Plan stratégique pour la diffusion mondiale de la culture islamique: un plan hégémonique ?
Si le document que je vous
présente aujourd’hui n’est pas un document dit « secret », il n’en
est pas moins « discret ». J’avais déjà entendu
parler d’un tel document, mais je ne l’avais jamais eu entre les mains. Ce
document est perturbant (doit-il être inquiétant ?) lorsque l’on rapproche certaines idées développées et
les faits de ces quarante dernières années.
Il s’agit d’un document
intitulé « STRATEGIE DE L’ACTION ISLAMIQUECULTURELLE A L’EXTERIEUR DU MONDE ISLAMIQUE », adopté lors de la 9ème
Conférence islamique au Sommet tenue à Doha (Quatar) dont la version amendée a
été approuvée par la 5ème Conférence islamique des ministres de la
culture, tenue à Tripoli en novembre 2007. Il est publié en langue arabe,
anglaise et française sur le site de l’Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture (ISESCO). L’organisation considère que « cette stratégie est dès lors un document officiel
de l'action islamique commune en Occident. »
Dans son introduction, il
est constaté que la communauté islamique dans son ensemble « a grandement besoin d’une stratégie qui permette de
coordonner et d’orienter, de manière méthodique, l’action culturelle, eu égard
au rôle de plus en plus prégnant que joue la culture dans le développement des
Etats membres. » L’ISESCO veut ainsi protéger le monde islamique
« partout dans le monde » et particulièrement en Occident, contre
« la dilution culturelle et la perte de l’identité islamique, notamment
les deuxième, troisième et quatrième générations ».
L’avant-propos détaille
les principales motivations :
PRINCIPE DE LA DIFFERENCE
DES CIVILISATIONS, selon lequel à protéger « l’identité de la civilisation
du Musulman contre les méfaits des courants idéologiques, culturels et
politiques qui sont incompatibles avec son identité civilisationnelle ».
PRINCIPE DE COOPERATION
« entre les acteurs de l’action culturelle en Occident ».
La stratégie ou les
stratégies culturelles établies par l’ISESCO ont pour objectif d’affirmer le
« rôle de la culture dans la protection de l’identité culturelle des
communautés musulmanes établies à l’étranger ».
La stratégie se
« réfèrent essentiellement aux valeurs islamiques » (la foi)
précisant que la réalisation des objectifs définis ne pourra l’être « qu’à
la faveur de plans et programmes avec la volonté commune de tous les agents qui
y sont impliqué de par leur vie professionnelle. »
Dans le développement du
programme, le chapitre 1 détaillent les mobiles.
Ainsi, « la présence
islamique à l’extérieur du Monde islamique est l’un des axes importants de
l’action culturelle islamique commune. La majorité des organisations et des
institutions concernées y ont consacré une part importante de leurs budgets,
programmes et activités destinés aux musulmans en Occident comme la
construction des mosquées et des écoles etc. »
Et l’auteur du texte de
s’inquiéter que les musulmans « s’adaptent facilement aux milieux
d’accueil, cohabitent harmonieusement avec les nationaux, participent
efficacement à la vie économique locale, à la production et au développement
social, scientifique et civilisationnel, tout en restant naturellement
distincts par la spécificité ». Selon ce texte « la question
culturelle constitue aujourd’hui la colonne vertébrale des relations
interétatiques, on pourrait craindre que les relations culturelles et la lutte
des cultures aient dans un avenir proche des conséquences encore plus graves et
plus grandes que les déséquilibres enregistrés dans le domaine des échanges
commerciaux. » Le document alerte les Etats membres sur l’uniformisation
de la cuture dans le monde représentant une menace sérieuse pour les « peuples musulmans dans leurs
propres pays par l’effet de la mondialisation de la communication » et
encore plus pour les « enfants des communautés et minorités musulmanes
établies dans les pays non musulmans où les nouvelles générations naissent,
grandissent et suivent leur éducation et leur formation dans des établissements
qui ne n’ont pas été conçus pour eux initialement ». Les rédacteurs
écrivent que « la préservation de cette identité exige dès maintenant une
éducation islamique appropriée et saine, des programmes judicieusement élaborés
ayant pour objet la conscientisation, la culturation, l’orientation, la
protection sociale, suivant la lettre et l’esprit de l’Islam. »
Le document relève que
« l’établissement relativement long et prolongé des immigrés musulmans en
dehors du Monde islamique et leur concentration dans des zones et secteurs
rapprochés, leur donnent les qualités de groupements et d’ensembles d’habitants
