Qu'est-ce qu'un "réac" ?



Réactionnaires et Néo-réactionnaires

Emblèmes de la liberté de pensée, les « réacs » remportent un large succès auprès du public qui, ne partageant pas forcément leurs idées, en a marre qu’on lui dise ce qu’il faut penser et qu’il a le droit d’écouter.
Dans la pensée marxiste, le « réactionnaire » est celui qui s’oppose à la marche inexorable de l’histoire vers l’avant. Voué aux « poubelles de l’histoire », le « réac » était, dans les pays communistes, condamné au camp de la mort.
Pour la tribu réactionnaire, le débat et la réflexion libres sont les maîtres-mots mais tout en « déconn[ant] plus haut que l’époque » (Philippe Muray). La tribu n’en est pas moins hétéroclite : diversité des positionnement politiques, diversité des trajectoires suivies, diversité des genres pratiqués, mais aussi des niveaux de qualité esthétique et intellectuelle.

Néo-réactionnaires et Progressistes

En 2002, Daniel Lindenberg avait rédigé un essai associant à la fois quelques auteurs alors à la mode (Michel Houellebecq, Philippe Muray, Maurice Dantec) et certains de ses collègues du Centre Raymond Aron à l’EHESS (Pierre Manent, Marcel Gauchet). Les premiers « réacs » sont donc des « progressistes ». 

Dans la même veine, les critiques de la « gauche de la gauche » ont associé à cette liste des personnalités tells que Christophe Guilly, Laurent Bouvet, Alain Finkielkraut, ou Michèle Tribalat qui défendent le modèle républicain, critiquent le multiculturalisme politique et idéologique et les dérives humanitaires.

Néo-réactionnaires et Néo-conservateurs

Les néoconservateurs se retrouvent dans les écrits d’Eric Zemmour, de Natacha Polony, ou d’Eugénie Bastié. L’effacement de la France dans le monde, le rejet de l’immigration et la politisation d’une frange des catholiques sont les principaux moteurs de cette mouvance droitière (et pas forcément souverainiste) : François-Xavier Bellamy, Charles Beigbeder, R. Camus.

Néo-réactionnaires et Néo-libéraux

Aujourd’hui, le libéralisme trouve sa seule justification (ou sa condamnation) dans ses effets économiques. Le libéral n’ignore pas les liens sociaux d’abord, n’en prône pas la disparition ensuite, et ne s’oppose pas à toute forme d’action collective.

Parce que par définition, tous les êtres humains partagent la même nature humaine, ils sont égaux devant le droit. Mais, sous l’influence du postmodernisme et de sa branche activiste, le politiquement correct, la loi devient différente selon les catégories d’êtres humains : loi sur la parité, discrimination positive, distinctions selon les revenus, les professions…

Néo-conservateurs et Néo-libéraux

Les conservateurs considèrent que l’ordre qui doit sous-tendre la société est un ordre organiciste. Or les libéraux aiment un État minimal et protecteur des droits de l’individu.

C'est toute l’ambiguïté : comme les hommes ont besoin à la fois d’enracinement et d'émancipation, il peut vouloir accompagner plus largement les bienfaits du libéralisme, le rendre plus protecteur à l'égard de l'émancipation sans prudence ou encore le considérer comme vicié, donc vouloir le renverser. Sauf dans ce dernier cas, le conservatisme est donc prêt à composer avec le libéralisme. De même, il ne suffit pas qu'une société soit « ouverte », économiquement parlant, pour qu'y règne la liberté. Celle-ci suppose, outre la liberté de choisir des biens de consommation, celle de peser sur les destinées collectives.

La tribu « réac ! »

Les membres de cette tribu ont en commun l’amour des œuvres du passé et de défiance plus ou moins sarcastique à l’égard des valeurs progressistes (ce qui n’en fait pas moins des « jouisseurs » du bienfaits de la modernité). Les « réacs » su XXIème siècle ont été les premiers (et parfois encore les seuls) à comprendre ce qu’ils voyaient : la menace multiculturaliste et la sécession islamiste, la catastrophe scolaire menacée par le pédagogisme, les attaques contre la laïcité, l’éloignement des « élites » politiques, la désintégration des corps intermédiaires… 

Les « réacs » font partis de cette arc politique qui résiste à l’idéologie pour ne considérer que les réalités (par exemple, la théorie du genre, dont la démonstration de sa fausseté a été établie). Il existe un certain nombre de fondamentaux sociaux, acquis de l’histoire, de la sociologie, de l’anthropologie : l’Etat, la famille, l’intérêt général, la nécessité d’un certain ordre économique, etc. Ils constatent que, si le progrès scientifique ou techniques sont irrécusables, en matière de pédagogie, de politique, et même d’économie, il n’y a pas de véritable progrès.

Ils luttent contre le politiquement correct et la doxa progressiste : les lobbies associatifs et communautaires, les islamo-gauchistes, les féministes exacerbées, les prétendus antiracistes, les égalitaristes dogmatiques… Les « réacs » veulent le retour de l’art de la conversation publique et du débat démocratique, issue de la tradition littéraire et intellectuelle française. Ainsi, le « réac » n’use jamais de l’insulte, ne méprise aucune idée (au contraire, il est même volontiers « voltairien »), et s’exprime à visage découvert. Le « réac » sort grandi ainsi de son combat avec ses opposants qui, pour se donner une contenance à défaut d’une consistance, le « diabolise » en le stigmatisant : néofasciste, crypto-vichyste, lepéniste… On intimide, on terrorise, on menace… Il y a près de 60 ans Albert Camus regrettait que le XXème siècle soit celui « de la polémique et de l’insulte » où « l’adversaire [est un] ennemi (…) Celui que j’insulte, je ne connais plus la couleur de son regard. Grâce à la polémique, nous ne vivions plus dans un monde d’hommes, mais dans un monde de silhouettes ». Ce monde n’est-il pas encore le nôtre ?

Les « réacs » restent la cible des sartristes. N’oublions pas que Raymond Aron, dans les années 1950, était traité de « fasciste » par ses ennemis installés dans le bon camp d’alors, celui du prolétariat (les staliniens français). Albert Camus a lutté toute sa vie contre les journaux qui se déchaînaient contre ses livres, coupables de dire la vérité en un temps où l’on préférait le mensonge avec Jean-Paul Sartre. Ainsi, les « réacs » ont en commun la lutte contre la bêtise qui, pour beaucoup « tient lieu de l’honnêteté » (André Suarès)
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