GRAND DEBAT NATIONAL : La « démocratie représentative » est-elle démocratique ?
Le peuple
est-il « souverain » ?
Conséquence du caractère démocratique (art. 1er
alinéa 1 de la Constitution de 1958) de la République et de son principe de
gouvernement (art. 2 alinéa 5 de la Constitution de 1958) consacre le
principe de souveraineté nationale, principe exercé « par ses
représentants ou par la voie du référendum » (art. 3 de la Constitution de
1958). La solennité de l’article doit être pris à sa juste valeur : le
peuple n’est « souverain » que dans la mesure où il a le droit
d’élire ses représentants et parfois (rarement) de participer au vote de la
Loi. Chaque individu, femme ou homme, composante du peuple français doit pouvoir
participer directement au pouvoir public soit en devenant représentant soit
ponctuellement via le référendum.
La « démocratie
représentative » est-elle une trahison ? (J.-J. Rousseau)
Pour
Jean-Jacques Rousseau (in Du Contrat
social), la démocratie ne se conçoit que « directe ». La « démocratie
représentative » est par construction une trahison :
«
La souveraineté ne peut être représentée pour la même raison qu’elle ne peut
être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la
volonté ne se représente point. (...) Les députés du peuple ne sont donc ni ne
peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne
peuvent rien conclure définitivement »
L’interdiction
du mandat impératif, qui figure à l’article 27 de la Constitution de 1958 et
répond à la préoccupation de faire de l’élu un représentant de la Nation et non
d’intérêts catégoriels, accentue le caractère ambigu de la démocratie
représentative :
«
Mandataire du peuple, je ferai ce que je croirai le plus conforme à ses
intérêts. Il m’a envoyé pour exposer mes idées, non les siennes :
l’indépendance absolue de mes opinions est le premier de mes devoirs envers
lui. » (Condorcet).
Le « démocratie
représentative » ne peut-elle être qu’une ploutocratie ? (E.-J.
Sieyès)
L’abbé Sieyès fut un contradicteur des théories
de Jean-Jacques Rousseau. Opposé à la démocratie au sens littéral du
terme, Sieyès était également contre le suffrage universel, lui
préférant le suffrage censitaire. Ce système d'inspiration ploutocratique
fut introduit dans la Constitution française et a prévalu jusqu'en 1848 :
« La France ne doit pas être une
démocratie, mais un régime représentatif. Le choix entre ces deux méthodes de
faire la loi, n’est pas douteux parmi nous. D’abord, la très grande pluralité
de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction, ni assez de loisir, pour vouloir
s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ; ils
doivent donc se borner à se nommer des représentants. [...] Les citoyens qui se
nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la
loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des
volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un
État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une
démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut
agir que par ses représentants. » (Emmanuel-Joseph Sieyès, Discours du 7
septembre 1789).
En 1777, dans « L’Esprit des Lois », Montesquieu écrit
:
« Comme
la plupart des citoyens, qui ont assez de suffisance pour élire, n’en ont pas
assez pour être élus ; de même le peuple, qui a assez de capacité pour se
faire rendre compte de la gestion des autres, n’est pas propre à gérer par
lui-même ». Et de préciser que « le grand avantage des représentants,
c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires ».
Pour
Benjamin Constant le système représentatif permet au plus grand nombre d'être
libéré de la gestion quotidienne des affaires publiques :
« Les individus pauvres font eux-mêmes
leurs affaires : les hommes riches prennent des intendants. C'est
l'histoire des nations anciennes et des nations modernes. Le système
représentatif est une procuration donnée à un certain nombre d'hommes par la
masse du peuple, qui veut que ses intérêts soient défendus, et qui néanmoins
n'a pas le temps de les défendre toujours lui-même. »
D’ailleurs, John Adams complétait par ses
propos :
« L'idée que le peuple est le meilleur
gardien de sa liberté n'est pas vraie. Il est le pire envisageable, il n'est
pas un gardien du tout. Il ne peut ni agir, ni juger, ni penser, ni
vouloir. ».
Rousseau
lui-même reconnait l’argument d’ordre pratique selon lequel les grands États,
qui comptent une population nombreuse, ne peuvent la rassembler en une même
assemblée et sont donc contraints de renoncer aux principes de la démocratie directe.
Le second argument faisait de la représentation une nécessité pour assurer la
direction des affaires par les plus compétents. Enfin, la représentation
démocratique assure la stabilité politique et permet de dépasser l’intérêt
privé.