avec des spécificités démographiques propres. Aussi remarque-t-on, à ce propos,
que la moyenne des naissances au sein des communautés musulmanes dépasse en
certains lieux celle notée chez les familles voisines européennes. Bien plus
encore, la moyenne européenne, dans quelques pays, marque une tendance
accentuée dans le sens décroissant. »
(…)
« Ces générations
sont actuellement des minorités qui se distinguent par leurs spécificités
humaines, sociales, culturelles et économiques. On pourrait donc conclure que
l’Islam est devenu une des religions activement présentes à l’extérieur du
Monde islamique et il est même, dans certains Etats européens, la deuxième
religion du pays. »
Le rapport de clôture des
travaux de la réunion des experts pour l’élaboration de la stratégie de
l’action culturelle islamique en Occident cité dans le texte affirme que
« la présence de l’Islam en Europe de demain est une réalité palpable
appelée à s’y fixer durablement ; les racines de l’Islam s’étendent
profondément dans le sol de plusieurs contrées du continent lesquelles ont déjà
vécu des siècles durant sous sa conduite et, s’appuyant sur ses prescriptions
et règles éclairées, elles apportèrent leur précieuse contribution à
l’édification de sa brillante civilisation, vite devenue une civilisation
humaine ». Le rapport conclue : « De par leurs diverses
activités, les Musulmans forment aujourd’hui un pan indissociable du tissu
social européen, ont les possibilités et les aptitudes de s’autogérer, de
prendre leurs affaires en main, de décider de leur présent et de leur avenir et
de remplir positivement leur rôle ».
Suite aux conclusions du
rapport, le document stratégique insiste sur l’importance de l’unification de
la méthode et, compte-tenu de la dispersion des populations musulmanes dans le
monde du rôle fondamental de l’information. Les auteurs appellent ainsi à
lutter contre les médias occidentaux qui « s’adresse aux communautés et
minorités musulmanes appartenant aux pays du tiers monde, sur la base de ses
idées, ses principes et ses valeurs occidentales. Les chaînes étrangères et les
programmes médiatiques occidentaux véhiculent la culture de la violence, du
libertinage et de la délinquance, ancrant ainsi chez ces peuples et ces
communautés, par l’effet de l’imitation et de la fréquentation, des concepts et
comportements culturels purement occidentaux. La culture occidentale qui
s’impose aux enfants des musulmans vivant en Occident du fait de l’invasion
médiatique nécessite une planification complète et exhaustive et un
renforcement des efforts des associations et des centres culturels islamiques
pour orienter convenablement ces nouvelles générations et les empêcher de subir
l’impact négatif des médias occidentaux. »
Le texte dénonce également
l’aggravation du racisme en Europe, les musulmans continuant « de souffrir
des humeurs racistes, notamment à l’occasion de l’exercice de certaines pratiques
religieuses et l’observance des préceptes religieux. La promulgation de lois
qui touchent l’immigration sous prétexte de l’organiser, de décrets qui
restreignent le séjour des étrangers et les tentatives de ces derniers pour
leur intégration, sans aucune considération par les pouvoirs publics pour les
droits de l’homme et les principes de l’égalité, aggravent encore la
situation. » De là en est déduit que « cette situation rend
nécessaire et indispensable la mise en chantier d’une stratégie culturelle qui
serve les communautés musulmanes, protège leur originalité et réconforte leur
identité. »
Puis le texte se poursuit
déplorant la tendance à la laïcité : « La genèse des sociétés
occidentales et leur évolution puisent leur sève dans des principes et postulats
qui les orientent de plus en plus vers la laïcité.(…) » révélant
« une forte tendance vers l’adoption des courants qui militent pour
reléguer au rebut tout ce qui est sacré, le dépouiller de ses valeurs
spirituelles et réduire la religion “à une question relevant de la vie privée
de l’individu”. »
Les rédacteurs soulignent
alors que « l’enfant musulman qui vit et reçoit son éducation dans des
sociétés laïques, peut facilement être influencé par les courants qui y
circulent et les tendances positives qui s’y amplifient, d’autant plus que la
vie scolaire, l’impact médiatique et ses relations avec le milieu favorisent sa
réceptivité à ces opinions incompatibles avec l’Islam. »
Pour cela la stratégie de
l’action culturelle islamique en Occident doit « répondre aux besoins et aux vœux de la
jeunesse musulmane en ce qui concerne la consolidation de son identité pour la
prémunir contre toute fusion dans le milieu ambiant (…) ».
