Monique Canto-Sperber - Cette décision semble offrir la tête de l’ENA à l’insatisfaction populaire

Pour la philosophe, « il faudrait qu’une école de hauts fonctionnaires, tout en gardant de hautes exigences, puisse refléter cette diversité des intelligences et des aspirations ».


Emmanuel Macron a-t-il raison de vouloir supprimer l’ENA ?

On aimerait connaître les raisons qu’il y a aujourd’hui de supprimer l’ENA. Cette décision me paraît surtout soucieuse de son affichage et de ses effets. Elle a été prise sans concertation avec les spécialistes du domaine, ni avec la direction de l’école et on ne sait quel rôle a joué la commission qui a travaillé depuis deux ans sur la réforme de l’ENA. Cette décision est un peu démagogique, en ce qu’elle semble offrir la tête de l’ENA à l’insatisfaction populaire. L’idée qu’une aussi petite école (200 élèves) puisse être responsable de ce que l’on s’accorde à désigner comme « le mal français » est extravagante. Il est même surprenant de constater que le président de la République semble partager cette analyse. Je ne suis pas favorable au maintien de l’ENA telle qu’elle est, mais je suis encore plus défavorable à ce type de décision.

« Le verrouillage des carrières est un défaut majeur du système »

Ouvrir les voies d’accès aux prestigieuses écoles de l’administration à des jeunes d’origine modeste n’est-il pas une nécessité ?

C’est certainement une bonne chose, mais cela ne suffit pas. Il faut non seulement une réelle diversité dans les filières qui permettent d’y parvenir, mais aussi dans les types de formation et dans les carrières. L’ENA n’est pas du tout à l’image de la société d’aujourd’hui. Pas simplement en termes de diversité sociale, mais aussi en termes de modèle de formation, de types d’intelligence mis en valeur. Elle est l’aboutissement d’un parcours d’excellence scolaire, qui n’est malheureusement accessible qu’à un tout petit nombre, mais ne correspond plus aux talents de la jeunesse actuelle. Il faudrait qu’une école de hauts fonctionnaires, tout en gardant de hautes exigences, puisse refléter cette diversité des intelligences et des aspirations. Par ailleurs, l’ENA aboutit, à la faveur des concours de sortie, à des affectations dans les grands corps de l’Etat. De très jeunes gens, parce qu’ils ont fait l’ENA, peuplent les cabinets et sont dotés d’une influence qui va bien au-delà de celle qui doit revenir à un haut fonctionnaire. Tandis que ceux qui n’y sont pas passés, quels que soient leurs talents, n’ont pas du tout accès aux mêmes opportunités. Ce verrouillage des carrières est un défaut majeur du système.


Ne s’agit-il pas d’une décision essentiellement symbolique, qui aboutira à un simple changement de nom ?

De nombreux pays ont une excellente administration, souvent plus réactive, plus efficace et plus pragmatique qu’en France, sans avoir forcément une école de hauts fonctionnaires. Il faut des modules de formation, une reconnaissance particulière des compétences requises, et sans doute une alternance de stages et de cours théoriques. Il existe une pluralité de modèles qui peuvent répondre à ce besoin. Les grandes écoles d’administration ne sont qu’une réponse parmi d’autres. La France devrait se nourrir d’exemples étrangers, introduire beaucoup plus de recherche dans la formation, des stages permettant de se familiariser avec la diversité des activités sociales et surtout ne plus déboucher sur cette oligarchie de la haute fonction publique qu’on retrouve ensuite dans tous les postes politiques à responsabilité et même dans certains de la vie économique. C’est cela qui bloque en partie la société française, et empêche d’en faire une société vraiment ouverte, de mobilités, avec une véritable reconnaissance des talents, dans toute leur diversité.

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