Un roi pour la France, mais lequel ?
Les lois fondamentales du royaume de France constituent les bases constitutionnelles de la monarchie. Elles constituent un groupe de normes particulières en ce sens qu’elles s’imposent au roi, roi qui se trouve selon la formule consacrée « dans l’heureuse impuissance de les modifier ».
Aussi les juristes en
tirent les propositions suivantes :
1) Ces lois fondent la constitution de la monarchie,
2) Ces lois tirent leur origine de la coutume et de la tradition,
3) Ces lois sont supérieures à l’autorité royale.
1) Ces lois fondent la constitution de la monarchie,
2) Ces lois tirent leur origine de la coutume et de la tradition,
3) Ces lois sont supérieures à l’autorité royale.
Les
lois sur la transmission de la Couronne de France se sont dégagées
progressivement du XIIIème siècle au XVIème siècle. Une solution est donnée
lorsqu’un problème successoral apparaît. Solution ensuite consacrée par le
temps et acceptée par tous.
Nous
allons voir comment ses lois se sont formées et les conséquences politiques de
leurs applications.
Avant les lois fondamentales…
Le
royaume franc était considéré dans la tradition germanique comme un bien
patrimonial, constitutif du domaine familial du roi. Les rois mérovingiens ne
distinguaient pas entre l’État, leurs personnes et leurs biens. Lorsque la
succession du roi défunt s’ouvrait, on appliquait logiquement les principes de
successions de droit privé : la loi salique.
A
la mort du roi, le royaume était divisé entre ses enfants de sexe
masculin. La première difficulté
pratique était d’assurer une division équitable du royaume, entrainant
pourparlers et déceptions… Cette loi excluait les femmes de la succession tant
qu’il restait des héritiers mâles, mais une femme pouvait hériter d'un domaine
en pleine possession et non simplement comme usufruitière. Le partage du
royaume créa des conflits fratricides dictés par la convoitise, généralement
suivis par des meurtres en série ou des guerres entre royaumes frères. Fustel
de Coulanges voit dans cette royauté mérovingienne « un despotisme tempéré par
l'assassinat ».
Le
titre de roi des Francs, ou Rex Francorum en latin, se transmettait du père au
fils, d'une génération à l'autre, dans la même famille, celle des Mérovingiens.
Le partage du royaume faisait qu’il n’y avait plus un seul souverain à la tête
d’un grand royaume mais plusieurs souverains à la tête de plusieurs petits
royaumes ce qui affaiblissait considérablement le pouvoir de la dynastie
franque. Néanmoins, chaque héritier étant considéré comme Rex Francorum, le roi
règne sur un peuple et non un territoire. L’unité du royaume était ainsi
garantie et les frontières ont toujours été très défendues contre les
différentes tentatives d’invasion.
Lorsque
Pépin le Bref s’empare du pouvoir, fidèle à la vieille conception franque, il
partage ses Etats entre ses deux fils par une répartition, assez bizarre d’ailleurs,
qui juxtaposait dans les mêmes régions les pouvoirs des deux héritiers. Mais en
771, Carloman a la bonne idée de mourir prématurément. Tandis que la veuve de
Carloman et ses deux jeunes fils cherchent refuge en Italie, auprès du roi des
Lombards, Charles occupe les territoires de son frère défunt et prend seul en
main la rude tâche de consolider les assises territoriales du royaume franc et
d’en assurer l’unité. En 806, dans le règlement de sa succession, Charlemagne
prévoit le partage de son nouvel empire entre ses fils. Mais à peu
d’intervalle, en 809 et en 811, les deux fils aînés de Charlemagne meurent.
Louis le Pieux recueille seul la succession de tout l’Empire des mains de son
père, quelques mois avant sa mort à Aix-la-Chapelle, le 28 janvier 814.
Sous
l’inspiration de ces mêmes conseillers, Louis le Pieux promulgue et établit
fermement en 817, par un acte d’une portée considérable, l’indivisibilité de
l’Empire. En même temps, il éleve l’aîné de ses trois fils, Lothaire, à la
dignité d’empereur, pour que celui-ci, à la mort de son père, lui succède seul,
sans partage aucun du territoire. Une situation explosive se prépare lorsqu’en
823 l’impératrice Judith, seconde femme de Louis le Pieux, met au monde un
fils, le futur Charles le Chauve. En 831, Louis le Pieux revient au système du
partage impérial, réservant au fils de Judith, un lot important du territoire.
Louis meurt en 840. Lothaire, élevé à la dignité impériale, se croit en droit
de lui succéder dans tout l’Etat. Les fils cadets, Louis, Pépin et Charles,
réclament leur part conformément à l’ancien droit germanique. Alors se prépare
le traité de Verdun, l’un des plus décisifs du Moyen Age, puisqu’il se trouve à
l’origine de la fondation des Etats de France et d’Allemagne.
Cent
cinquante ans se sont écoulés. En 987, Hugues Capet est élu roi des Francs à la
mort de Louis V. Or si
le roi est mort sans enfant, il reste un Carolingien susceptible de monter sur
le trône, Charles de Lorraine, fils de Louis IV
et frère de Lothaire. Pourtant, cela n’a rien d'extraordinaire : ce n'est
pas la première fois qu'un Carolingien est en concurrence avec un Robertien.
Ainsi
Eudes, en 888, est élu roi des Francs et sacré à Compiègne, puis à Reims aux
dépens de Charles III le Simple, fils de Louis II. Ecarté de la succession de
son frère Carloman II en 884 en raison de son jeune âge, il est sacré à Reims
le 28 janvier 893 (alors qu'Eudes règne encore). Il ne devient réellement roi
qu'à la mort de celui-ci en 898. Les grands du royaume le déposent en 922 et
élisent le duc Robert, frère de Eudes et grand-père d’Hugues Capet, pour le
remplacer. Sacré à Reims le 30 juin 922, Robert est tué l’année suivante à la
bataille de Soissons. Raoul, de la dynastie des Bivinides, est élu roi à la
mort de Robert 1er par les grands du royaume, qui refusent de rendre
la Couronne à Charles III le Simple. Celui-ci, capturé au cours de la bataille
de Soissons, meurt en captivité. La mort de Raoul en 936 permet à Louis IV,
seul fils de Charles le Simple, d’être sacré à Laon le 19 juin 936.
