Civilisation et libre arbitre - De Jean-Philippe Delsol


La grandeur de notre civilisation réside dans l’idée que l’Homme dispose du pouvoir et de la liberté de penser et d’agir. Il n’est pas un animal comme les autres. Initié par les Grecs, développés par les chrétiens, le libre arbitre est la condition de la liberté des hommes. Celui-ci a été l’objet de nombreux débats intellectuels et théologiques, de saint Bernard à Luther et à Érasme. Jean-Philippe Delsol analyse comment le principe cardinal de liberté individuelle a façonné la société occidentale. Souvent remis en cause, il permet pourtant à l'homme de poursuivre les fins inhérentes à sa condition, affirme-t-il.


La revendication de liberté hante l'histoire des hommes, elle en trame les batailles et les plus belles histoires d'amour. Mais que serait la liberté sans libre arbitre ? Savoir si le libre arbitre existe est la question première. Si la réponse est négative, toute liberté est vaine : elle n'autoriserait alors à faire que ce à quoi nous serions déjà voués.De nombreuses civilisations ont vécu ou vivent sans se préoccuper du libre arbitre. L'Antiquité se livrait au destin, l'islam se soumet aux décrets de Dieu. Pour les judéo-chrétiens, reconnaître le libre arbitre, c'est poser les fondements d'une morale, d'une façon de vivre, donner force à la personne et à sa responsabilité dans la marche du monde, ce qui différencie la civilisation occidentale.L'existence d'un libre arbitre ou la possibilité d'un destin conservent encore une part d'inconnu. Entre raison et passion, ce livre expose aussi complètement que possible les thèses en présence : l'histoire du libre arbitre et du déterminisme est un récit épique et prometteur.


Ci-après quatre extraits qui livrent un aperçu du dernier ouvrage de Jean-Philippe Delsol.

Civilisation et libre arbitre, par Jean-Philippe Delsol - IREF Europe FR

Une anthologie du libre arbitre

Aucune liberté ne peut exister sans libre arbitre, même si chacune a ses contraintes. Mais quel libre arbitre ? Le débat sur ces questions a été permanent, plus ou moins violent selon les temps et les lieux, toujours axé sur la part laissée à la liberté et celle revenant à Dieu ou à un autre maître dans la détermination du comportement des hommes. Écrire sur le libre arbitre exige ainsi de laisser une large part aux débats, voire aux querelles qui ont animé la pensée religieuse aussi bien que laïque au cours des siècles et questionné la liberté.

Il y eut un grand tournant historique de ceux qui, d’Aristote aux derniers scolastiques, inséraient la capacité humaine d’exercer un libre arbitre dans l’ordre de la nature et/ou dans un plan divin, à ceux qui, de Descartes à Sartre en passant par Kant, proposèrent au monde moderne un libre arbitre plus autosuffisant, parfois rien qu’humain. La sagesse antique et encore médiévale positionnait l’homme par rapport au cosmos, la philosophie nouvelle en fit le fruit de la raison ou des passions. Dans la pensée contemporaine, curieusement, alors que la liberté apparaissait comme un paradigme incontournable, le déterminisme a repris de la vigueur. Le marxisme considère que nos activités économiques sont déterminées par nos modes de production, le freudisme recherche l’inconscient derrière toutes nos actions, tandis que la sociologie en examine le terreau social et culturel qui les détermine. La sociobiologie attribue nos comportements à nos gênes, tandis que la neurobiologie veut régler la mécanique de notre cerveau. Le libre arbitre reste néanmoins vivace.

