Deux ans en “Absurdistan”: comment expliquer que la France prenne autant de décisions absurdes ? - Par Alexandre Jardin, Guy-André Pelouze, Edouard Husson, Bertrand Cavallier et Pierre Bentata

Au royaume de l’absurdistan, qui sont les plus « coupables » : gouvernement qui préfère faire semblant d’agir, technostructure obèse et surpuissante et/ou opposition inerte ?


Atlantico : A travers sa gestion de la pandémie, l’exécutif a pris des mesures qui peuvent sembler absurdes, comme l’interdiction de se tenir debout dans les bars ou le retour des masques en extérieur. Comment expliquer de telles décisions ?

Pierre Bentata :
D’un point de vue économique, ou microéconomique, en considérant que les agents sont rationnels, ça se comprend car nous avons de nouvelles informations, de nouvelles données et une progression de la pandémie. Surtout, il y a une attente de la population pour des actions publiques. Face à cela, alors que nous faisons face à une vraie incertitude sur la meilleure façon d’agir, on devrait avoir des politiques qui attendent et qui prennent des décisions sur le long terme. Mais comme tous nos voisins agissent, notre gouvernement se sent dans l’obligation d'en faire de même et il met en place des mesures qui ressemblent plus à de la communication et qui ne sont efficaces ni sur le plan sanitaire, ni économique ou politique.
 
De par son inertie, l’opposition a-t-elle une part de responsabilité dans ces décisions ? Peut-on chercher d’autres responsables ?

Pierre Bentata :
Ce que l’on voit bien, et c’est la difficulté de la France par rapport à ses voisins, c’est qu’on s’approche des élections présidentielles. Dans ce cadre, il y a un certain mouvement de personnes antivax auquel se joignent des personnes qui sont souvent sceptiques, parfois à juste titre, à l’égard des mesures et des annonces du gouvernement. Face à cela, les partis d’opposition n’osent pas se positionner, ce qui aboutit à un faible nombre de critiques et de contres-propositions. En conclusion, on arrive à des mesures ubuesques sans que personne ne soit vraiment force de proposition.

De plus, on peut remarquer qu’il y a une véritable inquiétude de la part de la population, qui a aussi sa part de responsabilité dans ces décisions. Lorsque l’on analyse les commentaires et les posts sur les réseaux sociaux, on remarque qu’il y a une forme d’attente mais aussi un véritable ras-le-bol, ce qui peut sembler paradoxal. S’ajoutent alors les médias, qui, en répondant à une demande, génèrent une demande encore plus forte. Le gouvernement doit alors jongler entre ces deux attentes contradictoires de la population.

Comment a-t-on accepté de telles décisions ?

Pierre Bentata :
Selon moi, nous sommes sur un sentier de dépendance. Dès le début de la crise, il y a eu une inquiétude parfaitement légitime face à un virus inconnu. Les médias ont alors voulu montrer que les scientifiques avaient des avis très différents, ce qui a amplifié une certaine forme de confusion parmi la population. Voyant ce phénomène et comprenant qu’ils étaient en partie responsables, ils se sont concentrés sur la doctrine que préconisait le conseil scientifique, ce qui a donné l’impression que la seule vérité était celle du gouvernement et qu’il fallait censurer toute idée opposée. L'exécutif a donc mis en place des mesures de plus en plus strictes avant de revenir sur ce qu’il balayait au début de la pandémie du revers de la main, ajoutant à la confusion.

Quand on regarde tout cela après deux ans de pandémie, on remarque que la population est désespérée. Puisque le gouvernement nous a menti, que les choses n’ont pas été annoncées clairement, il y a une vraie défiance, également à l’égard des scientifiques. Le gouvernement doit donc agir tout en menant une campagne présidentielle, ce qui contribue à l’isoler davantage. Ils proposent alors des chèques inflation et des aides envers les jeunes pour ne pas contrarier la population.

