Béatrice Brugère : Reformator ? Quitte à jouer à l’éléphant dans un magasin de porcelaine, que changer pour une justice plus efficace ET plus respectueuse des libertés ?


Atlantico.fr : Maître Dupond-Moretti annonce pouvoir réformer la justice en deux ans. Est-ce possible sans une majorité politique ?

Beatrice Brugère :
On ne peut réviser la Constitution sans majorité qualifiée au Congrès. Il faut donc une majorité d'idées sur une réforme du parquet. Eric Dupond-Moretti devra notamment convaincre le Sénat et une partie des parlementaires qui les jours pairs dénoncent les pressions sur la justice et les jours impairs refusent de lui donner son indépendance.

Une justice efficace et respectueuse des libertés est-elle possible ?

La justice ne peut être efficace si elle n'est pas respectueuse des libertés. L'efficacité de la justice ne peut se mesurer qu'à l'aune de sa capacité à garantir les libertés individuelles. Les libertés sont plurielles : le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique et morale, la dignité, la propriété sont aussi importantes que la sûreté et la liberté personnelle.

Nous devons trouver un équilibre entre les libertés qui protègent la personnes contre les autres et celles qui protègent la personne contre l'Etat et ses abus potentiels.

La dignité des détenus est essentielle. Elle passe par la mise en œuvre effective de programmes de construction et de rénovation des prisons dont on doit regretter l'absence et le retard pris depuis 2 ans.

Est-ce qu'une justice équitable passe-t-elle par la responsabilisation des magistrats ? Eric Dupond-Moretti peut-il mettre en place la réforme ?

Tous les responsables publics doivent rendre des comptes.Tous. Car ils sont comptables des missions qu'ils rendent et des moyens qu'ils engagent. Les magistrats également et d'autant plus qu'ils sont garants des libertés individuelles et de leurs atteintes légitimes, notamment dans le cadre de la détention.

Il y a donc une place pour la responsabilité des magistrats, leur responsabilisation, mais dans un cadre qui ne doit pas conduire à une judiciarisation de leur activité et par conséquent à une inhibition, ou à la mise en œuvre d'un principe de précaution généralisé. Prenons un exemple: aujourd'hui, on pense évidemment aux détentions excessives ou arbitraires ordonnées par un juge comme illustration de mise en cause de la responsabilité d'un magistrat.. Mais demain, si un juge ne prononce pas ou n'exécute pas une peine de prison ferme alors qu'elle aurait dû l'être, et qu'il en est ainsi parce que les prisons sont pleines, devra-t-on engager la responsabilité de ce magistrat ?

Une meilleure responsabilisation est peut-être nécessaire. Nous sommes un des rares corps où les chefs de cour ne sont pas évalués ! Cette montée en responsabilité reposera sur d'une part, l'exemplarité des chefs et d'autre part, la capacité de la hiérarchie à évaluer l'activité juridictionnelle de manière précise et objective. Cela renvoie également à l'acquisition par les chefs de cour, de juridiction, de services de compétences managériales dont ils ne disposent pas en raison du mode de recrutement et de nomination.

Aujour'd'hui il n'est plus nécessaire de réformer la justice mais de la repenser ou plutôt de la réinventer dans ses fondations. Le système hérité du XIXème siècle et rafistolé au XXème siècle est à bout de souffle.

Tout doit être remis à plat. Tout.

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