Ce qui a fait la grandeur de l’Occident fut sans doute de croire que l’homme est précisément celui qui a en lui la liberté et le pouvoir de penser et de faire, la volonté qui lui permet d’exécuter, ou non, ses projets, de passer à l’action. N’est-ce pas un trait qui le différencie de l’animal ? C’est ce qui le rend, en partie du moins, maître de son sort et capable de le faire évoluer, ce qui en fait un être responsable. C’est aussi ce qui conserve à l’homme son identité indépendamment de sa situation et du degré de liberté qui lui est autorisé. Certes, l’homme n’est pas entièrement indéterminé car il dépend bien sûr des lois de l’univers et des préceptes moraux qui lui ont été inculqués, d’un environnement naturel et social autant que de certains événements. […] Et pourtant, l’homme ne s’est-il pas distingué par son aptitude à surmonter les contraintes auxquelles il a toujours fait face ? Croire au libre arbitre, c’est penser que l’homme peut être ou devenir acteur de l’histoire, du moins de son histoire, que celle-ci peut dépendre de lui, du moins en partie. Cette croyance au libre arbitre n’a pas peu motivé l’Occident pour avancer, conquérir, développer, créer… Dans le défi permanent de son existence, l’homme a cherché et souvent trouvé des solutions pour aller au-delà, contourner l’obstacle, relever le challenge en sortant des chemins battus. Il n’a pu le faire qu’en exerçant sa libre volonté, en faisant l’effort de contourner l’habitude pour innover. Sauf bien sûr à croire que tout ce que fait l’homme est dans la main d’un autre, livré au hasard ou dans le déroulement d’une chaîne causale et initiale, que cette liberté que nous croyons posséder « est réellement resserrée en de très étroites limites et que tout ce pouvoir créateur de l’esprit ne monte à rien de plus qu’à la faculté de composer, de transposer, d’accroître ou de diminuer les matériaux que nous apportent les sens et l’expérience », comme l’entendait Hume. Peut-être d’ailleurs que nous en revenons aujourd’hui, dans un monde irréligieux, à l’ancien fatum, ainsi que les peurs écologiques le laissent paraître qui n’imaginent plus que l’homme pourrait trouver le moyen de les surmonter sinon en se soumettant aux avertissements de la nature et en défaisant, par la décroissance, les progrès du monde. C’est l’objet de cet ouvrage d’en débattre, après avoir exposé aussi complètement que possible, comme dans une anthologie du libre arbitre, en regard du déterminisme qui le nie, les arguments en présence, et d’essayer de comprendre comment le libre arbitre a accompagné le progrès du monde et pourquoi il ne peut sans doute pas ne pas exister.

