Platon a rendez-vous avec Darwin - De Vincent Le Biez
Vincent Le Biez publie aux Belles Lettres Platon a rendez-vous avec Darwin, un plaidoyer instructif pour faire de nouveau dialoguer la culture scientifique et la culture littéraire. La première a toujours éclairé la seconde, précise-t-il, et aujourd’hui les découvertes scientifiques en matière de science des organisations sont une aide précieuse pour la compréhension des sociétés humaines.
FIGAROVOX.- Dans votre livre Platon a rendez-vous avec Darwin, vous essayez de réconcilier la science et la philosophie. Pourquoi?
Vincent LE BIEZ.- La science et la philosophie étaient historiquement intimement liées, on parlait d’ailleurs de philosophie naturelle pour décrire l’étude de la Nature et de l’Univers. Ces deux domaines ont commencé à se distancier à partir de Galilée avec l’apparition de la science moderne. Progressivement se sont installées «Deux Cultures» pour reprendre le titre la célèbre conférence de Charles Percy Snow, de plus en plus hermétiques l’une à l’autre.
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Cette difficulté à échanger et même à communiquer entre les humanités et les sciences a toujours été pour moi un fort sujet de préoccupation. Cette question des «Deux Cultures» était d’ailleurs le titre du premier cours d’Alain Finkielkraut pour ma promotion à Polytechnique. Il était particulièrement bienvenu de sensibiliser de jeunes étudiants en école d’ingénieur à cette question, je ne suis pas sûr qu’il en aille de même dans toutes les formations supérieures, scientifiques ou littéraires.
«La science et la philosophie étaient historiquement liées: réconcilions-les!» (lefigaro.fr)
ENTRETIEN. Dans « Platon a rendez-vous avec Darwin », Vincent Le Biez propose de rapprocher des théories scientifiques et des réflexions de philosophie politique.
Le Point : Votre livre se veut un dialogue entre des scientifiques et des penseurs politiques. Vous dites avoir découvert qu'un « dialogue direct » était possible entre la science et la philosophie politique. Que voulez-vous dire ?
Vincent Le Biez : Je me réfère précisément ici à ce que le scientifique et auteur britannique Charles Percy Snow a appelé les « deux cultures » dans une conférence de 1959 devenue célèbre où il regrettait que les littéraires ne connaissent rien aux sciences. Je pense comme Snow que la portée culturelle des sciences est négligée et qu'elle est beaucoup plus large qu'on ne le croit, dépassant largement ses objets d'étude. En outre, je pense que la fertilisation de ces deux cultures est extrêmement fructueuse. Il y a une base rationnelle à essayer de faire ces rapprochements.
Qu’est-ce que la politique peut apprendre des sciences des systèmes complexes comme la biologie, la théorie des jeux, la physique statistique ou la thermodynamique loin de l’équilibre ?
En quoi les concepts d’évolution, de membrane, d’entropie, de structures dissipatives, de lois d’échelle ou de transition de phase permettent-ils d’éclairer des questions politiques aussi essentielles que celles du progrès, des frontières, de la coopération et de la compétition, du développement durable, de la pluralité ou de la subsidiarité ?
Un dialogue renouvelé entre les Deux cultures, les sciences et les humanités, permet-il d’aborder de grandes questions de philosophie politique sous un jour nouveau et fécond ? Vincent Le Biez en fait le pari, avec, sous l’égide de Snow et Prigogine, Platon et Darwin, Hobbes et Bichat, Rousseau et Dawkins, Bergson et Clausius, Arendt et Carnot, Tocqueville et Ising…