Aussi,
l’élection d'Hugues Capet, a dû passer, à l’époque, comme une nouvelle
alternance familiale à la tête de la royauté franque. Mais en 987, les temps
ont changé. Depuis une dizaine d'années, Hugues Capet concurrence ouvertement
le roi, il semble avoir soumis les grands vassaux, mais surtout, son adversaire
Charles de Lorraine est accusé de tous les maux.
« Nous
n'ignorons pas que Charles [de Lorraine] a des partisans : ils soutiennent
qu'il a des droits à la Couronne, transmis par ses parents. Mais on ne doit
porter sur le trône qu'un homme exceptionnel par la noblesse du sang et la
vertu de l'âme. Or, Charles n'obéit pas à l'honneur, il a perdu la tête au
point de s'être remis au service d'un roi étranger Otton II
et d'avoir pris femme dans une classe inférieure de la noblesse. »
— Adalbéron
d’après Richer de Reims, Histoire, IV, v. 990
D’ailleurs
le principe héréditaire ne va pas complètement de soi à lire le chroniqueur
Richer de Reims qui rapporte les propos du même Adalbéron de Reims :
« Le
trône ne s'acquiert point par droit héréditaire, et l'on ne doit mettre à la
tête du royaume que celui qui se distingue par ses qualités. Donnez-vous donc
pour chef le duc Hugues, recommandable par ses actions, par sa noblesse et par
ses troupes, en qui vous trouverez un défenseur, non seulement de l'intérêt
public mais aussi des intérêts privés. »
— Richer de Reims,
Histoire, IV, v. 990
Le principe héréditaire
Les Carolingiens, et
avec eux les Capétiens, sont conscients de la fragilité de leur dynastie
respective. Pépin le Bref, en son temps, avait associé ses fils, Charles (le
futur Charlemagne) et Carloman, au sacre de 754. Louis 1er le Pieux
fut associé empereur par son père Charlemagne quelques mois avant son décès.
Lothaire associera au trône son fils Louis V.
Les Capétiens feront de
même. De Hugues Capet jusqu’à Philippe Auguste, les rois de France associeront ,
de leur vivant, l’aîné de leur fils. On aura donc deux rois, un roi en titre le
« rex coronatus » et un roi désigné comme successeur le « rex designatus ». Le fils du roi est
l’héritier naturel, celui qui doit naturellement succéder et l’association au
trône sert à confirmer cela. Ainsi, sans cesser d’être élective (même si elle
finira par la simple présence au sacre des douze pairs du royaume), la Couronne
de France devient héréditaire. Philippe Auguste estimera le principe
héréditaire suffisamment installé pour ne pas associer son fils. L’histoire,
aidée par le « miracle capétien », lui donnera raison.
Principe de la primogéniture
A
ce principe d’hérédité s’est ajouté très tôt, un autre principe, celui de
primogéniture. L’aîné des fils du roi défunt hérite de la Couronne. Cette règle
s’inspire du droit féodal. La succession des fiefs est héréditaire et se fait
par primogéniture. En effet, il est important de préserver l’unité du fief,
mais surtout il est important de le concéder à l’aîné parce qu’il est le plus
âgé et donc le plus expérimenté et souvent le plus apte au combat. En ce qui
concerne la dévolution de la Couronne, ce principe de primogéniture va
s’affirmer dans des circonstances précises.
En
1027 sous le règne de Robert II le Pieux, son fils Hugues est associé au trône.
Celui-ci meurt avant son père. Lequel des puinés va-t-il choisir ? La reine
aurait préféré l’un des plus jeunes. Le roi Robert choisit Henri (qui règnera
sous le nom de Henri 1er dès 1031) parce qu’il est l’aîné des puinés. C’est le
point de départ du principe de primogéniture qui ne sera plus contesté par la
suite. Louis VI le Gros confirmera cette
règle en associant au trône son deuxième fils, Louis (futur Louis VII) en 1137,
six ans après la mort de son fils ainé qu’il avait associé en 1129. Philippe
III succède à son père Louis IX en 1270, son frère aîné étant mort
prématurément. Le même cas de figure se présente en 1285, lorsque Philippe le
Bel succède à Philippe III.
Principe de masculinité
A
côté de l’hérédité et de la primogéniture un principe essentiel va être dégagé
lorsque s’achève ce qu’on a appelé « miracle capétien ».
De
Hugues Capet (987) à Jean 1er, fils posthume de Louis X le Hutin
(1316), pendant plus de trois siècles, il y aura toujours un fils pour succéder
au père. Le 5 juin 1316, Louis X meurt laissant une fille en bas âge et sa
seconde épouse enceinte de quatre mois. Il faut attendre la naissance pour
régler la succession, et, en attendant une assemblée d’ecclésiastiques et de
seigneurs désigne le frère du roi défunt (Philippe, futur Philippe V le Long)
pour assurer la régence. A la naissance
de l’enfant, si c’est un garçon il sera roi, si c’est une fille il y aura un
problème dont la solution n’a pas été prévue parce que le cas ne s’est jamais
présenté. L’enfant naît…, c’est un garçon, Jean 1er le Posthume. Mais il meurt
cinq jours après sa naissance. Il ne reste que sa sœur, Jeanne. Va-t-elle
pouvoir régner ?
En
général, en droit féodal, une fille pouvait succéder à son père à la tête du
fief, moyennant quelques aménagements pour pouvoir remplir les services
vassaliques. Quant aux autres monarchies, elles acceptent généralement la
succession des filles (Aragon, Navarre, Castille, Portugal, Royaume de Naples,
Angleterre, Empire d’Orient…).
