Peggy Sastre : Quand la science sociale devient bombe politique
Au début, l'histoire ne paye pas de mine. Le 24 juin 2019, l'analyse des « caractéristiques des agents et des disparités raciales dans des fusillades policières mortelles » de Johnson et al. est publiée sur le site des PNAS, une prestigieuse revue se targuant de ne donner asile qu'à des « recherches scientifiques de la plus haute qualité ». L'article sort en version papier le 6 août. Quelques jours auparavant, l'étude a fait l'objet d'un communiqué de presse d'usage rédigé par les services de l'université du Michigan (MSU). En septembre, Heather Mac Donald, du think tank conservateur Manhattan Institute, la cite lors d'une audition de la commission judiciaire de la Chambre des représentants portant sur les pratiques policières. Mac Donald a beau préciser que la méthodologie de l'étude a été critiquée par des politologues de Princeton, ses auteurs ne désavouent pas leurs résultats qui, selon leurs propres termes, ne révèlent « aucune preuve significative d'une disparité anti-Noirs dans la probabilité d'être abattu par la police ». Jusqu'à mi-2020, les réactions demeurent pour ainsi dire inexistantes, autant dans les médias que dans le monde académique.