Tous ces facteurs poussent le gouvernement à prendre des mesures symboliques comme le retour du masque en extérieur. Quand Angela Merkel expliquait de manière pédagogique la façon dont un virus se propage, notre gouvernement nous expliquait qu’il fallait ouvrir les fenêtres et que les masques ne servaient à rien. Nous payons donc aujourd’hui les cafouillages du début de la crise, ce qui nous différencie des pays qui ont été plus cohérents, comme la Suède et l’Allemagne.

Pensez-vous qu'il existe un problème (ou une lourdeur) administratif dans la gestion de la crise actuelle liée au coronavirus ? Si oui, pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?

Guy-André Pelouze :
En réalité il ne s’agit pas d’avoir une opinion mais de constater des faits. La pandémie n’est pas une crise (manifestation soudaine et violente) puisqu’à la différence de la Chine nous savons depuis janvier qu’il ne s’agit pas d’une épidémie strictement asiatique. En revanche, les conséquences et les réponses apportées peuvent générer une crise. Découvrir le manque de masques fait partie de ces accélérateurs de la crise induite. Les masques sont aujourd'hui préemptés par l’Etat, ce qui est loin d'être une bonne nouvelle. En effet, en préemptant vous créez un goulot d'étranglement puisque seule l’administration peut désormais commander et obtenir des masques en France comme à l’étranger. Cette décision restreint la possibilité d'importer des masques, et comme l'Etat est très lent et très inefficace, cela crée une pénurie. La bonne décision aurait plutôt été d'interdire la vente de masques français à l'étranger, ce qui permettait à une entreprise française, à des groupements d’achat de se connecter avec une entreprise étrangère et d'importer directement des masques.

Cette manie française de vouloir tout centraliser provoque la pénurie qu'elle soit relative ou totale. Ce n'est pas parce que l'Etat a le monopole des masques que c’est mieux, bien au contraire ! Tous les systèmes monopolistiques dans les sociétés développées et dans l'univers de la science sont très inférieurs aux systèmes ouverts où plusieurs personnes ou entreprises en concurrence -sous régulation - fournissent un service ou un bien.

Pour retrouver l'article du Dr Pelouze, "Coronavirus : les fonctionnaires qui nous sauvent et ceux qui nous plombent (voire pire...)", cliquez ICI

Alors que la crise liée au Coronavirus continue de perturber violemment la vie des gens, il est aisé de voir que lors des décennies passées, les gouvernements mettaient en place des processus d'anticipation face aux catastrophes (guerres, épidémies etc.). Or, il semblerait que les années faisant, la culture technocratique a endigué ces anticipations... Ces périodes d'anticipations dans le passé - notamment durant la Guerre Froide par exemple -, permettaient-elles une meilleure prise en charge de la population face aux catastrophes ? Pourquoi les politiques n'anticipent-ils plus ?

Bertrand Cavallier :
Dans le domaine de la santé, il apparaît que les stocks de masques qui étaient considérables n’ont pas été renouvelés malgré la décision de Xavier Bertrand et que cette mesure aurait été prise en 2011 et 2013 par la technostructure ( Haut Conseil de Santé publique (HCSP) et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale) (1). Sur un plan structurel, ce sont 10 000 lits qui ont été supprimés en 20 ans, non seulement dans les territoires excentrés mais aussi en Seine-Saint Denis (cas de l’hôpital de Bondy) au nom notamment de la stratégie du "virage ambulatoire“ mais également de la logique avancée des fusions et concentrations. Si certaines mesures peuvent se comprendre (nécessité de spécialisations), l’on ne peut cependant que constater la dégradation générale du système hospitalier qui aujourd’hui, malgré l’engagement héroïque des personnels soignants de tout niveau, révèle ses cruelles limites.

(1) Coronavirus : l'État a-t-il choisi de ne plus stocker de masques FFP2 depuis 2011 Le Figaro 19/03/2020

Pour retrouver l'article de Bertrand Cavallier, "La France face au Covid-19 : entre déni de réalité et court-termisme", cliquez ICI

La gestion de la pandémie du Covid, est un exemple d’échec frappant du gouvernement. Jusqu’où cette incapacité à agir s'étend-t-elle ?

