Margaux Magalhaes – Vers une rupture du partenariat stratégique entre l’administration Biden et la Turquie ?

La relation américano-turque, entrée dans une ère glaciaire depuis 2016, semble désormais en état de déliquescence. Les frictions sont multiples, compte tenu de l’éloignement d’Ankara des valeurs occidentales et de sa politique révisionniste sur la scène internationale. Alors que l’ordre international américain est menacé, Washington pourrait néanmoins continuer de miser sur la Turquie pour partager son « fardeau mondial » et endiguer l’expansionnisme russe, iranien et chinois. Cette stratégie née de la guerre froide pourrait être remise en cause si les États-Unis et la Turquie ne parvenaient pas à résoudre leurs contentieux les plus importants, notamment celui des S-400 russes. En tout état de cause, la nouvelle administration démocrate, en dépit de son idéalisme, doute que les Frères musulmans et les formations politiques qui s’en réclament puissent inscrire leurs actions politiques dans le libéralisme occidental. Ce scepticisme les amène à ne plus accorder à la Turquie qu’un rôle géopolitique et non plus idéologique.


Alors que Joe Biden vient de s’installer à la Maison-Blanche, diverses interrogations demeurent quant à la politique que son administration conduira à l’égard de la Turquie. S’il est vrai que depuis la fin de la guerre froide, la relation américano-turque a été qualifiée par les décideurs américains de « vitale », de « partenariat stratégique » voire de « partenariat modèle », force est de constater qu’une ère glaciaire s’y est depuis substituée. L’autoritarisme grandissant du président turc, Recep Tayyip Erdogan, patent depuis le coup d’État manqué de juillet 2016, couplé à une politique étrangère qualifiée de « révisionniste », aura contribué à ternir l’aura du « démocrate musulman » jadis encensé par Washington. Non seulement la Turquie s’éloigne des valeurs occidentales, mais elle poursuit une trajectoire indépendante sur la scène internationale en se rapprochant de la Russie, en menant des activités de forage dans la zone économique exclusive (ZEE) d’un allié de l’OTAN (la Grèce) ou encore en combattant le YPG – milice kurde syrienne alliée de la coalition internationale conduite par les États-Unis contre l’État islamique – perçu comme une menace par Ankara en raison de sa filiation au PKK. L’indocilité de la Turquie et son incapacité à être un pont civilisationnel par lequel les valeurs occidentales auraient dû pénétrer l’arc de crise, constitutif de la stratégie américaine post-guerre froide d’occidentalisation par proxies[1], auront mis un terme au « modèle turc », affaiblissant par conséquent la relation entre Washington et Ankara.

Face à cet allié remuant, l’administration Biden choisira-t-elle d’adopter un ton relativement conciliant comme l’avait fait Donald Trump ? Ou est-ce que les affinités pro-kurdes et pro-grecques prêtées au nouveau locataire de la Maison-Blanche l’amèneront à revoir la lecture stratégique que les États-Unis avaient jusqu’alors de la Turquie ? Si ses vives critiques à l’encontre de la Turquie lors de sa campagne et son soutien explicite à l’opposition d’Erdogan[2] semblent à première vue attester qu’une rupture du partenariat stratégique pourrait bien avoir lieu, il serait néanmoins peu probable que la valeur stratégique de la Turquie s’amenuise sous son mandat. L’évolution du système international, marqué par la contestation de l’ordre américain par la Chine et la Russie, associée à la volonté de l’administration Biden de parvenir à un accord sur le nucléaire iranien, dictera, selon toute vraisemblance, l’agenda américain envers la Turquie. Mais, en l’absence de valeurs et de menaces existentielles communes, cette alliance – pur produit de la guerre froide – a vocation à devenir plus ad hoc et donc à être moins idéalisée que par le passé. Il est ainsi à prévoir que l’administration Biden n’envisagera plus sa relation avec la Turquie qu’au travers du prisme de sa rivalité avec la Russie, la Chine et l’Iran.

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