La Turquie en recherche de partenariats : nouveaux axes stratégiques en Méditerranée orientale – Par Arnaud Peyronnet


La Turquie s’attelle énergiquement à se rapprocher de l’Ukraine et du Royaume-Uni pour contrer l’influence de la Russie dans ses approches, ce qui suscite l’intérêt des plus atlantistes des pays européens. Dans cette démarche, l’industrie de défense turque est devenue un formidable atout international, notamment grâce à ses succès opérationnels engrangés en Syrie, en Libye et dans le Caucase. Ces nouvelles alliances en gestation et la visibilité accrue de l’opposition géopolitique russo-turque pourraient permettre à Ankara de se rapprocher de Washington et d’isoler un peu plus les pays européens ayant pris fait et cause pour la Grèce dans ses contentieux avec la Turquie en Méditerranée. Athènes se rapproche de son côté d’Israël et des Émirats arabes unis. De nouvelles failles apparaissent ainsi dans la tectonique des plaques géopolitiques de la Méditerranée orientale et opposent trois types d’acteurs : la Russie, un axe opportuniste turco-atlantiste et un axe profondément antiturc.


La Méditerranée orientale, aux prises avec un affrontement géopolitique croissant entre la Turquie et la Grèce mais également entre la Turquie et la Russie, est le théâtre de nouveaux accords stratégiques qui ouvrent la porte à de nouveaux acteurs. La Turquie, qui cherche à contrebalancer la Russie sur son flanc nord, s’est ainsi rapprochée de l’Ukraine, suscitant mécaniquement la faveur des plus atlantistes des pays européens, notamment du Royaume-Uni, qui ne jurent que par la menace russe. Pour Ankara, cet accord avec Kiev, et plus tard éventuellement avec la Grande-Bretagne, pourrait lui permettre de trouver tant des ressources que des débouchés pour son industrie de défense, notamment pour sa force de frappe de drones qui s’avère être l’une des clés de la projection de puissance turque en même temps qu’un formidable intégrateur industriel avec des partenaires étrangers.

À l’opposé, la Grèce et Chypre ont approfondi leur association avec un axe antiturc et pro-américain. Ces deux pays ont ainsi signé des partenariats majeurs avec les Émirats arabes unis (EAU) et Israël, sans doute aussi dans l’intention de s’attirer les bonnes grâces des États-Unis, profitant d’un contexte de tensions turco-américaines palpables, freinant par là même toute velléité d’Ankara de se rapprocher de la nouvelle administration Biden. Pour la Grèce, les accords récemment signés lui permettent d’arrimer les EAU, et dans une moindre mesure Israël, à la défense du territoire grec, mis au défi par les prétentions turques en mer Égée et en Méditerranée au cours des dernières années.