Le
régent, Philippe, va bénéficier de plusieurs concours de circonstances
politiques qui vont, faute d’arguments juridiques, lui permettre de se
maintenir au pouvoir. Tout d’abord, il est le régent et à ce titre il bénéficie
d’une position dominante. Ensuite, il a le soutien de l’Eglise et des grands
féodaux. Enfin, Jeanne est réputée bâtarde à la suite de la conduite de sa mère
(scandale des brus de Philippe Le Bel). C’est cet argument qui privera Jeanne
de l’héritage paternel. Mais juridiquement, les femmes ne semblent pas exclues
de la dévolution de la Couronne de France.
Lorsque
Philippe V meurt, il laisse quatre filles, dont la paternité n’est pas remise
en cause. Pourtant, la Couronne passe au dernier fils vivant de Philippe le
Bel, qui prend le nom de Charles IV. Celui-ci ne laissera qu’une fille. La
jurisprudence est faite. Elle ne sera pas reine. Remarquons qu’à ce moment de
l’histoire, il n’est nullement fait référence à la fameuse « loi
salique » !
C’est
le chroniqueur Richard Lescot qui redécouvre en 1358 dans la bibliothèque de
Saint-Denis, la célèbre « loi salique », soit plus de trente ans
après le règlement de la succession de Charles IV et plus de quarante ans après
la mise à l’écart de Jeanne. Elle servira néanmoins à justifier a posteriori
l'exclusion des femmes à la succession du trône de France, consacrée en 1316 et
1328 (contrairement à ce qu’affirme Pierre Laurent Buirette de Belloy, cf
infra). La loi salique est une réinterprétation d’une loi civile très ancienne
des Francs saliens, rafraîchie au VIIIème siècle par les Carolingiens sous le
nom de lex salica carolina. Cette loi
réglait, entre autres, les successions de droit privé. Juridiquement,
l’argument qui va consister à transposer une disposition de droit privé dans le
domaine du droit public n’a pas une grande valeur. Néanmoins, les juristes de
l’époque tireront l’adage : « Le
royaume ne saurait tomber de lances en quenouilles » (la lance étant un
attribut masculin et la quenouille un attribut féminin) ou encore « les lys ne filent point ». Ainsi se
trouve justifier, sur une base juridique très contestable, que le royaume soit
passé aux mains de Philippe V, puis Charles IV et enfin Philippe VI.
Lors des états généraux de
1593, Philippe II d’Espagne cherchera à imposer la candidature de sa fille
Isabelle. Celle-ci est repoussée, entre autres, au nom de ce principe
permettant à Henri IV de s’imposer .
Le principe de collatéralité
A
l’occasion de la succession de Jean 1er (le fils posthume de Louis
X), on a vu la Couronne passer sur la tête des oncles du petit roi. En
l’espèce, l’attribution la Couronne au régent Philippe permet d’éliminer au
passage les éventuelles revendications de Charles de Valois, frère du roi
Philippe le Bel, qui s’était déjà vu refuser la régence.
Lorsque Charles IV le Bel meurt sans descendance mâle, on trouve en Philippe de Valois, fils de Charles (frère de Philippe IV), le successeur idéal. Une nouvelle loi fondamentale voit le jour : celui de la collatéralité. Selon ce principe, en cas d’absence d’héritier mâle direct, la Couronne revient au chef de la branche collatérale aînée.
Plusieurs rois bénéficieront de cette règle après Philippe VI : Louis XII en 1498, François 1er en 1515, les frères de François II (Charles IX en 1560 et Henri III en 1574), Henri IV en 1589 (cousin d’Henri III au 21ème degré), les frères de Louis XVI (Louis XVIII en 1814 et Charles X en 1824).
Le principe d’exclusion des femmes et de leur
descendance
Le
principe de masculinité (cf. supra) interdit aux femmes de ceindre la Couronne
de France. Si Jeanne, la fille de Louis X, avait été exclue de la succession
pour des raisons liées au comportement de sa mère, les filles de Philippe V et
de Charles IV avaient été écartées sans argument juridique. L’application du
principe permit à Philippe VI de Valois, neveu de Philippe IV le Bel et le
cousin du roi défunt Charles, d’accéder au trône.
Pourtant,
un prétendant de Philippe de Valois va se manifester : Edouard III
d’Angleterre. Sa mère, Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel, est
reine d’Angleterre par son mariage avec Edouard II. Elle va faire valoir les
droits de son fils à la Couronne de France, celui-ci étant le petit-fils de
Philippe le Bel et le neveu de Charles IV. Mais il descend en ligne directe de
Saint Louis (qui bénéficie en ce début de XIVème siècle d’une aura sans commune
mesure) par les femmes et n’est donc pas un Capétien, alors que Philippe
descend du saint roi par les hommes. Ensuite, avant de faire droit à la
prétention d’Isabelle, il faut examiner le cas de Philippe de Bourgogne,
petit-fils de Philippe V le Long par sa mère, Jeanne de France. Edouard n'est
pas le mieux placé pour succéder à Charles IV, mais incontestablement le plus
puissant. Il en découlera une guerre entre les deux royaumes qui devait durer
plus de cent ans.
De la « loi salique »
redécouvert en 1358 (voir supra – et qui ne sera codifiée qu’en 1460 sous
Charles VII), les juristes vont tirer un second adage : « Nul ne peut transférer à autrui plus de
droits qu’il en a lui-même », l’exclusion des femmes inclue celle de ses descendants.
Les juristes anglais prétendaient quant à eux que, si une femme ne peut pas succéder, en
revanche elle peut transmettre des droits successoraux à son fils. Ils
reprennent un argument du droit féodal selon lequel la femme « fait pont de planche » et sert de
passerelle aux droits successoraux. Près d'un siècle plus tard, en 1419, le roi
d'Angleterre Henri V, à la fin de la guerre de Cent Ans, veut mettre son fils
sur le trône de France, en écartant Charles VII. Ses prétentions s'appuient sur
le fait que la mère de son fils était Catherine de France, fille de Charles VI
de France. La démarche n’aboutira pas pour ce même motif.