Edouard Husson :
La gestion du COVID 19 est de bout en bout un échec du gouvernement. Incapacité à analyser correctement les informations venues de Chine en décembre et janvier; absence de tests et de masques au début de l’épidémie; incapacité à protéger la population âgée; absence d’utilisation des lits mis à disposition par le secteur hospitalier privé; incapacité à arrêter les suppressions de lits prévues depuis longtemps par la bureaucratie des ARS alors qu’on avait vu l’engorgement du printemps. On peut comprendre qu’il y ait eu une grande prudence quand on ne savait pas encore à quoi s’en tenir. Mais à présent les mesures restrictives sont désastreuses pour l’économie; l’obsession du COVID 19 amène à négliger d’autres maladies; les jeunes et les actifs sont entravés par des mesures destinées à prévenir la diffusion d’une maladie qui ne touche sérieusement que les très âgés.

Emmanuel Macron est-il à l'origine de ce phénomène ou l'a-t-il accéléré depuis son élection ?

Edouard Husson :
Emmanuel Macron, c’est une formidable énergie au service d’un grand vide politique. Il a séduit des élites dirigeantes désemparées par les échecs successifs de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande. Emmanuel Macron a été secrétaire général adjoint de l’Elysée puis ministre de l’Economie de François Hollande. Il était donc largement prévisible qu’il ne pouvait pas faire des étincelles. Mais quand François Fillon répétait que ce serait « Hollande bis», personne ne le prenait au sérieux. Les gens sont donc tombés de haut lorsqu’ils ont vu les cafouillages successifs: gestion désastreuse de la crise des Gilets Jaunes, fiasco de la réforme des retraites, catastrophique management de la crise du COVID). Le fait que beaucoup des collaborateurs d’Emmanuel Macron aient été autrefois dans les réseaux strauss-kahniens et ne soient pas pour autant plus compétents que les autres, ne fait que renforcer l’impression d'un déclin profond du milieu dirigeant.

Pour retrouver l'article d'Edouard Husson, "Emmanuel Macron, le Gorbatchev de la technostructure française ?", cliquez ICI

Interdiction d’être debout, retour des masques en extérieur et cie : mais comment expliquer que la France prenne autant de décisions absurdes ?  | Atlantico.fr

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Dans un texte volontiers provocateur, Alexandre Jardin dresse la liste des absurdités décidées par le gouvernement depuis le début la crise sanitaire. En vingt-quatre mois, l’exécutif et l’administration auront, selon lui, fait preuve d’une «inventivité prodigieuse» dans la folie bureaucratique.

La vraie folie commence quand on la normalise. Adolescent, je pris progressivement conscience que ma famille pratiquait la haute démence dans une version honorabilisée, chiquisée, artistisée qui plaisait beaucoup. Mes parents furieusement improbables aimaient plus que de raison, les enfants étant priés de survivre. Je sus donc très tôt que les adultes étaient déments, peu fiables, virtuoses de l’incohérence et portés au haut délire. Et qu’ils cultivaient avec minutie l’art de normaliser la folie en la rendant honorable.

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Mais je n’avais encore pas compris que la cinglerie de ma famille pouvait être dépassée par un gouvernement «normal» d’aspect, d’une inventivité prodigieuse.

Ado, je n’aurais jamais imaginé qu’en deux années fulgurantes on verrait l’État tricolore inventer sans rire des auto-autorisations signées par soi-même pour circuler en temps de confinement, que le masque serait d’abord jugé inutile par un ministre qui, sans crier gare, déciderait ensuite de verbaliser tout récalcitrant au port, que des élus locaux seraient pour de vrai empêchés par l’État de fournir des masques à leurs concitoyens. Que les pharmacies seraient d’abord verbalisées si elles étaient assez sournoises pour vendre des masques aux Français avant qu’on les prie de devenir des centres de vaccination! Que notre grande distribution mastodonte - disposant de très performants systèmes d’achats en Asie - serait d’abord interdite d’importation des masques par les crânes d’œuf géniaux de Bercy au motif que «l’affaire était régalienne vu sa gravité»!

