sable profond du désert, même les forces gouvernementales et les soi-disant combattants de l'État islamique ne font pas obstacle à la livraison.


Mais cette fois, son chargement devait être une cargaison humaine. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes opposés à l'EI, voulaient qu'il dirige un convoi qui emmènerait des centaines de familles déplacées par les combats de la ville de Tabqa sur l'Euphrate vers un camp plus au nord.


Le travail prendrait six heures, maximum - ou du moins c'est ce qu'on lui a dit.

Mais quand lui et ses camarades ont assemblé leur convoi tôt le 12 octobre, ils ont réalisé qu'on leur avait menti.

Au lieu de cela, il faudrait trois jours de conduite difficile, transportant une cargaison mortelle - des centaines de combattants de l'EI, leurs familles et des tonnes d'armes et de munitions.

Abu Fawzi et des douzaines d'autres conducteurs se sont vus promettre des milliers de dollars pour la tâche mais cela devait rester secret.

L'accord visant à permettre aux combattants de l'EI de s'échapper de Raqqa, capitale de facto de leur califat autoproclamé, avait été arrangé par les autorités locales. Il est intervenu après quatre mois de combats. Cela épargnerait des vies et mettrait fin au combat. La vie des combattants arabes, kurdes et autres opposés à l'EI serait épargnée.

Mais cela a également permis à plusieurs centaines de combattants de l'EI de s'échapper de la ville. À l'époque, ni la coalition menée par les États-Unis et les Britanniques, ni le FDS ne voulaient admettre leur rôle.

Le pacte, ce sale secret de Raqqa, a-t-il déclenché une menace sur le monde extérieur - qui a permis aux militants de se propager à travers la Syrie et au-delà ?

De grandes précautions ont été prises pour le dissimuler à la face du monde. Mais la BBC a ontacté des dizaines de personnes qui étaient sur le convoi et aux négociateurs de l’accord.



Dans une cour graisseuse de Tabqa, sous un dattier, trois garçons sont occupés à réparer un moteur de camion. Ils sont couverts d'huile moteur, les cheveux noirs et gras.

Près d'eux, un groupe de conducteurs. Abu Fawzi est au centre, visible dans sa veste rouge vif, à la couleur de son bien-aimé 18-roues. Il est clairement le leader et offrent du thé et des cigarettes. Au départ il ne veut pas parler mais change bientôt d'avis.

Les conducteurs sont en colère. Cela fait des semaines qu'ils risquent leur vie pour un voyage qui a ruiné les moteurs et cassé les essieux, mais ils n'ont toujours pas été payés. « C'était un voyage en enfer et retour », déclare-t-il.

« Nous avons eu peur dès notre entrée dans Raqqa », poursuit-il. "Nous étions supposés y aller avec le FDS, mais nous y sommes allés seuls. Dès que nous sommes entrés, nous avons vu des combattants de l'EI avec leurs armes et leurs ceintures explosives. Ils ont piégé nos camions. Si quelque chose devait mal tourner dans l'affaire, ils bombarderaient tout le convoi. Même leurs enfants et leurs femmes avaient des ceintures explosives. »

Le FDS dirigé par les Kurdes a couvert les médias de Raqqa. L'évasion de l'État islamique de sa base ne serait pas télévisée.

En public, le FDS a déclaré que seulement quelques dizaines de combattants avaient pu partir, tous des locaux.

Mais un chauffeur de camion nous affirme que ce n'est pas vrai.

« Nous avons sorti environ 4 000 personnes, y compris des femmes et des enfants. Lorsque nous sommes entrés à Raqqa, nous pensions qu'il y avait 200 personnes à rassembler. Dans mon seul véhicule, j'ai pris 112 personnes. »

Un autre conducteur affirme que le convoi avait six à sept kilomètres de long. Il comprenait près de 50 camions, 13 bus et plus de 100 véhicules appartenant au groupe État islamique. Les combattants de l'EI, les visages couverts, étaient assis avec méfiance sur certains des véhicules.

Des séquences secrètement filmées nous montrent des camions tirant des remorques bourrées d'hommes armés. Malgré un accord pour ne prendre que des armes personnelles, les combattants de l'EI ont emporté tout ce qu’ils pouvaient. Dix camions étaient chargés d'armes et de munitions.

