L'extrême gauche, le trotskisme, la furie révolutionnaire,
le communisme stalinien ont toujours bénéficié dans notre pays d'une aura
sombre et fascinante. Sur le plan médiatique en tout cas.
L'extrême droite, en revanche une horreur.
La violence des premiers ne créait pas des victimes et des
massacres, ne tuait pas des innocents mais des adversaires de classe. Elle
était libératrice. Puisqu'elle était progressiste, elle avait toutes les
raisons de se montrer impitoyable.
Cela peut sembler invraisemblable mais de leur vivant des
destinées ayant trempé dans ces idéologies validant l'Histoire comme un bain de
sang n'ont été jamais été stigmatisées comme elles auraient dû l'être. Péchés
de jeunesse, l'inspiration était noble, ils voulaient le bien de tous, les principes
étaient vertueux !
Non seulement tout était pardonné mais il valait mieux
s'être trompé gravement, tragiquement pour avoir le droit de donner des leçons
de morale politique. Les anciens communistes ou militants de la Gauche
prolétarienne ont été toujours plus écoutés, avec la déférence due à ceux qui,
convertis, pouvaient faire état d'expériences et de pratiques totalitaires :
cela pesait un personnage !
Ceux qui ne s'étaient jamais trompés n'étaient pas drôles :
on n'avait rien à leur reprocher et n'ayant jamais approuvé l'enfer, ils
n'étaient pas fiables pour le dénoncer. Leur passé irréprochable ne
garantissait pas leur lucidité pour le présent. Paradoxe inouï mais qu'on a pu
constater assez régulièrement. Jean-Paul Sartre continue à être glorifié pour
avoir eu implacablement tort face à Raymond Aron qui n'a jamais été crédité de
sa lucidité sans faille.