… par ses représentants…
L’illusion de la représentation
« miroir »Le
rôle des Français et des Françaises est essentiel dans le fonctionnement des
Institutions. L’éloignement des élites et la défiance envers les institutions
sont parmi les causes essentielles de l’échec de la Vème République. Les
citoyens se reconnaissent de moins en moins dans leurs représentants. Cette
défiance se traduit par une forte abstention et par une moindre adhésion des
citoyens aux partis politiques.
Selon
Pierre Rosanvallon (Le Parlement des invisibles, Éditions du Seuil), la
démocratie souffre ainsi des dysfonctionnements des mécanismes de
représentation, maladie qu’il nomme « mal-représentation » :
surreprésentation des diplômés du supérieur, des fonctionnaires et des
catégories dirigeantes au détriment des populaires, des inégalités entre jeunes
et personnes âgées ou entre hommes et femmes.
S’il
ne saurait exister de représentation parfaite et idéale, le manque actuel de
représentativité des élites politiques pose un problème démocratique. Faut-il
étendre les quotas d’élus au-delà de la seule question de la parité ? Je
ne pense pas. La catégorisation est forcément arbitraire d’abord, la vision est
réductrice ensuite, elle est toujours injuste enfin. La catégorisation homme et
femme évite tous ces pièges : l’inégalité est avérée et se trouve
facilement mesurable. Il faut donc poursuivre la recherche de l’égalité homme /
femme en imposant la parité dans les listes présentées lors des différentes
élections.
La désignation du représentant
En démocratie représentative, le mode de
scrutin a une influence importante sur le choix final des élus. La méthode la
plus couramment utilisée pour former une chambre est le vote par
circonscriptions, à scrutin majoritaire. Montesquieu la défendait ainsi dans
son ouvrage déjà cité :
« L'on connaît beaucoup mieux les besoins
de sa ville que ceux des autres villes ; et on juge mieux de la capacité
de ses voisins que de celle de ses autres compatriotes. Il ne faut donc pas que
les membres du corps législatif soient tirés en général du corps de la
nation ; mais il convient que, dans chaque lieu principal, les habitants
se choisissent un représentant. »
La question du mode de scrutin
Le vote majoritaire tend à bipolariser le
paysage politique et à écraser les opinions minoritaires. Néanmoins il instaure
des majorités franches qui n'auront pas l'excuse en fin de mandat d'avoir été
obligées de composer. Le reproche principal que l'on fait à cette méthode, réside
dans son manque de représentativité. En amplifiant la victoire du vainqueur, elle
déforme le résultat obtenu en voix au moment de sa transformation en nombre de
sièges d’une part, et élimine de la représentation parlementaire un grand
nombre de formations politiques, d’autre part.
Le principal avantage du scrutin à la
représentation proportionnelle réside dans sa représentativité. Avec un tel
système les formations minoritaires peuvent être plus facilement représentées.
On considère également qu'il est plus juste que le scrutin majoritaire parce
qu'il reflète mieux l'état réel des forces politiques. Mais ce système aboutit
à un émiettement du nombre de sièges, ce qui rend difficile la constitution
d'une majorité politique et qui débouche le plus souvent sur l'instabilité
gouvernementale (ex : La IVe République ou l'Italie jusqu'à une
date récente).
La question de la circonscription
L'autre
enjeu démocratique, particulièrement important est le découpage électoral. Il
s'agit d'éviter l'arbitraire et donc la manipulation destinée à obtenir de
façon déloyale un certain résultat politique par un regroupement artificiel
d'électeurs, que l'on a surnommé le Gerrymandering du nom d'un Gouverneur
américain (Gerry) qui avait découpé une circonscription en forme de salamandre
(salamander) pour pérenniser son élection.
Or,
s’il faut accroître la représentativité du système français, on ne peut espérer
réconcilier représentants et représentés et restaurer la confiance qu’en
revivifiant la démocratie française dans son ensemble. La similarité sociale ne
peut, ni d’un point de vue normatif ni d’un point de vue pratique, constituer
le principe de base de la représentation, ne serait-ce que parce que chaque
électeur appartient à plusieurs catégories à la fois et se définit par un
ensemble d’attributs – sexe, profession, origines.
Comment dès lors
assurer une meilleure représentativité ?