Au
XVIIème siècle, Jacques-Auguste de Thou, premier président du Parlement de
Paris, grand maître de la bibliothèque et historien du roi écrit : « les Français excluent les femmes et
leur postérité au trône de France, afin de ne pas être assujettis par leurs
mariages, à la domination de princes étrangers ». Dans son Oraison
funèbre de la reine Marie-Thérèse, Bossuet rappelle que « la Très Chrétienne Maison de France, par sa noble
constitution, est incapable d’être assujettie à une famille étrangère ».
Par la suite aux XVIIIème et
XIXème siècles, Pierre Laurent Buirette de Belloy (in Siège de Calais) et le
comte de Ségur (in Histoire de France) justifie l’exclusion des femmes du trône
de France, non « qu’on les jugeât incapable de régner » mais au motif
de craindre de voir « le sceptre tomber dans les mains d’un prince
étranger ». Par un tour de passe-passe historique, la loi salique (qui
déjà à l’origine n’excluait pas les femmes de la succession au trône), affirme
Buirette de Belloy, avait pour objet « d’écarter de la Couronne tout
Prince Etranger » et que la « faiblesse du Sexe n’avait jamais été le
fondement de la Loi ». C’est vite oublier que le détournement de la loi
salique au XIVème siècle, avait été utilisé pour justifier, quelques décennies
plus tard, notamment à l’encontre des quatre filles de Philippe V, dont aucune
n’avait épousé un prince étranger.
Cependant, le jeu des
alliances matrimoniales mené par les Capétiens peut avoir des effets parfois
surprenants. Par exemple, nous avons vu que François 1er avait
succéder à Louis XII, ce dernier n’ayant laissé que des filles dont Claude de
France, l’aînée des deux. Celle-ci du fait de son sexe ne pouvait ceindre la Couronne
ni transmettre ses droits à ses fils. Mais ayant épousé François 1er ,
elle devint reine de France. Son fils succédera à son père sous le nom d’Henri
II et à son grand-père (le père de la reine) le roi Louis XII. Ce dernier avait
en son temps épousé Jeanne de France (sainte), fille de Louis XI et de
Charlotte de Savoie. Le mariage a certes été cassé dans l’année et resté sans
postérité, mais elle aura été reine de France. En 1572, la « Reine
Margot » épouse Henri de Navarre afin d’apaiser les tensions entre
catholiques et protestants. Reconnu roi de France en 1589 sous le nom d’Henri
IV, Marguerite de France, fille du roi Henri II, devient reine.
Le
principe de catholicité
L’accession au trône d’Henri
IV fait apparaître une nouvelle loi fondamentale : le principe de
catholicité. Dans un pays qui a vu la conversion du premier roi barbare, Cloviset
qui se revendique « fille aînée de l’Eglise », la catholicité du roi
de France était évidente. Mais la succession de Henri III, qui n’est pas encore
ouverte, dans le contexte des guerres de religion, oblige de formuler
clairement le principe. Car Henri n’ayant toujours pas d’enfant mâle pour lui
succéder, l’héritier de la Couronne est certes un premier prince de sang mais
converti au protestantisme, Henri de Navarre. Si celui-ci est écarté, le plus
proche héritier serait alors l’oncle paternel d’Henri de Navarre, le cardinal
Charles de Bourbon.
Le 15 juillet 1588, par la
signature de l’édit d’union, Henri III s’engage à combattre les protestants au
côté de la Ligue et à exclure tout protestant de la succession du trône de
France. Dès l’assassinat d’Henri III connu, les Ligueurs acclament le cardinal
de Bourbon comme le nouveau roi Charles X. De son côté, Henri, cousin et
beau-frère du roi défunt, désigné par celui-ci comme son successeur légitime,
part à la conquête de son royaume.
Le cardinal de Bourbon a la
riche idée de mourir en mai 1590. Le duc de Mayenne convoque les Etats généraux
en décembre 1592 pour lui nommer un successeur. Mais l’hypothèse de l’accession
au trône d’Isabelle d’Autriche, infant d’Espagne, pousse les délégués à
rencontrer, le 29 avril 1593, le roi Henri IV et à convenir d’une trêve. Le 28
juin 1593, l’arrêt du Parlement de Paris, signé de son président Lemaistre, rappelle
par deux fois que le nouveau roi doit être catholique. Celui-ci doit « maintenir la religion catholique,
apostolique et romaine » et que « les
lois fondamentales de ce royaume soient gardées […] pour la déclaration d’u roi
Catholique (…) ». Le 25 juillet, Henri abjure le calvinisme ; il
est sacré le 27 février 1594.
Le
principe de l’exclusion des princes étrangers
Revenons en 1328, à la
succession de Charles IV. Philippe VI de Valois, nous le savons maintenant,
Capétien le plus proche par les mâles du défunt roi, succède au trône. Nous
savons aussi que cette succession est rendue possible en excluant les droits
d’Isabelle de France, la mère d’Edouard III d’Angleterre. Mais n’oublions pas
que cette décision des pairs de France tient surtout au fait de ne pas voir
l’Angleterre s’emparer du royaume de France. En effet, nous l’avons vu, la
justification juridique par le bi ais
de la soi-disant « loi salique » n’apparaît que trente ans plus tard,
en pleine guerre dite de « Cent ans ».
Le principe selon lequel le
roi de France doit être français (juridiquement et non plus simplement
politiquement) est l’œuvre de l’évêque de Lisieux, Nicolas Oresme, conseiller
de Charles V, qui écrit : « Tout
François sunt d’un lignage, car ils ont aucune similitude ou affinité ou
proceinité naturele communelment […] Et donques le roy qui est père de ses
subjects […] doit avoir […] unité ou convenience de lignage, comme il est dit.
Par quoy il s’ensuit que ce est inconvénient et chose désnaturele ou hors
nature qye un homme soir roy d’un royalme et qu’il soit de estrange païs ».
