Bruno Léoni

Liberté et droit

En Italie, la culture libérale imprégnée de l'idéalisme de Benedetto Croce n'a pas compris le caractère novateur des idées de Leoni tandis que dans le monde anglo-saxon, il n'a pas non plus occupé toute la place qu'il méritait, ses intuitions se présentant souvent de manière fragmentaire. Estimé de son vivant, il est tombé un peu dans l'oubli après sa disparition. Il a consacré ses efforts à l'élaboration d'une théorie capable d'expliquer comment le droit et l'État peuvent émerger des aspirations et des pouvoirs des individus. Dès ses premiers essais, il critique vigoureusement le droit positif et le rationalisme juridique. A la tentative de fonder le droit sur la volonté arbitraire des hommes, il oppose la recherche d'un droit s'enracinant « dans les rapports qui se développent spontanément dans le peuple ». S'il n'accepte pas pleinement le droit naturel, il apprécie du moins qu'il ne procède pas de décisions du pouvoir politique. Il voit dans la coercition l'élément essentiel et impossible à éliminer de la politique.

Dans sa deuxième période de réflexion, Leoni s'efforce d'appliquer aux décisions collectives les critères d'analyse qui s'appliquent aux choix économiques : « l‘action politique m’est apparue comme un échange de pouvoirs ». Tout individu possède une certaine quantité de pouvoir politique de par sa capacité à faire respecter sa personne et ses biens. La vie sociale semble ainsi reposer sur l'échange de pouvoirs, lesquels pour être complémentaires, doivent être capables de garantir la liberté de chacun. Ainsi chacun s'engage par obligation contractuelle à respecter les demandes analogues des autres. Cette approche avait déjà été appliquée au droit, Leoni écrit dans les Appunti de 1966 : « la norme juridique correspond au prix du marché ». Un ordre juridique sera « la résultante effective des comportements et des demandes de chacun ». Chaque individu par son comportement exerce une influence sur les normes juridiques. Ainsi, les hommes échangent des biens (économie), des demandes (droit) et des pouvoirs (politique). Ainsi l'ordre juridique émerge à partir d'actions individuelles, lesquelles n'ont pas pour objectif de réaliser cet ordre. Le droit naît d'interactions individuelles et non de l'acte d'une autorité. Cependant, seules les prétentions considérées comme légitimes par la grande majorité des membres d'une communauté le sont effectivement. Pour passer de la subjectivité des demandes individuelles à l'objectivité du droit, il faut faire appel à une vérification a posteriori : le droit est un phénomène historique et non une science logique a priori.

Il s'agit d'un rappel à la tradition et d'une défiance envers la législation qui témoignent d'un conservatisme profond. Ainsi seule la certitude à long terme, le jus civile romain et la common law britannique, va de pair avec la liberté individuelle. Les juges sont les vrais représentants du peuple et plus respectueux de la liberté individuelle que les assemblées législatives. Chez les Romains et les Anglais, le droit n'était pas quelques chose de créé, d'arrêté par décret, mais quelques chose de préexistant, que l'œuvre des jurisconsultes et des juges devait découvrir. Chaque fois que l'on substitue la règle de la majorité au choix individuel sans que cela soit vraiment nécessaire, la démocratie entre en conflit avec la liberté. Ainsi la formation du droit doit être soustraite aux politiques et à la logique des majorités. Il y a donc chez Leoni une veine libertaire, une tentative de réfléchir à une association civile capable de se passer de l'État, même si son refus du droit naturel le sépare du courant anarcho-capitaliste.

Une redécouverte de l'apport intellectuel pour des jours futurs et meilleurs des idées libertariennes dans le monde.

Ce n'est qu'en 1995 que l'importance de la pensée de Bruno Leoni commence à prendre son ampleur en Italie. Jusqu’alors, son influence s'exerça beaucoup plus manifestement à l'étranger, à partir des années 1960 que dans son pays. Impliqué dans le développementy des idées libérales et libertariennes, il fut exemplaire aux côtés de Friedrich Hayek dans l'organisation des conférences de la société du Mont Pèlerin. Il en fut secrétaire et président. Mais, ce n'est qu'en 1995 que l'éditeur Canovaro (Liberilibri de Macerata), publie la traduction en italien « La liberté et le droit » qui avait vu le jour aux Etats-Unis en 1961. Grâce à Leonardo Morlino et à Raimondo Cubeddu, la pensée de cet érudit fut portée à l'attention des chercheurs italiens et du grand public. Dans l'introduction de l'ouvrage, Raimondo Cubeddu avait souligné que le mythe que représente l'Etat en tant que producteur de l'ordre par la législation et la planification économique et sociale. Ces questions, Bruno Leoni les avait traitées en montrant les faiblesses théoriques et les risques politiques d'une hypertrophie législative. Mais l'influence du normativisme de Hans Kelsen et du positivisme avait pris le dessus dans la pensée des juristes italiens.

Mais, les temps changent. Aujourd'hui, l'économie de marché est acceptée et soutenue par un grand nombre de personnes y compris parmi les représentants du socialisme. Trente-cinq ans après sa mort, Bruno Leoni a finalement gagné une juste place parmi les leaders de la culture politique et juridique ; influence qui ne cesse de grossir au début de ce vingt et unième siècle.

Comment, selon Bruno Leoni, l’inflation législative détruit-elle la sécurité juridique ?




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