Que plus de 5700 lits d’hospitalisation complète seraient fermés en 2020 par nos mini-Colbert talentueux, histoire de dédaigner la pandémie en suivant un majestueux plan de réduction des capacités hospitalières. Que des bureaucrates futés imagineraient les pistes de ski sans remontées mécaniques. Qu’en pleine pénurie de personnel médical nos technos prodiges auraient la riche idée d’interdire carrément au personnel médical non vacciné de soigner les gens, même en produisant des tests négatifs, préférant réserver ces emplois à des vaccinés pour partie porteurs du virus. Que l’État français, jadis piloté par des amoureux du livre, prendrait la fulgurante initiative de fermer les librairies au moment de l’enfermement du peuple, en faisant (pour de vrai) bâcher les bouquins accessibles dans les Monoprix. Qu’une très étrange haine des petits commerçants inciterait - sans contrepartie - l’État à franchement favoriser Amazon! Et qu’un confinement général laminant nos finances - inenvisagé par les plans publics sérieux et médités anticipant des catastrophes - serait décidé sur un coin de table en un quart d’heure, sans réflexion stratégique.

Puis qu’aucune métaanalyse indiscutable ne viendrait ensuite confirmer que cette démence grégaire aurait eu une efficacité certaine pour protéger la population, vu que les confinements ont sans doute probablement détruit plus d’années de vie qu’ils n’en ont épargnées car toute paupérisation raccourcit l’espérance de vie des plus fragiles. Que le gouvernement de la France, jadis assez niaise pour avoir le souci de ses enfants, ferait le choix top moderne de privilégier les plus anciens qui votent plutôt que le destin de sa jeunesse peu votante. Que nos ARS glorieuses se révéleraient capables de refuser l’aide des labos vétérinaires compétents, de refuser les gels antiseptiques produits par des industries non pharmaceutiques viscéralement civiques.

Que l’État prendrait avec une excitante légèreté la décision d’endetter les quatre générations suivantes au motif que «l’argent est gratuit» (comme si les taux n’allaient pas remonter un jour ou l’autre!). Que la même équipe gouvernementale, très féconde, aurait l’idée de déshabituer une partie de la nation à bosser dur, de façon que nombre de secteurs clés de notre économie ne parviennent plus, et pour longtemps, à trouver du personnel! Que l’État, aux mains d’êtres assez burlesques, aurait la frivolité réjouissante de laisser croire aux citoyens que l’argent magique est disponible, il suffit de le vouloir: yes we can! Que les citoyens médusés verraient la France s’installer à la cool dans un régime d’exception suspendant les mécanismes démocratiques classiques au profit de la technocratie régnante. Que nos crânes d’œuf sélectionnés comme il se doit et inlassablement imaginatifs, se mettraient en tête d’inventer une sous-catégorie de citoyens punis, rétrogradés dans leurs droits - les non-vaccinés, cette vermine scélérate.

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Jamais je n’aurais sérieusement songé que des chiffres bizarres seraient brandis soir et matin sur les chaînes d’info de manière à saccager le moral de la nation, au cas où de très inciviques citoyens auraient encore l’idée tout à fait déplacée de vouloir être confiants, heureux et positifs. Et puis que le chef de notre gouvernement apparaîtrait un soir à la télé dans sa plus belle livrée pour nous informer que le pop-corn au cinéma et les Snickers dans le TGV, c’est fini. Sans que personne dans son cabinet d’intelligents brevetés ne lui aie chuchoté: «Le pop-corn et les Snickers, et l’interdiction du petit café debout vu que le virus épargne les citoyens assis, ça ne va pas le faire… on va passer pour des baltringues!»

Et puis l’inconcevable advint: la même équipe inspirée, garante d’un système vertical étatiste bureaucratique imbattable, experte en normalisation de la folie, a eu l’idée exaltante de proposer aux Français de poursuivre l’aventure! The show must go on! On ne change pas une dream team qui atteint un tel score en deux brèves années.

Trop fort!

En vingt-quatre mois épatants, les démences de ma famille ont été battues à plate couture. Seule la bureaucratie française et ses GO en étaient capables. Des génies!
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