Les conducteurs nous montrent un camion blanc en train d'être réparé dans le coin de la cour. "Son axe a été brisé à cause du poids des munitions", explique Abu Fawzi.

Il ne s’agissait pas d’une évacuation mais de l'exode de l’État islamique.
Le FDS ne voulait pas que la retraite de Raqqa ressemble à un repli stratégique. Aucuns drapeaux ni bannières ne seraient autorisés sur le convoi jusqu’à la sortie de la ville, selon l'accord.

Il était également entendu qu'aucun étranger ne serait autorisé à quitter Raqqa en vie.

En mai, le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a décrit la lutte contre l'EI comme une guerre d'anéantissement : "Notre intention est que les combattants étrangers ne survivent pas au retour en Afrique du Nord, en Europe, en Amérique et en Asie. en Afrique. Nous n'allons pas leur permettre de le faire ", a-t-il déclaré à la télévision américaine.

« Il y avait un grand nombre d'étrangers venu de France, Turquie, Azerbaïdjan, Pakistan, Yémen, Arabie Saoudite, Chine, Tunisie, Egypte ... »

À la lumière de l'enquête de la BBC, la coalition admet maintenant le rôle qu'elle a joué dans l'affaire. Quelque 250 combattants de l'EI ont été autorisés à quitter Raqqa, avec 3 500 membres de leurs familles.

« Nous ne voulions pas que quelqu'un parte », a déclaré le Col Ryan Dillon, porte-parole de l'opération Inherent Resolve, la coalition occidentale contre l'EI.

« Mais cela est au cœur de notre stratégie » avec « les leaders locaux sur le terrain. Il revient aux Syriens – qui se battent et qui meurent – de prendre les décisions concernant les opérations », précise-t-il.

Alors qu'un officier occidental était présent pour les négociations, il n'a pas pris une part active aux discussions. Le colonel Dillon soutient toutefois que seulement quatre combattants étrangers sont partis et qu'ils sont maintenant en détention par le FDS.

En quittant la ville, le convoi devait traverser des champs de coton et de blé bien irrigués du nord de Raqqa. Les petits villages ont cédé la place au désert. Le convoi a quitté la route principale et a pris la route pour traverser le désert. Les camions ont souffert, mais c'était beaucoup plus difficile pour les chauffeurs.

Un ami d'Abu Fawzi remonte la manche de sa tunique. En dessous, il y a des brûlures sur sa peau. "Regardez ce qu'ils ont fait ici", dit-il.
Selon Abu Fawzi, il y avait trois ou quatre étrangers avec chaque chauffeur. Ils le battaient et l’insultaient, le traitant d’« infidèle » ou de « cochon ».

Ils ont peut-être aidé les combattants à s'échapper, mais les chauffeurs arabes ont été maltraités et menacés sur toute la route, déclarent-ils.

« Ils nous ont dit : " Faites-nous savoir quand vous reconstruisez Raqqa - nous reviendrons ", affirme Abu Fawzi. Ils étaient provocants et méprisant. Ils nous ont accusé de les chasser de Raqqa. »

Une combattante étrangère l'a menacé avec son AK-47




Le commerçant Mahmoud n'est pas facilement intimidé.

Il était environ quatre heures de l'après-midi quand un convoi de SDF a traversé sa ville, Shanine.

« Nous étions là et un véhicule FDS est venu nous dire qu'il y avait un accord de trêve entre eux et l'Etat islamique », dit-il. « Ils voulaient que nous nettoyions la zone. »


Il n'est pas fan de l'EI, mais il ne pouvait pas manquer une occasion de faire des affaires – même si quelques-uns des 4000 clients surprises qui traversaient son village étaient armés jusqu'aux dents.


Un petit pont dans le village a créé un goulot d'étranglement alors les combattants de l'EI étaient sortis et allés faire du shopping. Après des mois de combat et de couverture dans des bunkers, ils étaient pâles et affamés. Ils sont entrés dans son magasin et, dit-il, ils ont vidé ses étagères.

« Un combattant tunisien borgne m'a dit de craindre Dieu », dit-il. « D'une voix très calme, il a demandé pourquoi je m'étais rasé. Il a dit qu'ils reviendraient et appliqueraient la charia une fois de plus. Je lui ai dit que nous n'avons aucun problème avec les lois de la charia. Nous sommes tous musulmans. »

Des nouilles, des biscuits et des collations - ils ont acheté tout ce qu'ils pouvaient trouver.