Bref,
il semble bien que « la démocratie [soit bien] le pire
des systèmes, à l'exclusion de tous les autres. »
En
1996, le doyen Jean Carbonnier écrivait dans « Droit et passion du droit
sous la Vème République » :
« D’un
point de vue métaphysique, s’il a manqué quelque chose à [la Constitution de la
Ve République], c’est de n’avoir pas intégré à sa vision, à ses prévisions, les
faiblesses, les fatigues, les contradictions de la nature humaine ».
En
d’autres termes, il s’agit de remettre le citoyen au cœur du système
démocratique.
Lutter
contre l’abstention
Il
convient d’abord de lutter contre l’abstention en croissance perpétuelle,
notamment forte dans certaines franges de la population. Rendre le vote
obligatoire n’est pas une solution, car l’abstention n’est pas forcément une
marque de désintérêt mais un signe protestataire. Au contraire, il cultiverait,
à mon sens, le sentiment d’éloignement et une nouvelle agression envers les
libertés individuelles. Une solution serait de reconnaître le vote blanc en
l’intégrant aux suffrages exprimés. La participation électorale est bien au
cœur du contrat qui lie le représentant au représenté et fonde la légitimité de
la démocratie représentative.
Un
nouveau mode de scrutin constitutionnalisé
Ensuite,
pour garantir, à la fois une meilleure représentativité tout en assurant une
majorité claire, le mode de scrutin aux élections législatives pourrait être le
système mixte qui s'applique aux élections municipales pour les communes de
plus de 3500 habitants et depuis la loi du 11 avril 2003 aux
élections régionales. Le cadre du scrutin serait un scrutin de liste
paritaire homme-femme dans les limites d’une circonscription correspondant à la
région. Les députés seraient élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt
de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir, sans adjonction
ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation, sous
réserve de l'application des dispositions prévues au deuxième alinéa de
l'article L. 264 du Code électoral. Le mode de scrutin est constitutionnalisé.
Nous suivons en cela un consensus qui s’était dégagé de la Commission pour la
réforme du mode de scrutin présidée par le doyen Vedel (1992-1993).
La probité du candidat et de l’élu
Les citoyens ne comprennent plus le « deux
poids-deux mesures » appliqué aux responsables politiques. C’est la raison
pour laquelle pour en finir avec le leitmotiv « tous pourris », le candidat
doit présenter un bulletin n° 2 du casier judiciaire (extrait B2,
concerne les crimes et les délits) soit exempt de condamnation incompatible
avec l’exercice d’un mandat électif, de la même façon que tous les candidats à
un concours de la fonction publique. La probité deviendrait ainsi un des
critères d’éligibilité de ceux qui ont pour mission, du fait de leur mandat, de
représenter les citoyens. Nous ne pouvons plus laisser prospérer de doutes sur
l’intégrité des responsables publics. La collectivité publique a le droit et le
devoir de contrôler la probité de ses responsables, tout comme elle en contrôle
désormais l’enrichissement. Il s’agit également de préciser que cette mesure de
bon sens, qui est de nature préventive et non plus réactive, a d’ores et déjà
été proposée par le Service central de prévention de la corruption, dans son
rapport annuel de 2013.
L’exercice
du mandat de députés pourrait prévoir un serment du type : « Je jure
de ne pas faire l’objet de poursuites et de condamnations pour une infraction
incompatible avec ma charge, de remplir tous les devoirs que m'impose la
Constitution avec conscience, de faire respecter les Lois de la République, de
protéger les droits et les libertés de tous les français, de servir avec
loyauté et d’user des pouvoirs de ma charge dans le seul intérêt du peuple français. Vive
la République ! Vive la France ! ». Tout parjure entraine la
destitution de la fonction occupée et de la perte à vie des droits indépendamment
de toute autre poursuite civile ou pénale.
…et
par la voie du référendum.
Une dérogation
à la « démocratie représentative »
La
conscience politique des citoyens français reste importante : ils
manifestent, boycottent, pétitionnent.
L’article
11 de la Constitution de 1958 permet au président de la République de soumettre
au référendum populaire certains projets de loi. L'initiative présidentielle,
en ce domaine, est subordonnée à un pouvoir de proposition du Gouvernement, qui
doit alors organiser un débat sans vote devant le Parlement, ou du Parlement,
par une proposition conjointe des deux assemblées. Cela signifie que, si le
président ne peut pas organiser de référendum sans proposition, il n'a aucune
obligation d'en organiser un en cas de proposition, disposant ainsi, en la
matière, d'une compétence discrétionnaire mais non autonome.
L’alinéa
3 de l’article susnommé prévoit un référendum d'initiative parlementaire et
populaire, « organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du
Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes
électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne
peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée
depuis moins d'un an ».
