Edouard Husson : Ces idées reçues qui viennent régulièrement paralyser la politique étrangère française
Durant toute ma formation à l’histoire de l’Allemagne, la plupart des experts ne juraient que par Alfred Grosser. Lorsque je commençais mes études, on m’avait offert un livre de Grosser. Je crois ne m’être jamais autant ennuyé à lire un ouvrage universitaire. Au début, je ne disais rien; mais plus j’avançais dans l’étude de notre grand voisin, plus je découvrais un système absurde, dont toutes les planètes tournaient autour d’un soleil auto-proclamé, dont le célèbre cours à Sciences Po reposait essentiellement sur la capacité à rendre compte sans en avoir l’air d’une lecture assidue de la « Frankfurter Allgemeine Zeitung ». Cela n’aurait pas été bien grave si le même gourou des études allemandes n’avait utilisé son petit « pouvoir charismatique », au sens où Max Weber utilise le terme (un vaste public d’étudiants et d’universitaires projetait sur Grosser l’image DU spécialiste de l’Allemagne), en instrument de pouvoir au sein de l’université. C’était l’époque où un mandarin pouvait se rendre au Ministère en charge des universités pour mettre un veto à la promotion d’un collègue. Alfred Grosser l’a fait maintes fois.