Comment le libre arbitre a façonné notre civilisation

La question est aussi de savoir si et dans quelle mesure la croyance dominante d’une société au déterminisme ou au libre arbitre a pu peser sur le niveau et le degré des libertés, voire si elle a orienté l’évolution des mœurs, de la morale et des institutions aussi bien que de la culture et des attitudes économiques et sociales.
En faisant disparaître le libre arbitre et l’Église, les musulmans comme les réformés prenaient le risque d’attenter aussi aux libertés personnelles, civiles et économiques. La suppression de l’Église pouvait laisser l’État prendre toute la place. À défaut de pouvoir gagner leur ciel par leurs mérites, les hommes pouvaient avoir la tentation de s’abandonner à l’angoisse ou à la facilité. […] quelle motivation lui reste-t-il à bien agir ? S’il est entre les mains d’un Dieu capricieux, capable du bien et du mal, comme en islam ou dans la philosophie nominaliste, où sont l’espérance de l’homme et sa liberté, qui toutes deux inclinent à œuvrer à la transformation du monde ? […] La façon de répondre à cette inquiétude fut pourtant bien différente chez les uns et chez les autres. Le risque pesait que le protestantisme et l’islam abaissent l’homme devenu le pion de Dieu et de son représentant sur terre. Même si le catholicisme contribua parfois plus, à sa manière, à renforcer l’État contre lui-même, il semble bien que la croyance au libre arbitre a favorisé les libertés économiques, sociales et politiques et l’essor des sociétés qui les ont pratiquées tandis que, dans l’islam plus que dans le protestantisme, le déterminisme a affecté les comportements individuels et sociaux au point de les annihiler. Les corrélations ne sont pas toujours raison et les facteurs d’évolution sociale sont toujours multiples. Toutefois, l’islam offre l’intérêt de pouvoir observer le riche développement des sociétés musulmanes pendant la relativement courte période où domine le mu’tazilisme libéral tandis que ces sociétés s’engourdissent ensuite sous la domination de tendances tout entières déterministes. C’est plus compliqué pour le christianisme puisque, d’une certaine façon, le protestantisme voué à la prédestination semble s’ouvrir aux libertés économiques plus vite que le catholicisme attaché au libre arbitre. Certes, les pays protestants ont disposé très tôt de larges libertés économiques qui ont favorisé leur essor, mais les grands ateliers textiles du nord, les grandes foires de Champagne, les immenses banques florentines ont prospéré avant la Réforme. Les premières libertés politiques globales et significatives sont advenues dans l’Angleterre catholique avec la Grande Charte (1215) et la France et l’Italie catholiques ont manifesté plus tôt leurs aspirations révolutionnaires à la liberté que les pays protestants du nord. La Réforme a parfois été moins tolérante que l’Église romaine et parfois plus autoritaire ; et d’autres fois, ce fut l’inverse. Ça n’est pas si simple parce que d’une certaine manière, d’une part la prédestination protestante n’empêche pas les hommes d’être incités à l’initiative autant qu’à une vie bonne, tandis que d’autre part, après avoir contribué à l’établissement des libertés humaines fondamentales, le libre arbitre n’a pas permis d’éviter une certaine sclérose de la doctrine et des institutions catholiques. Il reste que, malgré ses faiblesses et ses lacunes, le christianisme est dans son ensemble resté porteur d’une vision de l’homme attachée aux libertés civiles des personnes à chacune desquelles il reconnaît une identité propre.

Le libre arbitre ou la liberté de discerner

Le libre arbitre […] suppose et permet à la fois à chacun de reconnaître la diversité des opinions et des jugements. Il oblige à vivre avec l’inquiétude de la vérité plutôt qu’avec sa certitude. Il empêche ainsi de devenir un doctrinaire du bien. Ceux qui pratiquent le libre arbitre sont prêts à chercher l’erreur, à comprendre ce qui ne marche pas, ce qui engendre le mal, pour apprendre à l’éviter. Ils devinent que « dire le vrai » relève souvent de l’impudence, de l’imprudence ou de la vanité – car qui le connaît ? –, du moins quand il s’agit de vérités transcendantales, ou même plus simplement de la nature de l’homme et du dessein du monde. On perçoit le mal, mais il est souvent plus difficile de dire le bien qui n’est jamais parfait. Chaque homme normalement constitué cherche la vérité, à son niveau, dans son domaine et au travers de ses préoccupations. Le libre arbitre permet précisément aux hommes d’avancer dans leur quête éternelle de la vérité par une suite sans fin d’essais et d’erreurs qui conduit néanmoins à approcher toujours mieux certaines vérités. Admettre pleinement le libre arbitre est plus difficile que de s’en remettre au déterminisme ; ceux qui y adhèrent doivent faire la part des choses avec ce qui est dû à la nécessité.