Mais
l’article 11 ne peut porter que sur « sur l'organisation des pouvoirs
publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou
environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou
tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la
Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».
Le référendum, une
pratique dangereuse
Je
le répète, la souveraineté n’appartient au peuple
(« démocratie… ») que dans la limite où il lui permet de désigner ses
représentants (« …représentative »). Le gouvernement appartient, non
au peuple, mais à la majorité qui impose de façon tout aussi tyrannique que
n’importe quel dictateur sa vision des lois. La démocratie par essence est un
rapport de forces, c’est-à-dire une crise permanente entre citoyens.
Si la souveraineté regarde tout le monde, l’exercice du
pouvoir n’est pas accessible qu’à certains car cela prend du temps et exige des
talents, des compétences et des connaissances particulières (Montesquieu).
Le référendum efface les droits des minorités. Le processus
démocratique du référendum ne permet pas de débattre et d’arbitrer ses opinions
et celles d’autrui. Il ne permet pas d’éviter les excès d’un jour. Une
génération ne doit sur un coup de tête ou de folie pouvoir démolir ce qui
constitue les fondements de l’État de droit.
Du R.I.P.P. au R.I.C.
Dès
1993, le comité consultatif pour une révision de la Constitution, présidé par
le doyen Georges Vedel, déclarait :
«
Le référendum d'initiative minoritaire constitue une réforme qui, sous réserve
de certaines précautions, élargirait la démocratie. La difficulté consiste à
concilier l'initiative citoyenne qui est la raison d'être d'une telle réforme
et les nécessaires garanties dont il convient de l'entourer afin d'éviter les
excès de toute nature auxquels pourraient conduire le choix de certains thèmes
de société et le débat qui s'ensuivrait. La maturité de la démocratie
française, les instruments institutionnels dont elle dispose afin de veiller à
ce que le droit ne soit pas dévoyé, incitent le comité à proposer les grandes
lignes d'une telle réforme (…) »
Il
faut rendre aux citoyens la possibilité d‘intervenir dans les grands choix
nationaux par l’usage du référendum et en instaurant une initiative populaire
encadrée (contrôle juridictionnel et quorum).
Les
versions du Référendum d’Initiative Citoyenne (R.I.C.) présentées par
différents courants du mouvement dit « gilets jaunes » sont dangereuses
et représentent une menace pour la démocratie,
s’il était largement ouvert et d’accès facile (faire les lois, les
abroger, révoquer des élus, changer la Constitution), au motif que « le peuple est souverain ».
Quel référendum
accepter ?
Modifier
la Constitution :
Il semble raisonnable de conserver l’actuel article 89 de la Constitution de
1958.
Révoquer
les élus :
NON
Référendum à l’initiative du Parlement et ou du
gouvernement :
Ne peut porter que sur des textes ayant valeur de loi (article 34 de la Constitution
de1958) à l’exclusion des matières fiscales, ou budgétaire, ou susceptible de
remettre en cause une disposition légale votée depuis moins d’un an, ou qui
pourrait se révéler contraire à la Constitution.
Le soutien d’un tiers du Parlement doit être obtenu
dans un délai d’un mois à compter du dépôt de la proposition au bureau de l’Assemblée.
Lorsque
le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait,
devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat.
Référendum abrogatoire : Ne peut porter
que sur des textes ayant valeur de loi (article 34 de la Constitution de1958)
et promulgués depuis plus d’un an. L’abrogation du texte doit être totale. Le
soutien de 500.000 électeurs doit être obtenu dans un délai de trois mois à
compter de la validation par l’Etat de la question posée, cette validation ne
portant que sur le respect des conditions précédemment. La procédure est
initiée par un comité d’initiative composée d’un nombre d’électeurs compris
entre un minimum et un maximum fixé par décret.
Référendum d’initiative citoyenne (R.I.C.) : Ne peut porter que sur
des textes ayant valeur de loi (article 34 de la Constitution de1958) à l’exclusion
des matières fiscales, ou budgétaire, ou susceptible de remettre en cause une
disposition légale votée depuis moins d’un an, ou qui pourrait se révéler
contraire à la Constitution. Le soutien de 1.000.000 d’électeurs doit être obtenu
dans un délai de trois mois à compter de la validation par l’Etat de la
question posée, cette validation ne portant que sur le respect des conditions précédemment.
