L’Etat condamné pour "carences fautives" dans "l’affaire du siècle" : une énorme faute politique de la Justice ? - Par Didier Maus

Le tribunal administratif de Paris a reconnu mercredi, pour la première fois, que l'Etat a commis une "faute" en ne respectant pas ses engagements de réduction des gaz à effet de serre. Cette décision "historique" a été saluée par les ONG qui poursuivaient l'Etat en justice. Par cette condamnation, la justice ne dépasse-t-elle pas ses prérogatives en entrant sur le terrain politique ?



Atlantico.fr : L’Etat vient d’être condamné pour « carences fautives » dans « L’affaire du siècle », y avait-il des fondements à cette condamnation ? La décision dépasse-t-elle l’euro symbolique que l’État doit payer ?

Didier Maus :
Pour bien comprendre la portée du jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 3 février 2021, il faut, comme toujours en droit, faire un peu d’histoire. Il y a maintenant longtemps que les associations de promotion de l’écologie et du développement durable (on disait avant « de défense de l’environnement ») et l’État s’opposent sur la nature et le degré des mesures à prendre pour réduire les conséquences de l’effet de serre et préserver la biodiversité. De son côté, l’État a pris dans divers textes nationaux et internationaux, parfaitement rappelés dans la longue décision du 3 février, des engagements précis quant aux objectifs et moyens qu’il retient pour atteindre la neutralité carbonique vers 2050. Les associations concernées ont mis le gouvernement en demeure, fin 2018, de respecter ses engagements et de prendre à cet effet toutes les mesures nécessaires. C’est le point de départ obligatoire d’une action en responsabilité contre une personne publique : il faut « nouer » l’éventuel contentieux. Le gouvernement aurait pu rester muet, ce qui aurait signifié un rejet implicite, mais il a explicitement refusé d’accéder aux demandes des associations. À partir de là la mécanique du procès administratif se met en place. Les requérantes (Oxfam France, Notre Affaire à tous, la Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France) déposent des requêtes devant le tribunal administratif de Paris. Le gouvernement se défend en considérant, évidemment, les demandes comme non fondées (peu importe ici les arguments des uns et des autres). Après une procédure classique, mais passionnante pour les spécialistes, l’affaire est longuement évoquée en audience publique le 14 janvier 2021. Le jugement intervient le 3 février. Il n’y a rien à redire. Le procès a été équitable, aussi bien pour les associations que pour l’État.