« De la France, ce pays que l’on croyait connaître » - De Laetitia Strauch-Bonart

Dans son dernier essai "De la France. Ce pays que l’on croyait connaître", Laetitia Strauch-Bonart explore le «mystère français» et propose, loin des thèses déclinistes, une lecture de ses déterminants profonds. Un nouveau pacte social est possible, explique la journaliste. Son principe : en finir avec le centralisme. Et renvoie dos à dos progressistes et réactionnaires…

La vraie France expliquée par l'histoire et auscultée par une analyse novatrice et optimiste. A rebours des idées reçues et de la radicalité ambiante.

" Le déclin français ", pour reprendre le titre du célèbre essai de Nicolas Baverez, omnubile les journalistes et les intellectuels depuis une génération, inspirant une littérature brillante et à succès (Alain Peyrefitte, Jean-François Revel , Alain-Gérard Slama, Marcel Gauchet, Christophe Guilly Patrick Buisson etc.) dont le dernier représentant est Jérôme Fourquet. Tous ces best-sellers souffrent pourtant de deux défauts récurrents : le déclinisme et la spécilisation.
Le pari de Laetitia Strauch-Bonart, jeune intellectuelle et figure de proue du conservatisme libéral, est tout autre. Offrir un essai global conjuguant l'histoire et l'actualité en mobilisant pour la première fois une large gamme de disciplines (philosophie politique, économie, sociologie, sciences) au service d'un propos limpide cherchant à comprendre et à expliquer le mystère français sans dogmatisme ni esprit de système. Le point de part pose un concept novateur : " la société de créance ", avant de dérouler un tableau large qui dépasse " le mal Français " pour montrer tout ce qui fonctionne et nous permet toujours de " faire nation " pour emprunter un concept familier aux lecteurs de Pierre Rosanvallon.
Le regard de l'auteur, à mi-chemin entre l'Angleterre et la France, ouvertement francophile mais distancié et ouvert sur le monde, offre une large gamme de perspectives novatrices et parfois iconoclastes, qui vont largement contribuer à animer le débat en cette année-charnière .
La grande enquête qui répond aux questions d'une France qui doute et ne s'aime plus.

Table :

Introduction. Ce pays que l'on croyait connaître

Première partie : La société de créance Les faux-semblants de l'identité
Le Léviathan à la française

Deuxième partie : Effets de non-retour Le pouvoir sans pouvoir
La décentralisation introuvable

Troisième partie : Liberté, égalité, franternité ? La haine du libéralisme
Inégaux et incivils
Le travail comme souffrance

Quatrième partie : Les liens qui ligotent L'intelligence empêchée
Centre partout, politique nulle part

Cinquième partie : Le bien qui nous reste Prendre soin des corps
Tenir ensemble le corps social

Conclusion. La France, demain

Analyse de Johan Rivalland


Cet essai de Laetitia Strauch-Bonart, rédactrice en chef au journal Le Point, vient utilement alimenter le débat sur ce qui caractérise l’évolution historique vers la France d’aujourd’hui, tout en posant un diagnostic approfondi et des réflexions d’avenir quant aux voies à emprunter pour espérer s’engager vers de meilleures orientations.

La vacuité du politique

Dès l’introduction de l’ouvrage, comme un trait caractéristique de notre inénarrable France d’aujourd’hui, la journaliste décrit ce fameux grand débat avec 60 intellectuels triés sur le volet (très majoritairement de gauche), auquel elle était conviée en mars 2019. Un véritable marathon de 8 heures, très consensuel, où les valeurs « progressistes » et très en vogue étaient exposées de manière assez caricaturale et détachée des réalités, en pleine crise des Gilets jaunes, tandis que la plupart des sommités présentes semblaient profiter de l’occasion pour chercher à défendre leurs intérêts catégoriels.

« Le choc des mots, le vide des propos » est une formule qu’elle utilise pour donner la teneur de ce à quoi elle a assisté.

« Ce débat, grand par son titre, mais petit par sa substance, était l’incarnation de la communication comme fin en soi du politique ».

Et de rappeler cette formule de Richelieu, tout à fait à propos, tant cet affligeant spectacle apparaissait alors comme décalé et symptomatique de la vacuité politique de notre époque : « Il faut écouter beaucoup et agir peu, pour bien agir au gouvernement d’un État ».

Or là, en l’occurrence, elle avait l’impression d’assister à une sorte de monologue partagé, sans autre finalité réelle que communicationnelle, sorte « d’oral de l’ENA géant » à base de connaissance abstraite, de la part d’un Président véritable marathonien parfaitement à l’aise dans l’exercice.

