Christophe Boutin : "Grand remplacement", la double intimidation qui nous empêche de regarder la réalité en face


Atlantico : Cela fait plusieurs années que l’extrême-droite évoque un grand remplacement, celui-ci a été maintes fois contredit par les chiffres mais l’idée continue d’exister. Les démonstrations de force des militants nationalistes turcs ou islamistes, comme hier à Dijon et à Décines, montrent-elles que la théorie inspire aussi l’autre bord ?

Christophe Boutin :
Commençons si vous le voulez bien par remettre quelques éléments en place dans ce débat particulièrement sensible et souvent biaisé. Vous évoquez le terme de « grand remplacement », que l'on trouve effectivement utilisé par plusieurs auteurs de la droite radicale française et qui a été attribué à l'écrivain Renaud Camus, mais qui est aujourd’hui très largement sorti de ces seules limites et recouvre en fait deux éléments distincts.

Le premier est la simple prise en compte d’une réalité : la part croissante au sein de la population française d'éléments issus d’une immigration essentiellement maghrébine et sub-saharienne mais aussi maintenant proche-orientale – les immigrations asiatique ou, plus récente, du sous-continent indien, ne sont généralement pas intégrées dans ce terme de « grand remplacement ».

Vous dites que ce changement a été « maintes fois contredit par les chiffres », je ne suis pas démographe, mais je ne pense pas que Louis Dumont autrefois, ou Michèle Tribalat aujourd’hui, auraient une telle approche. Et ce qui est en tout cas certain c’est qu’en l’absence de statistiques ethniques, interdites dans notre pays, d’autres marqueurs – l’évolution des prénoms pour ne prendre que cela – vont plutôt dans le sens d’une confirmation de cette évolution démographique.

Il est difficile de comprendre ce refus de chiffrer la réalité de ce que leurs représentants eux-mêmes nomment les « minorités visibles » de la République, car visibles elles le sont effectivement pour toute personne : il suffit de comparer des films représentant les rues, les transports en commun ou les cours de récréation dans les années 70 et en 2020 pour se rendre compte qu’il y a eu en 50 ans une modification profonde de la structure même de la population française, avec une ampleur jamais atteinte.

Se refuser à user d’un instrument statistique qui en finirait une bonne fois pour toutes avec les fantasmes des uns et des autres, casser des thermomètres pour que l’on ne parle pas de fièvre, cette volonté de nier l’évidence est d’autant plus étonnante qu’elle est bien évidemment contre-productive : au lieu de permettre, chiffres à l’appui, un débat apaisé sur une question qui est au cœur des préoccupations des Français, sondage après sondage, ce piètre camouflage permet à toutes les théories complotistes de prospérer. On en arrive ainsi à la deuxième approche du « grand remplacement », selon laquelle « remplacer » les « Français de souche » aurait été voulu « en haut lieu » pour des raisons économiques et sociales, et avant tout pour renforcer le pouvoir central d'une oligarchie.

Certains éléments sont venus apporter de l’eau au moulin : le titre du rapport de la division de la population présenté en 2000 à l’ONU, Les migrations de remplacement : solution au problème du vieillissement de la population ? n’était ainsi pas très heureux, quand bien même ne s’agissait-il que de prospective, les auteurs se demandant de combien de main-d’oeuvre extérieure auraient besoin certains pays d’ici à 2050 en tenant compte de leur évolution démographique, s’ils entendaient conserver leur âge de départ à la retraite et leur rapport entre actifs et inactifs (la réponse était pour la France de 93 millions d’immigrés supplémentaires).

Si donc on entend par « grand remplacement le poids toujours plus important en France de communautés étrangères et de leurs descendants, on peut difficilement considérer que l'extrême droite soit en 2020 la seule à tenir cela pour une réalité. Et on le peut d’autant moins que les représentants mêmes de ces communautés excipent de nos jours de leur poids démographiques pour demander, par l’instauration de discriminations positives, de quotas, une représentation dans certains secteurs à hauteur de cette présence. Ils n’existaient pas nous disaient-on, les pourcentages évoqués n’étaient qu’un fantasme de l’extrême droite ; mais ce sont maintenant ces communautés qui affirment représenter tel ou tel pourcentage de la population française.

Ce qui nous conduit à leurs revendications politiques ou culturelles, et à ce rapport que vous voyez entre le terme de « grand remplacement » et les récentes actions de militants nationalistes ou islamistes turcs qui ont eu lieu dans certaines villes de France. Si vous voulez dire par là qu’une part des membres de ces communautés, turcs ou pas, islamistes ou pas, comptent sur leur développement démographique pour arriver à imposer leurs règles de vie sur le territoire national, il est à craindre que cela relève de la plus banale évidence dès lors que ces communautés ne manifestent aucun désir d’assimilation et d’acculturation. Lorsque des groupes culturels distincts coexistent sur un même territoire, un certain rapport de force ne peut manquer d’exister, et il n’y a que dans les contes – et encore, les contes pour enfants sont dans ce domaine réalistes – que tout se résout par la douceur, le partage, la tolérance et l’amour.

Cette évidence d’un poids démographique et donc politique croissant se manifeste jusque dans des déclarations, et si celle attribuée à Houari Boumediene, « Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire » est très douteuse, celle de Recep Tayyip Erdogan – revoici donc la Turquie - : « J’en appelle à mes frères et sœurs en Europe. Ne faites pas trois, mais cinq enfants, car vous êtes l’avenir de l’Europe. » a bien été prononcée dans un discours du 17 mars 2017.

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