Même en vieux « françois » on ne peut être plus clair. Il faut dire
que l’évêque conseille alors un roi en plein conflit avec les
« anglois ».
Théologien, diplomate et
juriste au service de Louis XII, Claude de Seyssel indiquera combien il est « chose pernicieuse et
dangereuse » d’avoir un roi venu « détrange
nation, qui est d’autre nourriture et condition, et a autres mœurs, autre
langage et autre façon de vuire, que ceux du païs qu’il veut dominer ».
Charles Dumoulin, juriste du
XVIème siècle, écrit : « Le bon sens
exige que les princes du sang, devenus étrangers soient écartés du trône au
même titre que les descendants mâles des princesses. L'exclusion des uns et des
autres est dans l'esprit de la coutume fondamentale qui ne méconnaît le sang
royal dans les princesses que pour ne jamais laisser le sceptre aux
étrangers. »
Ce principe d’exclusion des
princes étrangers devait être solennellement réaffirmée à l’occasion, une
nouvelle fois, de la succession d’Henri III. L’Espagne, soutien fidèle des
Ligueurs, s’étant érigée en défenseur de la « vrai foi », s’imagine
mettre sur le trône de France, l’infante Isabelle (que nous avons déjà
rencontré plus haut). Sa mère est la fille du roi Henri II et l’épouse du
roi d’Espagne Philippe II (de la famille des Habsbourg). La candidature peut déjà
être rejetée au nom du principe de masculinité. Nous l’avons vu le célèbre
arrêt Lemaistre (cf supra) avait montré la nécessité, pour le nouveau roi,
d’être catholique. Cette disposition contraignait le roi de Navarre mais
certainement pas la Très Catholique Espagne. Aussi, le Parlement de Paris va en
outre préciser que l’état et la Couronne de France doivent être « sous la protection d’un bon roi (…)
françois » « et qu’il y ait à employer l’autorité […] pour empescher
que sous prétexte de la religion, [la Couronne] ne soit transférée en main
étrangère contre les lois du royaume. » Henri de Navarre, premier
prince de sang de France, reprend l’avantage. Ainsi, précise les
parlementaires, « tous traités faits
ou à faire qui appelleraient au trône de France un prince ou une princesse étrangère,
comme contraire à la loi salique et autres lois fondamentales de l’état ».
L’Edit de mai 1616, dans son
article 8, précise : « Déclarons
suivant les anciennes loix du royaume, renouvellées par l'ordonnance faicte sur
les remonstrances des estats de Bloys, en l'année 1576, qu'aucuns estrangers ne
seront à l'advenir admis ès offices de nostre couronne, ni ès gouvernements de
nos provinces et places fortes, charges et dignitez militaires, offices de
judicature et des finances, dignitez et prélatures ecclésiastiques, et autres
foncitons publiques: sinon qu'en considération de leurs signalez et
recommandables services, et de leurs qualitez et mérites, et que pour la
réputation de nos affaires et grandeur de notre couronne, il y soit par nous
desrogé, ainsi qu'il a esté souvent faict par les roys nos prédécesseurs, que
l'on a veu par expérience en avoir esté utilement servis. »
(Isambert: Recueil général
des anciennes lois françaises, vol. 16, p. 86).
D’après André Favyn, écrivain
héraldiste, avocat au Parlement de Paris, «
la Noblesse de France [...] n’a jamais voulu recognoistre Prince Estranger pour
son Roy; voire fust-il du Sang de France » . Le conseiller donne ici
l’exemple d'Arnulf de Carinthie, un bâtard carolingien devenu roi des Francs
orientaux (puis empereur) après la déposition de son oncle Charles III le Gros,
et que la noblesse de Francie occidentale ne reconnut pas pour roi, lui
préférant Eudes, comte d'Anjou (un Robertien, grand-oncle d'Hugues Capet – cf supra).
Selon cet auteur, le principe même de l'exclusion des étrangers a présidé à
l'accession au trône de la dynastie capétienne.
L’historien Eudes de Mézeray
indique que Charles de Lorraine (compétiteur d'Hugues Capet) « s'estoit destitué luy-même en se rendant
estranger ». Pour l'abbé Brigaud, un «Prince
du Sang de France perd son Droit à la Couronne, par un acte volontaire
[d'expatriation]. Ainsi Charles, Fils de France, en prenant le Duché de (la
basse) Lorraine, perdit légitimement par le seul fait, le titre légitime qu'il
avait auparavant, lui et ses Enfants, à la Couronne de France. » ; car « Le
premier devoir [d'un] Prince du Sang de France, [est] d'obéir aux Rois de
France et de servir la France » (in Conférence
d'un Anglois et d'un Allemand sur les lettres de Filtz Moritz). Et l'abbé
de Margon dans ses Lettres ajoute qu’un«
Prince du Sang [expatrié] qui a perdu le droit de succéder à la Couronne, ne
peut le transmettre à sa postérité », ses descendants étant, comme leur aïeul,
« absolument pour toujours, indignes de la Couronne de France », conclut
Brigaud.
Pourtant l’application de ce
principe ne semble pas évidente.
Plusieurs princes capétiens
sont devenus roi de France alors qu’ils étaient déjà souverain étranger.
Philippe IV le Bel, roi consort de Navarre, puis son fils, Louis X le Hutin,
roi de Navarre titulaire, sont tous deux qualifiés de « fils ainé de roi de France, par la grâce de Dieu, roi de
Navarre ». François II succède à son père Henri II alors qu’il est roi
consort d’Ecosse. Henri III, son frère, accède au trône de France alors qu’il
est roi de Pologne. Antoine de Bourbon, roi consort de Navarre, conservera son
titre de premier prince du sang et son fils, le roi de Navarre Henri III
deviendra roi de France ET de Navarre sous le nom de Henri IV.
Le petit-fils de Louis XIV,
devenu le roi Philippe V d’Espagne en 1700, en application du testament de
Charles II, dernier des Habsbourgs d’Espagne, non seulement ne renonce pas à
succéder éventuellement à Louis XIV, mais Louis XIV le lui confirme et n’exclut
pas l’éventualité d’une réunion des deux couronnes de France et d’Espagne.