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Inégalités à la française et incivisme

Loin de l’obsession égalitariste des Français, invalidée par les chiffres et les faits, les vraies inégalités résident dans notre fonctionnement très particulier à tous les niveaux : complexité des statuts professionnels – et conséquences ensuite en matière d’emprunt, de financement, de logement -, niches fiscales, privilèges divers, sur-importance et hiérarchie des diplômes, recherche de l’élitisme et du conformisme, a priori et rigidités de toutes sortes, tout concoure à ce que les rouages de notre pays aboutissent à une situation d’opacité telle que l’inégalité des chances et des conditions soit flagrante.

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Laëtitia Strauch-Bonart rêve d’une France émancipée d’un Etat obèse et impotent

Par Isabelle Marchandier

« L’État prend davantage au citoyen qu’il ne lui donne, mais ce qu’il lui octroie en échange est plus éphémère encore car il n’offre qu’une illusion de protection et de maîtrise. » L’accusation est lourde, le regard sans concession.

Dans un essai dense et savant, émaillé de références aux penseurs libéraux, de Tocqueville à Bastiat en passant par le philosophe britannique conservateur Roger Scruton, Laëtitia Strauch-Bonart instruit le procès de cet étatisme centralisateur pléthorique, dispendieux et inefficace qui ne fait qu’asphyxier la France. Le programme de chèques électoralistes distribués à quelques semaines de l’élection présidentielle pour répondre à l’inflation des prix du gaz et des matières premières en sont les preuves flagrantes.

Laëtitia Strauch-Bonart rêve d’une France émancipée d’un Etat obèse et impotent - Causeur

Contre le déclinisme, en finir avec le centralisme

Pour la journaliste officiant dans les pages idées, la France pâtit de ce qu’elle nomme « la société de la créance ». Bien loin de la réciprocité matérielle et symbolique du « don – contre don » définie par l’anthropologue Marcel Mauss, Laetitia Strauch-Bonart argue que les demandes permanentes de l’Etat aux Français sont telles qu’ils ont « le sentiment de ne jamais recevoir autant qu’ils ont donné, et ce, même quand ils sont généreusement dédommagés ». Impuissant à répondre aux aspirations citoyennes, le léviathan étatique – métaphore qu’elle reprend à Hobbes – crée pourtant une dépendance chez les citoyens par son omniprésence dans leur vie quotidienne.

« Associée à un centralisme fort, un système présidentiel qui ne permet pas l’expression de la diversité des opinions, des statuts et rentes toujours présents, la faiblesse des intermédiaires entre l’État et les citoyens et l’asphyxie de la société civile, « la société de créance » est source d’instabilité et de ressentiment. »

Loin des récits laudateurs d’une France sereine et apaisée au temps de l’Ancien Régime – n’oublions pas les jacqueries et les guerres de religions -, dont le subtil équilibre aurait été rompu par la période révolutionnaire, Laetitia Strauch-Bonart rappelle que l’histoire de France est faite de stasis – dissensions internes au sein d’une Cité-État qui débouchent sur de violentes crises politiques. Pour la journaliste, la crise des gilets jaunes, conforme à cette loi d’airain nationale, pointe l’absence de représentativité politique en France. La « monarchie présidentielle » ainsi que la faiblesse des contre-pouvoirs à l’État sclérosent le débat démocratique et accentuent le fossé qui sépare les Français de leurs institutions. L’abstention croissante et la virulence des messages adressés à l’encontre du Président lors de chaque manifestation contestataire en sont de bons témoignages.

Pensée pour répondre à l’instabilité politique des régimes parlementaires, la prédominance de l’exécutif sur le législatif, très marquée depuis l’entrée dans la Ve République, est aujourd’hui le mal qu’il convient de soigner.

« Le système présidentiel concentre le pouvoir et ne peut représenter réellement les aspirations. Cela empêche même qu’il y ait un débat. »

Laetitia Strauch-Bonart exhorte à la décentralisation du pouvoir ainsi qu’à la responsabilisation des institutions afin de sortir de ce marasme politique ambiant. Si la seconde perspective fera l’objet d’un prochain rapport de GenerationLibre, notre think thank mène le combat des idées – avec la publication de rapports consacrés à la décentralisation – pour qu’advienne un pacte authentiquement girondin.


Laetitia Strauch-Bonart : « Je ne crois pas à l’idée d’un déclin français absolu »


« Aucune nation ne peut prétendre être pleinement satisfaite de son sort, mais la France se distingue par un souci d’elle-même devenu maladif. Un indice de cette propension à l’autodénigrement est l’existence d’un genre littéraire, à gauche comme à droite, dédiée à l’auscultation mortifère, la littérature du déclin ». Avec son dernier essai, De la France. Ce pays que l’on croyait connaître (Perrin-Les Presses de la Cité), Laetitia-Strauch Bonart refuse le diagnostic de la débâcle généralisée. Certes, cette spécialiste des questions anglo-saxonnes ne nie pas les blocages du pays, liés selon elle à « une organisation collective qui nous déplaît mais dont nous dépendons trop pour nous en défaire, faite d’une interdépendance toxique entre un État étendu mais impuissant et une société de devoirs sans droits, un centralisme abêtissant, une liberté économique chétive, une compétition pour les statuts et les rentes, et un monde intellectuel cultivant l’entre-soi ».


