Marcel Gauchet: Remettre à sa juste place l’État de droit par rapport à la souveraineté populaire
LE FIGARO. - La décapitation de Samuel Paty par un réfugié tchétchène a rouvert le débat sur l’État de droit en France. Celui-ci est-il adapté à la menace islamiste et au défi migratoire?
Marcel GAUCHET. - Mais pour commencer, qu’est-ce que ce fameux «État de droit»? La notion est devenue un mantra invoqué en toute occasion sans qu’on se demande ce qu’elle veut dire. Il n’est que temps d’aller y voir de près. Au sens technique, elle désigne le respect de la hiérarchie des normes. Celle-ci pose la Constitution comme la norme suprême à laquelle les normes inférieures, les lois édictées par le législateur, doivent se conformer. D’où le rôle de clé de voûte des institutions joué par les cours constitutionnelles qui ont à apprécier cette conformité. Mais comme les Constituions se réclament elles-mêmes, de manière plus ou moins directe (ou qu’on les fait se réclamer), d’une norme encore plus fondamentale, à savoir les droits de l’homme, les juges constitutionnels sont devenus de fait les juges de ce que l’on appelle désormais «les droits fondamentaux», c’est-à-dire concrètement les droits individuels.