Lettre ouverte aux députés, signataires de la tribune du JDD du 8 juillet 2018
Mesdames, Messieurs les députés
A la rentrée, vous aurez à
examiner à l’Assemblée nationale, les projets de loi ordinaire et organique
prévoyant la réduction de 30% du nombre de parlementaires, la limitation à
trois mandats identiques dans le temps et l'introduction de 15% de
proportionnelle aux législatives. Dans une tribune commune parue dans leJDD du 8 juillet 2018, vous dénoncez « la domestication, la décomposition
et la démolition de l'Assemblée nationale » affirmant que le président Emmanuel
Macron attaque l’Assemblée nationale au « bazooka ».
Vous
vous déclarez notamment opposés à l'introduction d'une dose de proportionnelle
dans le scrutin législatif, « une combine » qui selon vous aboutirait
à « la création de deux catégories de députés ». « La première catégorie serait celle de professionnels de
l'expression médiatique, actifs dans les états-majors des partis politiques,
sans lien nécessaire avec les Français (…) [et] la seconde
catégorie serait celle de députés qui auraient plus de difficultés
qu'aujourd'hui à entretenir un vrai lien avec les Français, puisque leur
territoire d'élection serait immense ».
Politiquement
vous avez raison. Il est saugrenu de définir deux types de règles électorales pour
un même mandat qui aurait pour conséquence la présence dans l’hémicycle de
députés n’ayant pas été soumis aux mêmes contraintes. Pour autant, le député
étant titulaire d’un mandat représentatif et non d’un mandat impératif, cette règle n'est pas inconstitutionnelle selon moi.
Vous
vous inquiétez, à juste titre, de « la combinaison d'une réduction d'un
tiers et de l'introduction d'un mode de scrutin mixte est de
nature à affaiblir profondément la mission constitutionnelle de l'Assemblée
nationale et sa légitimité à incarner, par délégation de la
nation, un pouvoir de l'État ». Vous écrivez également "Ce serait le triomphe de la technocratie et la défaite de la
démocratie".
Je crois
que vous faites fausse route. D’une part, le « triomphe de la
technocratie » a largement été limitée par le non-cumul des mandats. En
effet, l’accumulation de mandats électifs nécessitait de déléguer tout ou partie
des décisions, en tout cas une grande part de l’analyse à des « experts »
(les technocrates) qui, plus qu’un avis, rendaient une décision à laquelle l’élu
se fiait, alors que ces experts n‘en avaient pas reçu le mandat de la souveraineté
nationale. Même si la délégation n’exclut pas le contrôle, le temps n’est pas
extensible. D’autre part, « la combinaison d'une réduction d'un tiers et
de l'introduction d'un mode de scrutin mixte » ne
sont pas facteurs d’affaiblissement de l’Assemblée nationale. Le comportement
de certains représentants de la nation, ou l’absentéisme de certains autres dans
l’hémicycle ou en commissions, participent certainement plus à l’affaiblissement
de la légitimité de la chambre basse à incarner « par délégation
de la nation, un pouvoir de l'État ». J’ai à ce sujet publierun classement des 50 « meilleurs députés » sur trois critères :
l’assiduité, la participation, l’activité. Savez vous que parmi les députés LR,
13 ont été présents plus de 40 semaines lors de la dernière session parlementaire
alors que 13 n’ont été présents que moins de 25 semaines.
Je souhaite ainsi revenir sur les propositionsde réformes électorales que j’avais soumises aux représentants de la précédente
législature dont je reprends ci-dessous les points essentiels :
Renforcer
les pouvoirs de l’Assemblée nationale : plusieurs mesures sont venues, au fil des
réformes constitutionnelles, revaloriser les droits des parlementaires. D’autres
conquêtes doivent être acquises :
1.L’abrogation
de l’article 40 de l’actuelle Constitution. Celui-ci dispose que « les propositions et amendements
formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur
adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques,
soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».