Les signataires dénoncent
l’« occidentalisation méthodique des enfants des communautés musulmanes au
moyen de la scolarisation et des médias » dans le but de « les
imprégner des valeurs occidentales et leur faire adopter la pensée, le
comportement, les us et les habitudes qui sont en corrélation avec ces valeurs.
Ce procédé est mis en pratique à partir du cycle scolaire prématernel, et passe
par les étapes successives de la formation éducative ; il est doublé par
l’influence et l’impact des pressions de la rue et des médias et autres moyens
extérieurs, dans l’environnement social et le monde du travail. »
(…)
« Les médias
parachèvent à leur tour le côté négatif de l’action des programmes scolaires
par l’entretien de campagnes hostiles à l’Islam qu’ils présentent à l’opinion
publique comme le levain et le moteur qui commandent l’œuvre des extrémistes et
des fanatiques et lui collent sciemment ou pas l’étiquette de “religion de
terreur”. »
Le chapitre 2 fixe les
objectifs au niveau de l’individu et au niveau de la communauté.
Au niveau individuel, les
objectifs à atteindre sont « la foi profonde établie sur les bases de la
doctrine islamique », « l’engagement à respecter les commandements
d’Allah », la « prise de conscience des droits fondamentaux de l’humanité,
comme le droit de vivre, le droit à la liberté, à l’équité, à la dignité et le
devoir de reconnaître aux autres l’accès à ces droits, d’égal à égal, sans
faire de distinction entre les gens, sans en privilégier certains au détriment
d’autres, car l’homme, qu’il s’agisse d’un musulman ou d’un non-musulman, est
une personne qui porte en elle sa dignité et a droit à l’honneur » et
enfin l’ « acquisition d’une personnalité forte, cohérente, noble et
de fière, mais ouverte à tout ce qui est positif et constructif ».
Au niveau de la communauté
tout entière, la stratégie entend parvenir à ses fins à partir des objectifs
suivants : « l’attachement à l’identité islamique »,
l’« assimilation consciente et raisonnable des composantes de la culture
islamique »…
La Stratégie de l’action
culturelle islamique tend à définir le cadre global pour élaborer un programme
visant à protéger l’identité civilisationnelle et culturelle islamique des
enfants des musulmans expatriés et à coordonner les prises de position entre
les acteurs de l’action culturelle islamique en dehors du Monde islamique.
Six objectifs principaux sont
définis et plus particulièrement des objectifs concernant le domaine culturel,
notamment en se protégeant « de l’invasion et de l’aliénation culturelles
et garantir la sécurité culturelle et l’immunité nécessaire au développement de
la personnalité du musulman en le formant aux principes de l’islam et de la
culture islamique.».
Dans le domaine social, il s’agit
d’ « orienter les enfants des communautés et des minorités musulmanes
pour les aider à se protéger de la mondialisation et de ses effets négatifs sur
la famille, en leur montrant la non viabilité de la mondialisation en tant que
référence éthique, sociale et éducative » et « activer les divers
programmes d’orientation sociale visant à renforcer l’attachement des enfants
des communautés musulmanes à leur personnalité musulmane et aux valeurs
sociales authentiques ».
Enfin des objectifs dans le domaine de
l’éduction-enseignement dans le but de « contribuer à garantir aux
enfants des musulmans vivant en dehors du Monde islamique, une éducation
équilibrée à la fois spirituelle et cognitive afin de les protéger de
l’invasion culturelle et de l’aliénation intellectuelle exercée par l’hégémonie
de certains systèmes éducatifs. »
Les chapitres suivants
développent, encadrent, rationnalisent et organisent les préceptes exposés
ci-dessus.
Je n’en dirai pas plus. Je
vous laisse à votre réflexion et à votre interprétation de ce texte. Je précise qu'il ne s'agit pas d'une traduction arabe/français mais bien d'un texte rédigé en français par l'ISESCO.
La question que nous devons-nous poser est la
suivante : ce document est-il un programme de coopération ou un plan de
stratégie hégémonique ?