Karl Popper
Du café du
commerce au discours scientifique
Popper aurait dit de façon plus élégante : de la conjecture à
la proposition réfutable.
Popper veut mettre un peu d’ordre dans les œuvres publiées sous le
label des « sciences sociales ». Autant ceux qui travaillent dans les
sciences de la nature peuvent craindre que leurs hypothèses soient infirmées ou
confirmées par l’expérimentation, autant les sciences de l’homme sont
encombrées de charlatans. Epistémologue, spécialiste de la science des
sciences, Karl Popper mène un combat contre les charlatans.
Son
premier souci est d’établir une démarcation au sein des publications en
sciences sociales entre ce qui est discours scientifique et ce qui n’est que
supposition ou verbiage. Il propose un critère : celui de la réfutabilité.
Pour être scientifique une proposition doit être présentée sous une forme telle
qu’elle pourra être vérifiée ou infirmée.
« Tous
les corbeaux sont noirs » : la proposition est vérifiable (ou
falsifiable) tant que l’on n’a pas observé de corbeau blanc. A l’inverse,
« toutes les veuves sont joyeuses» n’est pas vérifiable puisque l’on ne
sait pas mesurer la joie, ni sa durée, ni sa nature. Trouver une veuve en pleur
n’est donc pas significatif. Evidemment, c’est une forte exigence qui pèse sur
le savant. Il lui est interdit de dire n’importe quoi. Mais c’est aussi une
façon de voir comment progresse la connaissance : les propositions sont
exactes tant qu’elles n’ont pas été réfutées. Une réfutation oblige à aller
plus loin. Le savoir humain est donc évolutionniste.
L’individualisme
méthodologique
Popper estime qu’il est impossible
d’avancer une proposition scientifique à partir de l’approche holiste d’une
question. Approfondir une connaissance en explorant ce qu’est ou ce que devient
une « société », un ensemble social, ne rime à rien, car le tout
(whole) n’a aucune substance, il n’est composé que d’individus. Donc Popper
prône l’individualisme méthodologique : « la
doctrine tout à fait inattaquable selon laquelle nous devons réduire tous les
phénomènes collectifs aux actions, interactions, buts, espoirs et pensées des
individus et aux traditions créées et préservées par les individus ». Seuls
les individus pensent et agissent. La méthode, par exemple, condamne la
macro-économie puisque les « agents » d’une comptabilité nationale
(revenu global, consommation et épargne globales, chômage, etc.) ne sont que
des agrégats comptables sans contenu humain. Les sciences humaines ont donc
pour mission de découvrir les actions et interactions qui expliquent les
phénomènes sociaux, sachant que ce passage de la micro-analyse à l’explication
globale obéit à un processus complexe, que doit décrypter le savant.
Contre
l’historicisme et le déterminisme
Prenant
leur source dans les actions d’individus eux-mêmes confrontés à l’incertitude
et à l’éclatement du savoir, les phénomènes sociaux ne peuvent donc être connus
à l’avance. Il n’y a aucun déterminisme historique. Popper a consacré son œuvre
principale à la critique de l’historicisme, dont les figures les plus représentatives
sont Platon, Hegel et Marx. Pour eux, l’histoire a un sens, elle nous porte
vers une société parfaite (hiérarchisée chez Platon, sans classe chez Marx).
L’historicisme est réductionniste : il ramène les évènements à une cause
unique, alors que la réalité est évolutionniste : le changement permanent
n’est autre que celui d’individus qui accèdent sans cesse à un savoir plus
complet, parce que reconstitué à travers les échanges.
Les
totalitarismes contre la société ouverte
Comme
Hayek, Popper a été l’un des premiers à démontrer la convergence entre fascisme
et marxisme. Dans les deux cas, la société, au prétexte de devenir parfaite,
détruit les personnes. Dans son livre « La société ouverte et ses
ennemis », Popper met en relief les avantages d’une société où les hommes
peuvent partager des savoirs dispersés grâce au libre échange. Il complète le
thème de la division du travail (Adam Smith) par celui de la division du
savoir. Mais le pouvoir politique n’aime pas la dispersion et la communication,
il préfère la centralisation et le commandement. Les totalitarismes du XXème
siècle ont usé de la propagande historiciste : les dictateurs étaient
censé construire la société parfaite. Silence, on tue.
Source: Libres.org
Qu’est-ce qu’un énoncé falsifiable au sens de Karl Popper ?
La Société ouverte et ses ennemis - tome 2 Hegel et Marx
Ce livre, écrit au début de la Seconde Guerre mondiale, est un plaidoyer passionné pour la démocratie, contre le totalitarisme de droite ou de gauche.À la société close et immuable à base de tribalisme et de magie, l'auteur oppose la société ouverte, fondée sur la raison, où la volonté de l'individu peut librement s'exercer. À Platon, à Hegel, à Marx, il reproche de ne reconnaître l'histoire que pour ajouter qu'elle obéit à des lois qui déterminent le cours des événements : idée qui paralyse le progrès, en le soumettant à la fatalité historique. Elle a notamment conduit le premier à proposer une cité dirigée par une élite omnipotente et omnisciente, où l'individu n'est rien et où la collectivité est tout.
La connaissance objective : Une approche évolutionniste
Voici un livre de philosophie à la fois classique et déconcertant. On y traite de la liberté et du déterminisme à l'aide de nuages et de bulles de savon. On y construit une théorie du langage à l'aide de miel et de toiles d'araignées. Fort de cinquante ans de discussions avec physiciens, biologistes et logiciens, Popper renouvelle l'approche des questions les plus traditionnelles de la philosophie avec pour fil conducteur le progrès de la science, replacé dans le cadre plus général d'une philosophie de l'émergence du nouveau. Rassemblant des textes rédigés pour la plupart entre 1965 et 1971, La Connaissance objective est l'ouvrage le plus représentatif de la "dernière manière" de Popper. Il y révèle toutes les implications métaphysiques de son rationalisme critique et s'y risque à des conjectures audacieuses. Indispensable pour connaître les inflexions que prend alors la pensée de Popper, ce livre l'est aussi pour comprendre les débats de l'épistémologie contemporaine.