Les déterministes ou les volontés assénées

Le libre arbitre est redoutable puisqu’il nous confie nos choix, en laisse maître chacun de nous. Il est inadmissible pour ceux qui croient qu’ils savent puisqu’il les dépossède de leur supériorité, il les oblige à débattre, à partager, expliquer, convaincre, il ne leur donne plus de légitimité à imposer leurs règles et leurs visions. Ceux qui prétendent posséder le monopole du bien récusent nécessairement le libre arbitre. Leur raisonnement exclut la liberté qui permet l’erreur, et donc le mal, et ils se persuadent eux-mêmes de leur mission de conformer la société à la vérité qu’eux seuls détiennent. L’homme prédestiné ne peut rien faire qui ne soit prévu par d’autre que lui. Mais eux, les philosophes ou les gourous, veulent « faire » le dieu. Parce que, eux, savent, comme les philosophes que Platon fait sortir de la caverne où demeure le vulgum pecus pour diriger ce peuple ignorant vers la cité idéale tout entière collectivisée et dont il n’a pas réussi à faire partager le rêve aux tyrans de Syracuse. Ils savent comme Platon lui-même qui voulait construire l’homme comme un bateau puisque, disait-il, « l’homme n’est qu’un jouet sorti des mains de Dieu ». Ils savent comme, dans un catholicisme dénaturé, adepte d’une certaine forme de nécessitarisme, le Grand Inquisiteur se savait tenu d’exiger de tous de croire et de se soumettre à l’Église. Puisqu’ils ont compris, chacun à sa façon, la mécanique divine, ils prétendent se faire mécanos ; puisqu’ils pensent savoir que Dieu a conçu l’horloge du monde, ils se font horlogers. Ils savent comme Hobbes qui propose un Léviathan, un souverain absolu, maître de la religion de tous et dont les ordres déterminent le bien, pour gérer les citoyens, car selon lui chaque République, et non chaque homme, a une liberté absolue de faire ce qu’elle jugera , ce qui permet à ladite république bien des excès de pouvoir au nom d’un prétendu contrat social abstraitement conclu pour le bien de tous.

Quand le monde se radicalise, l’Occident doit se redresser plutôt que de frissonner

Sommes-nous à la veille d’une grande conflagration mondiale ? Comme dans les années 1930, le monde se radicalise. Les deux figures de proue en sont bien sûr la Chine et la Russie qui entraînent dans leur sillage des pays vassalisés.

Poutine (70 ans) et Xi Jinping (69 ans) sont devenus tyrans à vie en supprimant les règles qui auraient empêché leur renouvellement et en cumulant toutes les fonctions importantes. Le dernier a érigé sa “pensée” au rang de vulgate marxiste de la Chine contemporaine et du XXIe siècle. Ces deux tyrans gouvernent en éliminant tous ceux qui les gênent, en invoquant la “sécurité nationale” pour justifier toutes leurs mesures de contrainte et piétiner le droit. Ils surveillent étroitement leur population et la font marcher au pas. Ils érigent des camps de détention, ils se font criminels comme Lénine, Staline, Mao ou Castro, comme les Pol Pot et les Khieu Samphan de notre ex-Indochine, les Chávez, Maduro et Daniel Ortega d’Amérique du Sud.

Leur force est leur faiblesse

Leur tyrannie est d’autant plus dangereuse qu’elle est au service d’une idéologie. Encore marxistes ou staliniens et parfois mollahs de Dieu, ils veulent faire accéder le ciel sur la terre, construire une humanité nouvelle et parfaite, irréelle. Face à l’impossibilité anthropologique d’y parvenir, ils s’enferment dans leur pensée totale et circulaire. En ne tolérant plus la contradiction, ils s’interdisent la confrontation intellectuelle qui favorise le discernement et la clairvoyance. Entourés de fidèles serviles, ils deviennent aveugles et sourds au monde. Quand la réalité s’impose, ils la nient et inventent des prétextes pour ne pas la reconnaître, comme Staline lançant ses purges tour à tour contre les trotskistes-zinoviévistes, les koulaks, les ingénieurs, les saboteurs… pour masquer ses échecs. Comme l’Iran envoyant ses brigades de gardiens de la révolution contre les étudiants. Xi Jinping emprisonne. Poutine empoisonne. Ils préfèrent détruire le monde plutôt que de changer d’idée.

Subtils, néanmoins, ces nouveaux tyrans théorisent les qualités de leurs régimes face aux démocraties. Non sans malice perfide, les Russes et les Chinois raillent notre démocratie libérale impuissante, dispersée, désordonnée dans ses mœurs comme dans son économie. Ils reprochent à l’Occident d’avoir cru, avec Fukuyama, qu’elle marquait la fin de l’histoire. Ils revendiquent une autre conception de la politique, de la morale, de la liberté. Ils esquivent ainsi habilement la critique en se situant au-delà de la démocratie, en désignant les concepts qui forgent leur tyrannie sous des mots qui les déguisent.