C’est la crainte de cette éventualité qui déclenche une guerre entre la France
et de grandes puissances étrangères. En 1713, cette guerre prend fin avec le
Traité d’Utrecht et sous la pression des monarchies étrangères, Louis XIV
intègre un article qui stipule la renonciation par Philippe V à la couronne de
France. Celui-ci perd son titre de duc d’Anjou et toute ses charges en France.
Et l'abbé de Margon (cité par Brigaud), de conclure dans ses Lettres publiées
sous le pseudonyme de Filtz Moritz que, si par hypothèse Philippe V dépossédé
de sa qualité de Français pour devenir un souverain étranger accédait au trône
de France, « le Roi d'Espagne agirait un
peu contre la Couronne et le Royaume de France, en rendant la France, une
Province d'Espagne, comme cela arriverait s'il conservait les deux Couronnes ».
Mais cette renonciation est-elle recevable ?
Le
principe d’indisponibilité
Trois grandes
questions se posent : le roi peut-il abdiquer ou l’héritier présomptif
peut-il renoncer à la Couronne ? le roi peut-il désigner son
successeur ou contraindre un de ses descendants à renoncer à ses propres
droits ? le roi peut-il être destitué ou empêché ? Trois questions
auxquelles nous apporterons une réponse négative. Nous allons voir l’origine et
les conséquences politiques de ce principe d’indisponibilité de la Couronne.
Nous sommes en 1420, le roi
Charles VI sombre doucement dans la folie. La guerre de Cent Ans se poursuit
dans un climat de guerre civile entre le parti Armagnac, soutien du dauphin
Charles, et les Bourguignons, favorables aux Anglais et soutenus par Isabeau de
Bavière, l’épouse du roi de France. Au terme du traité de Troyes, Charles VI
adopte Henri V d’Angleterre et devient l’héritier de la Couronne de France au
dépend du futur Charles VII. En écartant son fils de la succession, Charles VI
porte atteinte au principe selon lequel le fils ainé du roi succède au père.
D’après le principe dégagé
par Jean de Terrevermeille (in Tractatus,
1419), la Couronne n’est pas la propriété personnelle du roi. La royauté est
une fonction, la Couronne est une « chose
publique ». La dévolution est fixée par des principes qui ont force de
lois fondamentales. Ces lois s’imposent à tous, y compris au roi. Les juristes
du XVème siècle vont ainsi établir un véritable droit public monarchique. La
succession royale doit donc se distinguer d’une succession patrimoniale, d’une
succession de droit privé réglées par testament. Le fils aîné du roi de France
est le successeur légal, le « successeur présomptif » celui qui est présumé
succéder dans le cadre d’une succession publique.
Au cours de l’année 1422 les
signataires du traité de Troyes, les rois Charles VI et Henri V d’Angleterre
décèdent. Le nouveau roi Charles VII n’est pas disposé à se laisser faire. Ses
succès militaires et la légitimité que lui apporte le soutien de Jeanne d’Arc
lui permettront de rétablir la situation et d’accéder au trône en 1429.
Le roi peut-il abdiquer ou
l’héritier présomptif peut-il renoncer à la Couronne ?
Par l’édit de novembre 1525,
François 1er, prisonnier de Charles Quint, est contraint d’abdiquer.
Cette abdication n’est reconnue ni par le Parlement de Paris, ni par les Etats
Généraux. Car renoncer c’est disposer et c’est donc contraire au principe
d’indisponibilité. Jamais plus, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime ne s’est posé
le problème de l’abdication du souverain.
Juvenal des Ursins écrit que
le roi « n’a qu’une manière
d’administration et usage [de la couronne] pour en jouir sa vie durant » ; il
ne peut donc, « ni aliéner ou bailler le royaume en autre main (...) et quand
il a un fils, ne lui peut le roi son père ni autre abdiquer ou ôter ce droit,
voire même s'il le voulait et consentait ». A l'inverse, l'abbé
Brigaud (in Conférence d'un Anglois et
d'un Allemand sur les lettres de Filtz Moritz), on peut lire : « Un Roi de France perd tout droit à sa
Couronne, non seulement par la mort, mais encore [...] par cession qu'il fait
entre vifs, au plus proche héritier du Sang, capable de succéder. Ainsi le Roi
Carloman (fils de Charles Martel) céda sa Couronne à son Frère Pepin, pour se
retirer au Mont Cassin ». Pour Pierre Laurent Buirette de Belloy « ce ne fut que par le Traité de Brétigny
qu'Edouard [III d'Angleterre] renonça enfin à la Couronne de France ». Et
l'avocat et historien Gabriel-Henri Gaillard, que, « suivant l'article 12 du traité de Brétigny, [...] le Roi d'Angleterre
de son côté devait renoncer à la Couronne de France ». Patrick Germain a
mis en évidence qu'avant même l'opportune « redécouverte » de la loi salique,
un dynaste a pu valablement renoncer à ses droits : « En effet, en 1316, Jeanne de France, fille de Louis X et de
Marguerite de Bourgogne, a été contrainte par ses oncles, Philippe V puis
Charles IV en 1322, puis par son cousin Philippe VI de Valois en 1328 à
renoncer à ses droits alors qu’elle était l’héritière la plus directe de Louis
X. La grand-mère de Jeanne, Agnès de France [...] s’opposa à cette
renonciation, tout autant que l’Église. Cette renonciation n’a rien à voir avec
une quelconque application de la loi dite Loi salique, c’est une décision
d’opportunité. » Dans un texte de 1895 titré Comment les femmes ont été exclues, en France, de la succession à la
couronne, l'historien et archiviste Paul Viollet évoquait déjà ce cas de
renonciation antérieur à l'« invention » de la loi salique : « Le 27 mars 1318 (n. s.), un nouveau traité
fut conclu à Paris entre Philippe le Long et Eudes, duc de Bourgogne, ce
dernier agissant au nom de sa nièce, en son nom propre et en celui de sa mère,
avec laquelle il était tuteur ou curateur de cette nièce. Par ce traité le duc
de Bourgogne renonce définitivement pour sa nièce aux droits qu'elle pouvait
avoir sur les royaumes de France et de Navarre. Il renonce de plus, au nom de
cet enfant et en faveur de Philippe le Long et de sa postérité masculine, aux droits
qu'elle avait sur les comtés de Champagne et de Brie. Il s'engage à lui faire
ratifier ce traité lorsqu'elle aura atteint l'âge de douze ans et à obtenir
plus tard la même ratification de son mari. Ce mari sera, aux termes mêmes du
traité Philippe d'Évreux. »
À noter que, sous la
Restauration, le roi Charles X abdique la couronne à la suite des Trois
Glorieuses de 1830, puis son fils le dauphin Louis-Antoine renonce à ses droits
sous la pression paternelle , en faveur de leur petit-fils et neveu (et plus
proche parent) Henri, duc de Bordeaux, dit le comte de Chambord. Cet acte est
transcrit le 3 août sur le registre de l'état civil de la maison royale (aux
archives de la Chambre des pairs) et inséré au Bulletin des lois du 5 août
1830. Mais cette abdication doit plus à une destitution qu’à un acte
volontaire.
