Notre démocratie est-elle en train de défaillir ? - Par Natacha Polony et Nicolas Baverez

L'ALERTE DEMOCRATIQUE
Et si la démocratie disparaissait sous nos yeux. Impensable ? Pourtant, elle se trouve aujourd'hui en état d'urgence, menacée par ses propres citoyens tentés par la démagogie et l'autoritarisme. Loin de prendre la mesure du danger, nous détournons le regard sur la corruption insidieuse de nos institutions et de notre vie publique. Nous nous rassurons à bon compte en moquant les dirigeants populistes ou en les réduisant à une simple parenthèse qui se refermera vite. L'histoire du XXe siècle nous rappelle que la démocratie est fragile ; qu'à tout moment, l'État de droit et l'esprit de modération sur lesquels elle repose peuvent s'effondrer ; que les régimes liberticides s'installent pour durer. Il est donc grand temps de nous attaquer aux maux qui rongent nos sociétés : la montée des inégalités, le désarroi identitaire, la contagion de la violence. Les nations libres doivent reprendre en mains leur destin. Non par l'emballement des passions protectionnistes ou nationalistes mais par un travail patient pour réengager les citoyens dans la vie publique, conforter les classes moyennes, transformer le capitalisme, répondre aux défis de la révolution numérique et du changement climatique, reconstruire un ordre international. Le seul antidote efficace à la crise de la démocratie, c'est la liberté politique !

SOMMES-NOUS ENCORE EN DEMOCRATIE ?
«Sommes-nous encore en démocratie? Aujourd'hui, le fait même de poser la question est jugé indécent : les citoyens n'ont aucune raison de se plaindre, eux qui vivent librement, ne sont pas en dictature. Elle paraît même suspecte, comme si s'interroger sur l'état de notre modèle démocratique signifiait en imposer un autre, autoritaire. Voilà à quoi est réduit le débat en France ; la juste mesure est la chose au monde la moins bien partagée. Face à la crise sanitaire et économique, notre vieille démocratie a certes tenu. Mais on ne mesure pas assez la défiance des peuples, comme si à aucun moment il ne fallait envisager qu'elle pût s'expliquer par le fait que ce serait la démocratie qui aurait joué contre eux. Dès lors que la révolte populaire, dont les Gilets jaunes ont constitué une première manifestation, a éclaté, nous ne pouvons ignorer la crise de la représentation que traverse notre pays ; et devons lancer une révolution raisonnable, pour faire tomber les nouvelles Bastille.» - Natacha Polony

Natacha Polony et Nicolas Baverez:
«Sommes-nous toujours en démocratie ?»

GRAND ENTRETIEN - Confrontée à la crise sanitaire et au déclassement économique, notre démocratie est-elle en train de défaillir? C’est la question provocatrice que posent Nicolas Baverez et Natacha Polony dans leurs nouveaux livres. Tous deux s’interrogent aussi bien sur la restriction des libertés publiques que sur la perte de souveraineté des classes moyennes et populaires.

Natacha Polony est journaliste et auteur, notamment de Sommes-nous encore en démocratie? (L’Observatoire 2021) et Nicolas Baverez est essayiste et auteur notamment de L’alerte démocratique (L’Observatoire 2020).

FIGAROVOX. - La crise du coronavirus a forcé les gouvernements à prendre des mesures coercitives, que pensez-vous de la notion de dictature sanitaire que l’on a entendue récemment de la part de certains adversaires?

Natacha POLONY. -
Il faut se garder de termes excessifs, ce terme de «dictature sanitaire» est employé à mon avis, à tort et à travers. En revanche, les experts, en particulier médicaux, ont été placés dans une position qui ne devrait pas être la leur du point de vue démocratique. Ils l’ont été par des gouvernants qui n’assument plus leur rôle. Le comité scientifique a servi de caution à un pouvoir qui jouait sur la peur pour maîtriser les populations. Et même dans les moments de pause de l’épidémie, la représentation nationale n’a pas été associée aux choix stratégiques. Pire, les gouvernements des pays occidentaux, se sont enfermés dans le court terme, par peur des chiffres de contamination égrenés chaque soir à la télévision, au lieu de jouer leur rôle qui est de penser le long terme. Poser le problème en opposant l’économie et la vie, c’est ne pas comprendre que l’activité économique détermine la vie des gens, leur possibilité de s’épanouir, d’agir. Nous sommes en train d’éradiquer tout une part de la civilisation française en faisant disparaître certains métiers et domaines d’activité ou en les fragilisant. C’est une modification majeure du visage même de la France. Une fois ce constat posé, la question est: Est-ce que cette situation reflète un déséquilibre plus profond? Je pense que c’est le cas. Emmanuel Macron a abusé de tout ce qui pouvait servir à contourner le jeu démocratique. L’effacement du gouvernement au profit du conseil de défense, qui, lui, n’est pas responsable devant le parlement et dont les délibérations sont classées secret-défense, en est un exemple frappant. Mais ce n’est que l’aboutissement d’une dérive plus lointaine. Une des spécificités de la France face à la crise sanitaire est d’ordre institutionnel. Les institutions de la Ve République ont été progressivement déséquilibrées par les pratiques autant que par les révisions constitutionnelles. La République est, bien sûr, différente des démocraties libérales que l’on trouve ailleurs, mais ces déséquilibres en accentuent jusqu’à la caricature la dimension moins démocratique. C’est ce qui explique que la France vive l’ensemble des crises qui agitent le monde occidental depuis quelques années de manière plus violente. Or, ces crises sont nombreuses. Elles sont l’aboutissement du «cycle néolibéral» qui s’est ouvert vers la fin des années 70 et que l’on peut définir par la dérégulation, la suppression des protections mises en place au sortir de la seconde guerre mondiale, au profit d’un marché mondial uniformisé et du libre-échange généralisé. La conséquence principale en est la destruction des classes populaires, puis des classes moyennes dans les pays occidentaux. Et les révoltes que nous voyons sous différentes formes, votes populistes, mouvements de quasi-émeutes, sont la réponse des perdants de ce système.

Nicolas BAVEREZ. - Je partage le constat que l’année 2020 a été une année terrible pour la démocratie. Il rejoint l’étude réalisée par The Economist, dont le classement des pays par type de régimes ne comporte plus que 23 démocraties à part entière sur 167 pays, recouvrant seulement 8,3% de la population mondiale. La démocratie a reculé sous la pression croisée de la poussée des régimes autoritaires avec le soutien de la Chine et de la Russie, des coups d’État en Afrique et en Amérique latine, mais aussi de la dégradation interne des nations libres du fait des populismes.

L’épidémie de Covid a soumis les démocraties à de très fortes tensions. Elles ont culminé avec la prise d’assaut du Capitole par des partisans de Trump, le 6 janvier 2021. Partout les institutions représentatives ont souffert des restrictions aux libertés fondamentales à la suite des confinements, couvre-feux et autres mesures sanitaires. Dans le même temps, il s’est révélé très difficile en période de pandémie d’organiser des élections, de faire campagne et même d’organiser la continuité du débat public, qui s’est trouvé lui aussi confiné.

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