Mais ils ne peuvent pas tromper éternellement le monde par leur verbe. Leur force est aussi leur faiblesse. À défaut de liberté de penser, d’agir, de communiquer, d’échanger, la société s’affadit. Elle se dégrade aussi parce que la seule ressource de leurs citoyens devient la ruse, la corruption, la bassesse, la délation, jusque dans les familles, pour gagner de petits avantages dans un monde laid, amoral. C’est en partie cet avilissement des esprits qui a rendu si difficile la reconstruction des anciens pays de l’Est. Et c’est aussi ce qui peut expliquer l’atonie servile des Russes aujourd’hui dans la torpeur des mensonges de Poutine, pâle figure de Staline, comme celle des Chinois passés à la moulinette des camps maoïstes. Ces tyrannies en deviennent stériles. La vérité les rattrape toujours. Par contre, on ne sait jamais quand. Le Reich allemand devait durer mille ans ! Qui aurait parié dans les années 1980 sur le prochain effondrement de l’empire soviétique ?

Civilisation et libre arbitre : pourquoi l’Occident est différent

Par Thierry Godefridi

Le titre du dernier ouvrage, considérable et remarquable de par l’ampleur et l’érudition, de Jean-Philippe Delsol, Civilisation et libre arbitre, peut paraître quelque peu sévère, mais réfléchissez-y, c’est là que tout se joue, s’est joué et continuera à se jouer, à moins que l’on n’interrompe la partie, qui est la nôtre et explique pourquoi l’Occident est différent.

Réfléchissons-y, car cela ne va pas de soi. Dit sans fard, la grandeur de notre civilisation réside dans l’idée que l’Homme dispose du pouvoir et de la liberté de penser et d’agir, qu’il n’est précisément pas un animal comme les autres, une espèce comme une autre, comme certains veulent le faire accroire.

La croyance au libre arbitre de l’Homme, si ce n’est une réalité objective dont l’Histoire a témoigné, en sa volonté et sa capacité à l’effort afin de surmonter la précarité de l’existence, s’oppose à l’idée que la partie lui échappe, soit jouée d’avance ou soit le fruit du hasard. Mais si cette vision de la destinée humaine peut paraître évidente à l’Occidental d’aujourd’hui, elle n’a nullement prévalu, ni au fil du temps, ni en tous lieux, et, de nos jours, même en Occident, les discours sur la décroissance et de soumission à la nature montrent à suffisance que le débat sur le libre arbitre n’est pas clos.

C’est la tâche essentielle que s’est assignée Jean-Philippe Delsol d’en retracer les circonvolutions de l’Antiquité à nos jours, au travers des âges, des idées et des croyances. Nous faut-il porter d’un cœur léger, comme le suggère le grand tragédien grec Eschyle (525-456 av. J.-C.), cité par l’auteur, le sort qui nous est fait et comprendre qu’on ne lutte pas contre la force du destin, nous soumettre à ce qu’il nous soit dicté par la religion ou par l’idéologie, par ceux qui prétendent savoir ? C’est là l’enjeu.


Jean-Philippe Delsol: «Le libre arbitre a permis à l'Occident de se développer».


Par Elisabeth Crépin-Leblond

FIGAROVOX. - Votre livre s'intitule «Civilisation et libre arbitre». Le libre arbitre est-il selon vous le principe cardinal de la civilisation occidentale ? Où trouve-t-il ses fondements intellectuels ?

Jean-Philippe DELSOL. –
Je crois en effet que le libre arbitre est l'un des concepts principaux qui ont permis à l'Occident d'être une civilisation différente, nouvelle et productive. On constate que le libre arbitre n'existait guère antérieurement.