Laetitia Strauch-Bonart propose de renoncer au centralisme confiscatoire plutôt que de faire croître sans cesse l’assistance.

Par Jean-Philippe Delsol

Avec beaucoup de talents et de culture, forte de ses expériences étrangères, elle analyse le système actuel et la montée de l’étatisme qui ne répond jamais aux besoins de représentation « par l’accroissement des droits politiques mais par celui des prébendes » (p. 49). Ce qu’elle appelle la société de créance dans laquelle le citoyen se défait « d’un grand nombre de libertés en échange de la protection nourricière de l’Etat » (p. 51). Ainsi l’Etat modèle la France et la mentalité française. Il s’agit, observe-t-elle, d’une histoire ancienne construite au rebours de celle de nos voisins anglais : « Alors qu’au Royaume-Uni les individus gagnent leur liberté contre l’Etat, en France c’est à l’Etat de la produire et de la garantir (p 57). » De Colbert à Napoléon, l’Etat prend une place disproportionnée que traduit aujourd’hui notamment l’importance des dépenses sociales françaises. Ce qui fait que l’étatisme ne règne pas seulement à gauche de l’échiquier politique, mais en est aussi le maître à l’extrême droite et dans une large partie de la droite classique.

Elle déplore l’idéologie dominante qui pense à la place des citoyens et les démunit de toute transcendance. Elle dénonce tour à tour le renversement de la culture, la tyrannie des minorités, le manque d’indépendance des intellectuels et des médias français et l’absence de substance des corps intermédiaires, associations et syndicats, devenus des satellites de l’Etat, nourris par lui. Elle observe que « en France, l’entreprise est une excroissance à surveiller ; outre-Manche, elle est un bourgeon à faire pousser » (p.151). Elle critique la vanité de l’Etat stratège et le risque qui s’ensuit de socialisme de connivence. Elle souligne combien l’omniprésence de l’Etat favorise les injustices, des niches fiscales arbitraires à l’éducation réduite à son plus petit commun dénominateur…

« Dans ce pacte faustien, l’extension de l’assistance est allée de pair avec la privation de nos libertés et le rabougrissement d’une société civile digne de ce nom. L’Etat nourricier nous a dénutris » (p. 75). Surpuissant, le pouvoir devient impuissant, à la mesure de la vacuité du discours d’Emmanuel Macron que ne masque pas le choc de ses mots. Mais Macron n’est que le dernier d’une longue lignée formatée dans le même moule. Tout comme l’intellectuel français s’inscrit trop souvent dans un triple héritage « rationaliste, marxiste et gauchiste ».

Pour y remédier, elle préconise un retrait de l’Etat et une politique qui rende leur responsabilité aux citoyens. « En politique, dit-elle, la non intervention peut être bénéfique » (p. 86). Elle veut renouer avec un « localisme » qui fonctionnerait selon le principe de subsidiarité, qui rendrait leurs responsabilités aux individus en les restituant aussi aux collectivités territoriales, redevenues maîtres de leurs ressources, et aux organismes non lucratifs « désubventionnés ». Elle veut réhabiliter le marché, la concurrence, la puissance de l’ordre spontané et honorer la figure de l’entrepreneur.

Plus profondément, elle veut enrichir la vie intellectuelle, notamment en permettant l’ouverture d’universités privées, et réhabiliter une pensée libérale caricaturée. Ses références à Edmund Burke et Roger Scruton, plus conservateurs, ne l’empêchent pas de puiser aussi beaucoup chez Constant, Tocqueville, Bastiat, Jouvenel (qui eut sa période libérale), Jean-François Revel, pour expliquer les vertus d’un libéralisme qui ne peut pas se réduire à un économisme. Elle n’hésite pas à s’insurger contre ceux qui condamnent l’individualité dont Benjamin Constant appelait le triomphe « sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme [et] les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité» » (p. 313).

Elle ne manque pas de courage pour aller ainsi à rebours de la pensée unique française et pour critiquer le monde politique dans lequel elle a travaillé. Elle rêve à une France dont les citoyens n’en appelleraient plus à l’Etat qu’en dernier ressort et dans laquelle l’équité règnerait tandis que l’effort ne manquerait pas d’être récompensé. Pourquoi ne pas rêver avec elle, ou agir plutôt pour que son rêve se réalise ? Un livre à mettre entre toutes les mains.

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