Céline Pina: «Les scènes de guérilla à Dijon ne sont pas un fait divers»

Des règlements de compte en plein centre-ville, des bandes d’individus armés et encagoulés qui déferlent pour s’affronter, une violence totalement décomplexée… depuis vendredi, Dijon est en proie à une forme de chaos qui rappelle Beyrouth et sa guerre civile larvée, et qui nous renvoie au temps du Moyen-Âge, où la sécurité des rues, places et routes n’étaient pas assurée faute d’État assez fort pour y faire régner l’ordre public.
Jamais je n’aurai pensé retrouver ou connaître cette insécurité du quotidien qui caractérisait pour moi un passé lointain et des temps révolus, ou du moins des espaces géographiques éloignés dont la violence témoignait d’un degré moindre de civilisation. Des pays dépourvus d’État moderne et où prospère le tribalisme, avec sa violence, ses excès et ses rivalités. Des pays où le pouvoir s’exerce par la terreur et où la violence et la mort règlent les tensions et les successions. Des pays où l’on peut être blessé ou tué car on est allé chercher le pain au mauvais moment, et où le peuple n’est pas la source de la légitimité du pouvoir, mais le troupeau qui en subit les exactions.
Difficile d’ailleurs de connaitre dans les faits les raisons d’un tel déchaînement de violence. L’agression d’un jeune homme d’origine tchétchène aurait été à l’origine de ces affrontements, mais ce qui frappe depuis, c’est la difficulté à les arrêter et le sentiment qu’à Dijon, force ne reste pas à la loi pour le moment. Nous avons été témoin d’un État en grande difficulté pour se faire respecter au cœur même de ses cités, pas seulement dans sa périphérie. Sans doute d’ailleurs parce qu’il a d’abord renoncé à assurer l’ordre républicain au sein des quartiers. C’est finalement au sein de ces mêmes quartiers que la guérilla s’est repliée et que le conflit fait actuellement rage. Car c’est bien de guérilla qu’il s’agit. Mais jusqu’à présent, nous l’imaginions exclusivement réservée aux quartiers ghettoïsés de la banlieue, ces espaces où à quelques kilomètres de Paris, on ne vit déjà plus en France. La violence qui définit ces zones de non-droit n’y est pas pour autant aveugle et spontanée. Une zone de non-droit n’est pas une zone où aucun pouvoir ne s’exerce, le pouvoir et le contrôle social y sont au contraire très forts et très incarnés, même s’ils ne reposent que sur l’argent, la brutalité et la peur. La violence y est un outil de régulation accepté et revendiqué au point que souvent un quartier pratiquera l’omerta sur les auteurs de ce type de violences, pour hurler à la répression policière à la moindre intervention des forces de l’ordre.
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