Cette règle constitue une restriction à la liberté de l’initiative
parlementaire et n’a, par ailleurs, pas empêché la dégradation des finances
publiques. Pire, il prive les parlementaires de toute responsabilité en matière
budgétaire et accrédite l’idée qu’une réduction fiscale, qui peut être « gagée
» par une recette fiscale de même ampleur, serait moins préjudiciable qu’une
dépense budgétaire qui ne peut pas être compensée.
2.Le droit d’amendement doit être réservé
exclusivement aux parlementaires.
3.La modification du
calendrier électorale
permettant l’’organisation
du 1er tour des élections législatives le jour du second tour de l’élection
présidentielle (Comité Balladur).
La nombre
des députés : le nombre de parlementaires en France
est très élevé, comparé aux démocraties parlementaires des pays développés. La
diminution du nombre de parlementaires serait un signal fort de la
représentation nationale à un moment où la France doit mobiliser toutes ses
forces pour se redresser. En prenant comme base qu’un député doit
représenter en moyenne 100.000 électeurs inscrits, et la France comptant un peu
plus de 47 millions d’électeurs inscrits sur les listes électorales, il
conviendrait de réduire le nombre de députés de 577 à 474. La diminution du nombre de députés (couplée dans ma
proposition de loi constitutionnelle de la suppression du Sénat) renforce le
pouvoir de ceux-ci en facilitant l’identification.
Il s’agira
alors de revoir le nombre de députés par
circonscription pour respecter le ratio. Ainsi, on aboutit au tableau
ci-dessous :
Le scrutin proportionnel à deux
tours avec prime majoritaire : C’est le
mode de scrutin retenu pour l’élection des conseillers régionaux. Dans ce mode
de scrutin, au premier tour, il n’y a répartition des sièges que dans
l’hypothèse où une liste obtiendrait la majorité absolue des suffrages
exprimés. Les sièges sont alors attribués à chaque liste en fonction du nombre
de voix obtenues par chacune d’entre elles à l’échelon régional. La liste qui
recueille la majorité absolue des suffrages exprimés obtient une prime
majoritaire de 25% du nombre de sièges à pourvoir. Les autres sièges sont
attribués à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte
moyenne, à toutes les listes qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages
exprimés. Si aucune
liste n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, il est procédé à un
second tour de scrutin. Seules peuvent se présenter les listes qui ont obtenu
au moins 10% des suffrages exprimés. Au second tour, la liste qui a obtenu le
plus grand nombre de voix obtient une prime majoritaire de 25% du nombre de
sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis à la proportionnelle à la
plus forte moyenne entre toutes les listes qui ont obtenu au moins 5 % des
suffrages exprimés. La liste arrivée en tête reçoit donc le plus grand nombre
de sièges qu’elle ajoute à ceux obtenus par la prime majoritaire. Elle est
ainsi quasiment assurée de détenir la majorité au sein de l’Assemblée
nationale.
La
circonscription électorale : L'enjeu
démocratique du découpage électoral est particulièrement
important, car il s'agit d'éviter l'arbitraire et donc la manipulation destinée
à obtenir de façon déloyale un certain résultat politique par un regroupement
artificiel d'électeurs. La région pourrait devenir la circonscription
électorale du député. Il existerait dès lors 18 circonscriptions (13 régions
métropolitaines et 5 régions d’outre-mer). Je propose que les circonscriptions
correspondent aux actuelles régions. La région forme un ensemble géographique
stable et reconnu par tous. On associe ainsi proximité de l’élu avec règle de l’interdiction
du mandat impératif.
Les limites de la portée de la révision : ma proposition de révision du mode de scrutin ne
concerne pas les circonscriptions de Nouvelle-Calédonie et des collectivités d’outre-mer
régies par l’article 74 de la Constitution et les 11 circonscriptions des
Français de l’étranger, compte-tenu de la variété des accords qui nous lie à
ces territoires et la spécificité de la représentation des Français de
l’étranger.