Ils ont laissé leurs armes à l'extérieur du magasin. Le seul problème qu'il a eu, c'est lorsque trois des combattants ont vu des cigarettes - de la contrebande selon eux - et qu’ils ont déchiré les boîtes.

« Ils ne se sont emparés de rien, rien du tout », précise-t-il.

« Seulement trois d'entre eux sont comportés comme des voyous. D'autres combattants de l'EI les ont même réprimandés. »
Ils ont payé ce qu’ils ont pris.

« Ils ont ouvert le magasin. J'ai été submergé par leur nombre. Beaucoup m'ont demandé les prix, mais je ne pouvais pas y répondre parce que j'étais occupé à servir d'autres personnes. Alors ils m'ont laissé de l'argent sur mon bureau sans que je ne le demande. »
Malgré les abus dont ils ont souffert, les chauffeurs de camions ont convenu - quand il s'agissait d'argent, l’EI a réglé ses factures.
« Les combattants de l’EI sont peut-être des meurtriers psychopathes, mais ils sont toujours corrects avec l'argent. » Dit Abu Fawzi avec un sourire.
Au nord du village, c'est un paysage différent. Un tracteur solitaire laboure un champ, envoyant un nuage de poussière et de sable dans l'air visible à des kilomètres. Il y a moins de villages, et c'est ici que le convoi a cherché à disparaître.
Dans le minuscule village de Muhanad, les gens ont fui à l'approche du convoi, craignant pour leurs maisons et leurs vies.
Mais soudainement, les véhicules ont tourné à droite, laissant la route principale pour une piste du désert.
« Deux Humvees [NdTrad: véhicule militaire US] dirigeaient le convoi », dit Muhanad. « Ils l'organisaient et ne laissaient personne les passer. »
Alors que le convoi disparaissait dans la brume du désert, Muhanad ne ressentit aucun soulagement immédiat. Presque tout le monde à qui nous avons parlé dit que l'EI a menacé de revenir, ses combattants leur passant un doigt sur la gorge.
« Nous vivons dans la terreur depuis quatre ou cinq ans », dit Muhanad.
« Il nous faudra un certain temps pour nous débarrasser de cette peur psychologique. Nous pensons qu'ils reviendront peut-être pour nous, ou enverront des agents dormants. Nous ne sommes toujours pas sûrs qu'ils soient partis pour de bon. »

De la cabine de son camion, Abu Fawzi a vu un avion de guerre de la coalition voler au-dessus de sa tête, larguant des fusées éclairantes qui éclairaient le convoi et la route devant lui.
Lorsque le dernier convoi était sur le point de traverser, un avion américain a volé très bas et a déployé des fusées éclairantes pour éclairer la région.
La coalition confirme maintenant que même si elle n'avait pas de troupes à pied sur le terrain, elle a surveillé le convoi.
Passé le dernier point de contrôle du FDS, à l'intérieur du territoire de l'EI - un village entre Markada et Al-Souwar - Abu Fawzi a atteint sa destination. Son camion était plein de munitions et les combattants de l'EI voulaient cacher.
Quand il est finalement revenu à la sécurité, le SDF lui a demandé où il avait jeté les marchandises.
« Nous leur avons montré l'emplacement sur la carte et il l'a marqué afin que l'oncle Trump puisse le bombarder plus tard », dit-il.
La liberté de Raqqa a été achetée avec du sang, des sacrifices et des compromis. L'accord a libéré ses civils pris au piège et a mis fin au combat pour la ville. Aucune force de SDF ne devait mourir en prenant d'assaut la dernière cachette de l'EI.

Le long de la route, de nombreuses personnes à qui nous avons parlé ont dit avoir entendu des avions de la coalition, parfois des drones, après le convoi.

Libérés de Raqqa, où ils étaient encerclés, certains des membres les plus recherchés du groupe se sont répandus à travers la Syrie et au-delà.





Les hommes qui coupent les clôtures, escaladent les murs et traversent les tunnels en Syrie font état d'une forte augmentation du nombre de personnes qui fuient.

L'effondrement du califat est bon pour les affaires.

