Terrorisme: refuser de nommer - Par Jean-Baptiste Noé

Le numéro 33 de la Revue Conflits (1) est consacré au terrorisme, cette « menace sans fin ».


Depuis au moins les attentats de 2012 à Toulouse, le terrorisme s’est à nouveau invité dans les vies quotidiennes et dans les discours réguliers des hommes politiques. Il est entendu que « nous sommes en guerre » contre le terrorisme et que la nation tout entière doit être mobilisée contre celui-ci. Nous sommes en guerre certes, mais nous avons du mal à identifier et comprendre l’ennemi. Si le terrorisme est nommé, ceux qui l’utilisent et l’idéologie que celui-ci sert sont bien souvent oubliés. Parler du terrorisme semble être de plus en plus une façon bien commode et bien utile de ne pas parler d’autre chose, et surtout de ne pas évoquer l’essentiel. Or on ne peut pas être en guerre contre le terrorisme, car celui-ci n’est pas un adversaire, mais une technique. Le terrorisme est à la fois une arme de guerre et un curieux objet politique qui embarrasse tout autant qu’il sert les dirigeants.

Unité nationale

Face au terrorisme, le peuple est invité à l’unanimisme. Il est appelé à l’unité nationale et à faire bloc derrière ses chefs d’État, comme s’il n’était plus possible de penser et de réfléchir sur les causes et les objectifs de celui-ci, ni sur la proportionnalité et l’opportunité des moyens employés pour le combattre. On peut bien décréter des journées nationales d’hommage aux victimes, dresser des statues, déposer des fleurs et illuminer la tour Eiffel en proclamant que « la haine ne passera pas », on voit mal comment ces attitudes permettent de lutter contre le véritable mal. L’acte terroriste est parfois l’idiot utile ou l’heureuse surprise qui permet à des chefs d’État sans gloire et sans panache de remonter dans l’opinion de leur peuple et d’invoquer une chimérique union nationale derrière eux. Quand il n’est pas tout simplement manipulé, sans vergogne pour les victimes, comme l’attentat de la rue Copernic (1980) habilement attribué dès l’origine à « l’extrême droite » et aux « néo-nazis » avec une enquête orientée et à charge. De fait, aucun des responsables ne fut trouvé, la piste partant aujourd’hui vers le Moyen-Orient.