Dans les civilisations antiques, le destin présidait à l'organisation, à la pensée et à l'avenir des hommes. Les hommes étaient livrés à des dieux dont ils étaient les marionnettes. La soumission était un principe accepté qui fait que les régimes politiques anciens n'étaient que rarement des démocraties. Sauf évidemment à Athènes qui, même si elle n'a connu la démocratie que par épisodes, a accepté la richesse du débat. Ainsi le libre arbitre est apparu notamment chez Aristote qui affirme que «l'homme est principe de ses actions».

Aristote voit l'homme comme différent des autres êtres créés parce qu'il possède un libre arbitre. La civilisation occidentale va hériter tout à la fois de cette pensée grecque que l'on retrouve chez quelques stoïciens, puis chez Cicéron et chez Épictète dans la Rome antique, et de Jérusalem. L'Occident naît de la fusion entre Jérusalem, Athènes et Rome. Car, Jérusalem est probablement la première civilisation attachée au libre arbitre. Le Dieu juif est un dieu libre qui crée des êtres à son image, donc libres. Ce libre arbitre se retrouve dès la Genèse où Dieu dit à Adam: «je te donne un paradis mais si tu touches à ces deux arbres, tu mourras». Ben Sira, un prophète des derniers siècles précédant la venue du Christ, dit la même chose: «si tu le veux, tu garderas les commandements». Il y a cette idée que le libre arbitre est donné et révélé aux hommes par Dieu.

Je crois qu'il y a là au fond la première naissance de l'Occident. Très influencé par le christianisme, il vivra profondément de ce libre arbitre et en fera une sorte de pierre angulaire de sa civilisation.


La nouveauté dans les germes du libre arbitre et dans sa conception qui naît à Jérusalem , à Athènes et à Rome, est que le libre arbitre permet la singularité de l'homme. Désormais, l'homme apparaît comme plus qu'un animal social ou politique. Il est singulier et capable d'agir par lui-même.

Pour que la science existe, il faut au préalable que la liberté de penser existe. Car la science consiste en la recherche d'une vérité qui se construit par le débat.

Je pense au contraire que nous ne sommes détenteurs de notre libre arbitre que pour rechercher nos propres fins. Si on considère que l'homme ne vit pas que de lui-même, pour lui-même, par lui-même, qu'il s'inscrit tout à la fois dans une communauté et dans une certaine transcendance, alors la liberté et le libre arbitre trouvent leur sens dans la recherche de cette finalité.

Il n'existe qu'un faisceau, très fort, de présomption. Kant disait qu'il y a trois choses que nous ne pouvons pas soutenir avec une certitude scientifique: Dieu, l'existence de l'âme et celle du libre arbitre.

Récension de Jean-Pierre Chamoux pour Culture-Tops

Le libre-arbitre favorise l'action responsable. Ce livre associe le libre-arbitre au développement intellectuel, économique et social de l'Europe occidentale. Eclairant !

THÈME

Si notre sort ne dépend pas de nos actes, s'il est fixé d'avance de notre naissance à notre mort, pourquoi se prendre en charge ? Pourquoi nous assurer de l'avenir ? Pourquoi prendre des risques ? Si tout est prédestiné, n'est-il pas confortable de s'abandonner au destin ? Pourquoi se prendre en main ?

Les sociétés archaïques et l'antiquité plaçaient rarement le libre-arbitre au cœur de leur morale sociale. Au fil des chapitres de cet essai, le lecteur découvre comment et pourquoi l'Europe occidentale (suivie par l'Amérique du nord) s'est, au contraire, émancipée du fatalisme qui caractérisait la plupart des civilisations et des religions antérieures au christianisme. Delsol signale aussi que le monde le moins développé reste fataliste.

Au fil des siècles, l'attrait des Européens pour le libre-arbitre eut des hauts et des bas : l'intérêt pour ce concept renaît parfois, comme au III° siècle de notre ère avec Origène (p. 54) ; il prit sa réelle importance aux temps modernes avec Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville pour qui « l'individu doit être souverain », ce qui implique qu'il agit librement (p. 156) !

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