« Au cours des deux dernières semaines, beaucoup de familles ont quitté Raqqa et voulaient partir en Turquie. Rien que cette semaine, j'ai personnellement supervisé le passage de 20 familles », explique Imad, un trafiquant à la frontière turco-syrienne. »

« La plupart étaient étrangers mais il y avait aussi des Syriens. »

Il facture maintenant 600 $ (510 €) par personne et un minimum de 1 500 $ pour une famille.

Dans cette affaire, les clients n’aiment pas beaucoup les questions. Mais Imad dit qu'il a eu "Français, Européens, Tchétchènes, Ouzbeks".

« Certains parlaient en français, d'autres en anglais, d'autres dans une langue étrangère », dit-il.

Walid, un autre passeur sur un autre tronçon de la frontière turque, raconte la même histoire.

« Nous avons eu un afflux de familles au cours des dernières semaines », dit-il. « Il y avait de grandes familles qui traversaient. Notre travail consiste à les faire passer illégalement. Nous avons eu beaucoup de familles étrangères qui utilisent nos services. »

Comme la Turquie a renforcé la sécurité aux frontières, le travail est devenu plus difficile.

« Dans certaines régions, nous utilisons des échelles, dans d'autres nous traversons une rivière, dans d'autres, nous empruntons une piste montagneuse escarpée. C'est une situation misérable. »

Cependant, pour Walid la situation est différente pour les hauts responsables de l’EI.

« Ces étrangers haut placés ont leurs propres réseaux de passeurs. Ce sont généralement les mêmes personnes qui ont organisé leur accès à la Syrie. Ils se coordonnent les uns avec les autres. »

Cela n'a pas fonctionné pour tout le monde. Abu Musab Huthaifa était l'une des figures les plus notoires de Raqqa. Le chef des renseignements de l'EI était sur le convoi hors de la ville le 12 octobre.

Mais maintenant il est derrière les barreaux, et son histoire reflète les derniers jours du califat en ruine.

L'État islamique ne négocie jamais. Intransigeant, meurtrier - c'est un ennemi qui joue avec un ensemble de règles différentes.

Au moins c'est comme ça que le mythe se présente.

Mais à Raqqa, il ne se comportait pas différemment des autres perdants. Acculés, épuisés et craintifs pour leurs familles, les combattants de l'EI ont été bombardés à la table des négociations le 10 octobre.

« Les frappes aériennes font pression sur nous depuis près de 10 heures. Ils ont tué environ 500 ou 600 personnes, combattants et familles », a déclaré Abu Musab Huthaifa.

Les images de la frappe aérienne de la coalition qui a frappé un quartier de Raqqa le 11 octobre montrent une catastrophe humaine derrière les lignes ennemies. Au milieu des cris des femmes et des enfants, il y a un chaos parmi les combattants de l'EI. Les bombes apparaissent particulièrement puissantes, particulièrement efficaces. Les militants affirment qu'un bâtiment abritant 35 femmes et enfants a été détruit. C'était suffisant pour briser leur résistance.

« Après 10 heures, les négociations ont repris. Ceux qui ont initialement rejeté la trêve ont changé d'avis. Et ainsi nous avons quitté Raqqa », dit Abu Musab.

Trois tentatives avaient déjà été faites pour négocier un accord de paix. Une équipe de quatre personnes, y compris des responsables locaux de Raqqa, a dirigé les pourparlers. Une âme courageuse traverserait les lignes de front sur sa moto relayant des messages.

« Nous ne devions partir qu'avec nos armes personnelles et laisser toutes les armes lourdes derrière nous. Mais nous n'avions pas d'armes lourdes de toute façon », explique Abu Musab.

Maintenant en prison à la frontière turco-syrienne, il a révélé les détails de ce qui est arrivé au convoi quand il l'a mis en sécurité dans le territoire de l'EI.

Le convoi s'est rendu dans la campagne de l'est de la Syrie, non loin de la frontière irakienne.

Des milliers se sont échappés, dit-il.

La tentative d'évasion d'Abu Musab sert d'avertissement à l'Occident sur la menace que représente ceux qui ont été libérés de Raqqa.

Comment l'un des plus célèbres chefs de l'EI peut-il s'échapper à travers le territoire ennemi et presque éviter la capture ?

« Je suis resté avec un groupe qui avait décidé de se rendre en Turquie », dit Abu Musab.

