Eric Verhaeghe : Après le terrorisme, le Covid devient le nouvel argument pour imposer toujours plus de surveillance aux Français
La société de la surveillance est en gestation depuis plusieurs années. On pourrait même dire qu’elle a pris corps avec l’invention de l’informatique, d’abord, avec le déploiement d’Internet, ensuite, avec la généralisation du téléphone portable, enfin, qui sont autant de portes d’entrée pour une surveillance industrialisée des citoyens par l’État. Mais avec le coronavirus, cette industrialisation franchit une étape majeure dans les techniques et dans le consentement des citoyens.
Coronavirus et société de la surveillance : une aubaine…
Bien entendu, l’État ne généralise pas la société de la surveillance pour combattre les libertés individuelles, mais pour les protéger. Vieille rengaine bien connue ! On ne vous espionne pas pour vous nuire, mais pour vous épanouir ! Libérer et protéger, disait Macron. On pourrait tout autant dire espionner et protéger, puisque, selon un sophisme désormais admis par (presque) tous, la liberté, c’est la sécurité.
Donc, pour nous protéger du virus, de la maladie, de la contagion, rien n’est trop beau. Et l’État, avec ses terribles fantasmes de contrôle, propose chaque jour une nouvelle idée pour surveiller les individus. Bien entendu, il ne s’agit pas de surveiller pour surveiller, mais plutôt de surveiller la progression du virus grâce à la surveillance de ceux qui le portent ou pourraient le porter. L’argument est imparable : le citoyen est devenu un truchement, un prétexte officiel pour surveiller une sorte de cinquième colonne qui nous menace.
Dans un premier temps, cette surveillance est passée par un confinement des peuples (par la fermeture des frontières), et par un confinement des individus. Ensuite, au nom de la détection des clusters, les citoyens ont dû accepter de livrer la liste de tous leurs contacts. Assez rapidement, l’État a proposé de traquer tout le monde grâce à une application numérique, StopCovid, qui fait un four, tant elle est contraire à l’esprit français.
Mais d’autres tentatives sont mises sur le tapis, comme la consignation méthodique de l’identité des personnes qui fréquentent les bars et les restaurants. Il s’agit pour l’instant d’un « cahier de rappel » fondé sur le volontariat. L’idée est là, posée bien au milieu de la table : le cafetier, le restaurateur, devient collecteur d’informations pour la police sanitaire. Il nous est proposé de consentir à informer l’État de la liste de nos amis, de nos fréquentations, et des lieux et heures où nous les rencontrons.
Il y a seulement six mois, une telle proposition aurait fait hurler. Elle est aujourd’hui devenue banale.