La procédure est initiée par un comité d’initiative composée d’un nombre
d’électeurs compris entre un minimum et un maximum fixé par décret. La
rédaction ou la correction du texte proposé est confiée à un organisme public
indépendant et gratuite.
Conclusion
Peut-être en
demandons-nous trop à la démocratie.
Pour
qu’une démocratie fonctionne correctement, il faut partir de l’hypothèse (utopique)
que le citoyen soit parfaitement informé de la vie politique et des enjeux
économiques et sociaux de son vote. Il doit avoir une connaissance parfaite du
fonctionnement des institutions. Son esprit doit être structuré (même
idéologiquement) afin que son choix final soit cohérent avec ses aspirations, ses
intérêts.
Il
n’y a qu’à observer le comportement irrationnel de nos concitoyens (à l’alternance
gauche-droite nuisible à la conduite d’une politique de long terme, nous avons
franchi une étape supplémentaire avec le dégagisme), leur perméabilité aux idées
reçues et aux fake-news pour constater l’écart entre le citoyen réel et le
citoyen rêvé.
Or
les électeurs les moins bien informés étant les plus nombreux, ce sont eux qui,
finalement, font pencher la balance dans un sens ou dans un autre.
Prenons
le cas de la France. Pour être électeur, il suffit d’être de nationalité
française, d’avoir plus de 18 ans, de ne pas être privé de ses droits civils et
politiques et, d’être inscrit sur les listes électorales. Ces dernières
formalités administratives réalisée créent le citoyen français, c’est-à-dire
« l’animal politique » lui permettant de donner son avis sur
l’administration de la cité (« polis » en grec). Il peut alors
prendre en charge des responsabilités (du verbe latin « respondere » :
répondre de) au sein de la République (« res publica », la chose
publique).
Un
sondage réalisé fin 2017 par l’Ifop à l’occasion du 100ème Congrès
des maires de France seul un Français sur deux est en mesure de citer
spontanément le nom de son maire et 39% admettent ignorer son nom. Selon un
sondage Odoxa pour France Info et Le Figaro, six mois après sa nomination, deux
tiers des membres du gouvernement sont inconnus des Français. A la même
période, seuls 30% des Français connaissent le taux de l’inflation d’après un
sondage réalisé par la Banque de France et l’institut Kantar à l’occasion des
Journées de l’Economie. Lors des dernières élections présidentielles, un
Français sur deux n’avait pas fait son choix sur le candidat pour lequel ils
allaient voter deux semaines avant le premier tour.
Les
exemples peuvent ainsi se multiplier.
Est-ce bien
raisonnable ?
La
politique n’est peut-être pas une profession, ce n’est pas pour autant qu’on doit
l’exercer avec amateurisme. Les dernières élections législatives ont soufflé un
vent de renouveau sur l’Assemblée nationale. Mais après dix-huit mois
d’exercice de la fonction, de nombreux cas ont montré l’impréparation des
nouveaux députés. On n’accepterait pas confier notre vie à un conducteur de bus
qui n’a pas son permis de conduire. En entreprise, de l’ouvrier spécialisé au président,
tous ont été recrutés sur la base d’une formation ou d’une expérience
personnelle. Dans la fonction publique, un concours est exigé pour accéder à la
fonction souhaitée. Pourtant on confie le destin de notre commune, de notre
département ou de notre région, de l’Etat ou de l’Europe, à des représentants
dont on n’a pas vérifié la capacité d’accomplir la mission pour laquelle ils
ont été désignés.
Il
n’est donc pas choquant, en partant de la base, de s’assurer que la
souveraineté nationale, qui s’exprime par le suffrage universel, soit en
capacité de désigner ses représentants.
Sommes-nous
en démocratie lorsqu’un électeur vote pour un candidat qui a une belle gueule
ou inversement ne vote pas pour celui dont la tête ne revient pas ? Autant
tirer au sort !
Dès
lors, au droit de vote ne devrait-il pas répondre un devoir de formation ?
On peut très bien imaginer un site internet objectif donnant toutes les
informations utiles permettant un vote éclairé. On pourrait même envisager que
dans les six mois qui précèdent une échéance électorale, la délivrance d’une
carte d’électeur soumise à la réussite à un quizz faisant suite à une formation
en ligne spécifique.
L’électeur
éclairé, averti, sensibilisé et intéressé remplacerait l’électeur épidermique,
impulsif et ignorant qui a aussi sa part dans le marasme politico-économique
dans lequel nous nous trouvons. Nous aurions alors un électorat qui vote pour
un programme et non plus contre un candidat.