Les membres de l'État islamique étaient recherchés par tout le monde à l'extérieur de la zone de contrôle du groupe ; cela signifiait que ce petit rassemblement devait traverser des pans entiers de territoires hostiles.

« Nous avons embauché un passeur pour nous sortir des zones contrôlées par le FDS », a déclaré Abu Musab.

Au début, ça s'est bien passé. Mais les passeurs sont peu fiables. « Il nous a abandonnés à mi-chemin. Nous étions livrés à nous-mêmes au milieu des zones FDS. A partir de ce moment-là, nous nous sommes séparés et c'était chacun pour soi », explique Abou Moussab.

Il aurait pu être en sécurité si seulement il avait payé la bonne personne ou peut-être pris une autre route.

L'autre chemin est à Idlib, à l'ouest de Raqqa. D'innombrables combattants de l'EI et leurs familles y ont trouvé refuge. Les étrangers aussi, y compris les Britanniques, les autres Européens et les Asiatiques du centre. Les coûts varient de 4 000 $ (3 400€) par combattant à 20 000 $ pour une famille nombreuse.






Abou Basir al-Faransy, un jeune Français, est parti avant que les choses ne deviennent vraiment difficiles à Raqqa. Il est maintenant à Idlib, où il dit qu'il veut rester.

Les combats à Raqqa étaient intenses, même à l'époque, dit-il.

« Nous étions des combattants de première ligne, faisant la guerre presque constamment [contre les Kurdes], menant une vie difficile. Nous ne savions pas que Raqqa était sur le point d'être assiégée. »

Désabusé, las des combats incessants et craignant pour sa vie, Abou Basir décida de partir pour la sécurité d'Idlib. Il vit maintenant dans la ville.

Il faisait partie d'un groupe presque exclusivement français au sein de l'EI, et avant qu'il ne parte, certains de ses compagnons de combat reçurent une nouvelle mission.

Il y a des frères français de notre groupe qui sont partis en France pour mener des attaques dans ce qu'on appelle un "jour de compte" ».

Beaucoup de choses sont cachées sous les décombres de Raqqa et les mensonges autour de cette affaire auraient facilement pu rester enterrés là aussi.

Le nombre de départs était beaucoup plus élevé que les anciens tribaux locaux admis. Au début, la coalition a refusé d'admettre l'ampleur de l'accord.

Les Forces démocratiques syriennes dirigées par les Kurdes continuent de soutenir qu'aucun accord n'a été conclu.

Et cela n'a peut-être même pas eu pour but de libérer des otages civils. En ce qui concerne la coalition, il n'y a pas eu de transfert d'otages de l'EI aux mains de la coalition ou du FDS.

Et malgré les dénégations de la coalition, des douzaines de combattants étrangers, selon des témoins oculaires, ont rejoint l'exode.

L'accord pour libérer l'EI consistait à maintenir de bonnes relations entre les Kurdes qui mènent le combat et les communautés arabes qui les entourent.

Il s'agissait aussi de minimiser les pertes. Tout effort pour déloger l’EI de front aurait été sanglant et prolongé.

La guerre contre l'EI a un double objectif : d'abord détruire le soi-disant califat en reprenant le territoire et ensuite, empêcher les attaques terroristes dans le monde au-delà de la Syrie et de l'Irak.

Raqqa était effectivement la capitale de l'EI mais c'était aussi une cage - les combattants y étaient piégés.

L'accord pour sauver Raqqa a peut-être valu la peine.

Mais cela a également signifié que des soldats aguerris se sont répandus à travers la Syrie et plus loin - et beaucoup d'entre eux n'ont pas encore fini de se battre.

Tous les noms des personnes figurant dans le rapport ont été modifiés.



http://www.bbc.co.uk/news/resources/idt-sh/raqqas_dirty_secret
 

Credits


Authors : Quentin Sommerville / Riam Dalati

Production : James Percy / Paul Kerley

Field production : Debbie Randle

Images / video : Quentin Sommerville / Darren Conway / Peter Emmerson / SDF / Getty Images

Graphics : Joy Roxas

Editor : Kathryn Westcott

Publication date : 13 November 2017

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All images subject to copyright



Traduction en version française : Laurent Sailly pour Méchant Réac ! ®
Publié sur le site de Méchant Réac le 16 Novembre 2017

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