Pour ma part, je pense que
l’indisponibilité de la Couronne doit s’entendre au sens le plus large. Le roi
ne peut abdiquer et l’héritier présomptif ne peut renoncer. D’ailleurs dans les
tables des partisans royalistes, la date de fin de règne de Louis XVI est celle
de son exécution et celle de Charles X, la date de son décès.
Le roi peut-il être
destitué ?
Les cas sont rares :
Louis XVI et Charles X sous l’ère capétienne. On peut ajouter Louis le Pieux,
destitué quelques temps par ses fils, pendant la période carolingienne. La
question est difficile. La souveraineté nationale appartient-elle au
peuple ? Si elle appartient au
peuple, ce dernier peut-il disposer de la Couronne ? Les Lumières du XVIIIème,
les progrès démocratiques du XIXème et les Droits de l’homme du XXème siècles
doivent nous amener à considérer que la souveraineté nationale appartient au
peuple, qu’il n’y a rien au-dessus de la souveraineté nationale et que celle-ci
dispose dès lors de la Couronne.
Le roi peut-il désigner
son successeur ?
Nous l’avons vu avec Charles
VI, le roi ne peut désigner son successeur et est soumis au principe selon
lequel le fils succède au père.
En juillet 1714, voyant sa
fin arrivé et la large liste de ses successeurs réduite à son seul
arrière-petit-fils, Louis (futur Louis XV), Louis XIV décide par testament que
ses deux fils adultérins légitimés, le duc du Maine et le comte de Toulouse, pourront
être incorporés à la succession au trône au cas où il n’y aurait plus de
successibles. Le testament du souverain est cassé par le Parlement de Paris au
motif que le roi ne peut désigner son successeur et ainsi modifier l’ordre
successoral.
Le roi peut-il contraindre
un de ses descendants à renoncer à ses propres droits ?
Nous l’avons vu, le roi ne
peut abdiquer, l’héritier présomptif ne peut renoncer, mais le roi peut-il
contraindre un de ses descendants à renoncer à ses droits ?
Depuis 1700, un des petits fils de Louis XIV est sur le
trône d’Espagne sous le nom de Philippe V (cf supra). En 1713, Louis XIV
intègre, sous la pression des monarchies étrangères, dans le traité d’Utrecht,
un article qui stipule la renonciation par Philippe V à la couronne de France. Mais dès 1712,
le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, le marquis de Torcy, attire
l’attention des puissances étrangères parties contractante au traité qu’une
telle renonciation n’est pas valable au regard du droit constitutionnel
français. Il estime que « suivant les
lois fondamentales, le prince le plus proche de la couronne en est l’héritier
nécessaire, c’est un patrimoine qu’il ne reçoit ni du roi ni de son
prédécesseur, ni du peuple, mais du bénéfice de la loi, en sorte qu’un roi
cessant de vivre un autre lui succède aussitôt sans attendre le consentement de
qui que ce soit. Il lui succède non comme héritier mais comme le même du
royaume dont la seigneurie (la souveraineté) lui appartient, non par le droit
mais par le seul droit de naissance. Cette loi est regardée comme l’ouvrage de
Celui qui a établit toutes les monarchies et nous sommes persuadés en France
que Dieu seul (…). Nulle renonciation ne peut la détruire, et si le roi
d‘Espagne tenait la sienne pour le bien de la paix et par obéissance (…). »
Cela
signifie que dans ces dispositions contraires aux lois fondamentales du
royaume, le traité d’Utrecht n’a pas été ratifié par le parlement, de telle
sorte qu’aujourd'hui encore les bourbons d’Espagne, qui descendent de Philippe
V et donc de Louis XIV, se considèrent par ordre de primogéniture, avoir
préséance sur le trône de Paris, chef de la maison d’Orléans et descendant du
roi Louis Philippe.
Nous
pouvons déduire le principe de base suivant : l’indisponibilité de la
Couronne empêche toute modification de l’ordre successoral, elle est opposable
à tous sauf à la souveraineté nationale détenue par le peuple.
Le
principe d’instantanéité de la transmission de la Couronne
« Le roi est mort, vive le roi ». La formule est
surprenante mais prend toute son importance lorsque l’on connaît sa
signification. Suivant l’adage « le roi ne meurt jamais », l’héritier
présomptif du défunt roi devient roi du fait du décès sans le recourt
nécessaire au sacre. Au nom de cette continuité de l’Etat et du bien
commun, la personne du roi ne compte pas donc ni la mort du roi. La personne
s’efface devant la fonction. Le sacre rend le roi intouchable mais ne fait pas
le roi.
Ce
principe de l’instantanéité est apparu assez tard. C’est le roi Charles VI qui
l’admet pour la première fois dans deux édits de 1403 et de 1407, deux édits
qui déclarent que le fils ainé doit être considéré comme roi dès la mort de son
père sans attendre le sacre.
La
deuxième manifestation de ce principe de l’instantanéité de la succession
royale et de la continuité de l’état est le principe de la continuité des lois
décrétées et des textes du roi, obligation qui pèse sur le nouveau roi dès la
mort de son père et qui l’oblige à honorer les actes que ce dernier avait
passé.
Mais
comment assurer la continuité de l’état lorsque l’héritier est mineur ou
lorsque le roi est empêché ?
La désignation
d’un régent et d’un conseil de régence est un acte éminemment politique. Le
régent dispose de tous les attributs de la souveraineté, mais il n’est pas le roi.
On a vu avec Philippe le Long, combien sa position de régent lui avait permis
de succéder ,au roi Jean 1er. Pendant la période capétienne, il y
aura 23 périodes de régence.
Le principe de l’instantanéité interdit au roi d’organiser la régence de son successeur. Règle qui s’exprime par un adage : « le roi de France est toujours majeur », c'est-à-dire qu’il a la plénitude de sa compétence et de son autorité pour l’organisation de la régence qui le concerne. C’est en l’application de cette théorie qu’à deux reprises aux XVIIème et XVIIIème siècles le testament du roi est annulé par le Parlement de Paris.
La régence est
aussi une forme de retour des femmes au pouvoir, six mères ou épouses de rois
capétiens ont pu exercer le pouvoir au travers cette fonctions : Blanche
de Castille assurera la régence de son fils Saint Louis de 1226 à 1235
(minorité) puis de 1248 à 1254 (7ème croisade) ; Anne de France
de 1483 à 1491 (avec son époux Pierre de Beaujeu) pendant la minorité de son
frère Charles VIII ; Louise de Savoie, mère de François 1er en
campagne en 1515, en 1523 et de 1525 à 1526 ; Catherine de Médicis régente
lors du départ en guerre de son époux Henri II en 1552, puis de 1560 à 1563
pendant le minorité de son fils Charles IX et en 1574 son fils Henri III étant
alors en Pologne ; Marie de Médicis régente de 1610 à 1614 pendant la
minorité de son fils Louis XIII ; Anne d’Autriche de 1643 à 1651 pendant
la minorité de son fils Louis XIV ; Marie-Thérèse d’Autriche pendant
quelques semaines en 1672, épouse de Louis XIV alors absent pour la Guerre de
Hollande.
Peut-on
envisager une troisième Restauration ?
Un roi… mais lequel ?
La décision du T.G.I. de Paris du 21 décembre 1988
La thèse des Orléanistes est
que l’éloignement de la branche qui est issue de Philippe V d’Espagne la rend à
tout jamais inapte à prétendre à la Couronne de France et à jamais rayés de la
succession. Pour autant, l’avocat orléaniste Maître Trousset, reconnaît que les
renonciations du petit-fils de Louis XIV ne sont pas valables. Les Légitimistes
renvoient au duc de Saint-Simon qui (cf supra) considère qu’un Capétien
étranger devenu l’aîné de la maison deviendrait roi de France et ainsi
français.
Le 21 décembre 1988, les
juges du tribunal de grande instance de Paris, déboutent Henri d'Orléans et montrent
finalement que le titre de duc d'Anjou est du domaine de la courtoisie, et que
l'aîné de la maison de Bourbon est tout à libre de porter les pleines armes qui
ne sont plus celles de l’Etat depuis 1830.
Il convient de reconnaître
que les différents principes énumérés ci-dessus, font du chef de la maison
capétienne le roi de France et, qu’en cela, il est de facto français. S’il existe plusieurs maisons de Bourbon
(Espagne, Deux-Siciles, Parme, Orléans), il n’existe qu’une maison de France.
Cette maison de France a été entre les mains de Mérovingiens puis des
Carolingiens avant d’être tenue depuis 987 par les Capétiens et dont le chef,
suivant les principes de l’hérédité, de la primogéniture, de la collatéralité
et de la masculinité, se trouve être, depuis le 30 janvier 1989, Luis Alfonso
Gonzalo Víctor Manuel Marco de Borbón y Martínez-Bordiú, prétendant du trône de
France (prétendant et non héritier – cf infra). Les autres familles issues des
Capétiens (réduites aujourd’hui aux Bourbons) sont soumises à la prééminence de
l’aîné des Capétiens conformément au pacte de famille du 15 août 1761.
Pour autant, « Louis
XX » est-il le roi de France ?
Une constitution monarchique
moderne
Dans un précédent article, je
m’étais interrogé sur la nécessité d’un roi pour les Français. Posons-nous
maintenant la question en terme constitutionnelle. Nous savons que les
Royalistes de notre pays ont, depuis la fin du XIXème siècle, une ou plusieurs
propositions de lois constitutionnelles réinstaurant la monarchie. Il ne s’agit
pas ici d’en faire la présentation, encore moins la comparaison, ni d’en
proposer une nouvelle. Je souhaite établir un cadre politique et social qui
pourrait rendre acceptable une telle restauration.
Le premier acte serait de
réunir une Assemblée Constituante chargée d’établir ce texte après qu’une
question référendaire sont posée aux Françaises et aux Français (seuls
titulaires de la souveraineté nationale sous la forme :
« Souhaitez-vous l’abolition de la République au profit d’une monarchie
constitutionnelle démocratique et élective ? »
Que serait cette monarchie
constitutionnelle démocratique et élective ?
Constitutionnelle,
c’est-à-dire qu’il ne serait plus fait référence à l’ancien droit ni aux lois
fondamentales, notamment le rétablissement des anciens dignités nobiliaires qui
restent des titres du domaine de la courtoisie.
Démocratique, la souveraineté
nationale appartient exclusivement au peuple qui l’exprime par le suffrage
universel. Il n’y a pas de chambre de pairs et la représentation nationale se
manifeste par l’élections de députés au sein d’une assemblée.