L’utopie de la croissance verte - De Philippe Charlez



La société de croissance requiert trois ingrédients fondamentaux : un contexte politico-économique favorable, une capacité d’innovation technologique et de l’énergie. Elle a d’incontestables vertus et a permis à l’humanité de se développer à pas de géant au cours du XXe siècle. Cependant, elle présente aussi des externalités négatives, dans la mesure où elle repose, entre autres, sur la consommation d’énergies fossiles, responsables avérées du réchauffement climatique, dont l’existence ne peut plus être contestée. La croissance ne doit pas pour autant être instrumentalisée à des fins militantes et politiques.

En neuf chapitres, Philippe Charlez nous explique – à travers un panorama historique – la complexité de trouver un substitut viable à la société de croissance. Dans un monde au sein duquel la démographie continue de croître, ni la décroissance économique ni la croissance 100 % verte n’apparaissent comme des solutions crédibles. Si le découplage énergie/croissance reste à moyen terme le premier levier d’amélioration, à plus long terme, décarboner totalement la société devra inévitablement passer par l’énergie nucléaire. Ce défi n’est pas seulement technique, il est également sociétal et politique. Dans un monde où le nationalisme se renforce, réussir la transition écologique demandera de construire un ordre mondial beaucoup plus coopératif. L’Europe représente sur ce plan un laboratoire d’exception.


Le réchauffement anthropique selon Philippe Charlez

par Philippe Baccou

Un livre dont je recommande la lecture. L’auteur, ingénieur des mines de la Faculté de Mons (Belgique) et docteur de l’Institut de physique du globe à Paris, est un spécialiste des questions énergétiques, enseignant du supérieur, expert auprès de l’Institut Sapiens et du parti Les Républicains, chroniqueur à Valeurs actuelles et à Atlantico. Je le considère comme crédible sur ces sujets.

Sommaire :

Philippe Charlez : "L'utopie de la croissance verte"

Philippe Charlez est ingénieur des Mines et Docteur en Physique. Expert énergéticien internationalement reconnu, il est l’auteur de nombreux articles et de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en 2017 aux Editions De Boek Supérieur. Il enseigne à Science-Po, Dauphine, Mines ParisTech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est aussi l’expert en questions énergétiques de l’Institut Sapiens.

Philippe Charlez, vous publiez aux éditions Jacques-Marie Laffont : L’utopie de la croissance verte. À l’heure de l’énergie chère (gaz et pétrole), vous sentez-vous conforté dans votre réflexion sur la transition énergétique ?

J’avais annoncé la flambée des prix du gaz et du pétrole dès mi 2019 après avoir constaté que la croissance pourtant conséquente des renouvelables (350 G$ d’investissements en 2018 et 4000 G$ depuis le début du siècle pour près de 1 TW installé) n’absorbait que 20 % de la croissance de la demande électrique contre 80 % pour le gaz et le charbon. Leur montée en puissance associée à la volonté de sortir du nucléaire en Europe (Allemagne, Italie, Espagne bientôt Belgique) et le charbon dans le Sud-Est asiatique ne pouvaient que conduire à une explosion de la demande gazière mondiale notamment en Chine.

Parallèlement, la chute des cours du pétrole et du gaz en 2015 avaient conduit à des sous-investissements dans l’exploration et le développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers. Cette tendance a été largement amplifiée sous la pression des lobbies écologistes réclamant l’arrêt complet de tout développement considérant que les réserves existantes couvriraient la fin du pétrole et du gaz programmée selon eux en 2050. Les banques ont notamment été sommées d’arrêter tout investissement dans les hydrocarbures sous peine de voir leur image dégradée et le président de l’AIE s’en est même récemment mêlé en allant dans le sens des ONGs.

Or, en raisonnant de la sorte, on confond naïvement réserves et production, ignorant que le déclin naturel des champs existant est de l’ordre de 4 à 6 % par an et que ce déclin est en permanence compensé grâce à la découverte, au développement puis la mise en production de nouveaux champs. Même avec une demande en baisse (ce qui n’est pas le cas pour l’instant), la stratégie consistant à arrêter l’exploration et le développement des hydrocarbures engendre une réduction massive, mais surtout structurelle de l’offre.

L’accroissement de la demande de gaz pour soutenir les renouvelables et la réduction de l’offre par suite du déclin des investissements ne pouvaient conduire qu’à une extrême tension des marchés européens et asiatiques et provoquer une flambée des cours. Poursuivre une telle stratégie amènerait « en un clic » à la mobilisation de 10 millions de gilets jaunes au cours des prochaines années. Les gouvernements sont donc avertis.

Quel serait le mix énergétique idéal selon vous ? Le tout électrique concernant l’automobile n’est-il pas une aberration pour vous ?

La croissance verte représente une dangereuse utopie que je dénonce dans mon nouvel ouvrage. Faire croire aux Européens que les renouvelables pourraient résoudre la problématique climatique et fourniraient une énergie bon marché est un mensonge idéologique qu’il faut dénoncer. Si nous persistons dans la stratégie actuelle nous convergerons progressivement soit vers des prix encore insoupçonnés du gaz et de l’électricité soit vers une société de pénurie, de pauvreté et de décroissance que prônent les verts. Imaginez une société de blackouts permanents où les respirateurs s’arrêtent au gré du vent ou du soleil ! La transition énergétique reposant sur un déplacement des énergies fossiles vers l’électricité, cette électricité ne peut reposer sur les renouvelables seuls. Ces derniers pourront difficilement excéder (hors hydroélectricité) 30 % du mix et devront être soutenus par des sources pilotables. Éliminant le charbon, ces sources ne peuvent être que le gaz ou le nucléaire et devront assurer l’autre moitié.

Les renouvelables seront exploités localement là où il y a des gisements à fort potentiel de vent et de soleil avec le support de petites unités de gaz ou de nucléaire (les fameux SMR que souhaite promouvoir le président de la République !). En revanche là où il n’y a pas de vent et de soleil, les grosses unités nucléaires comme les EPR restent la seule solution décarbonée. Je ne crois pas au modèle renouvelable global comme ce projet anglo-marocain [1]consistant à installer 10,5 GW de solaire au milieu du désert marocain pour alimenter le sud de l’Angleterre à l’aide d’un câble sous-marin de 3800 km. En dehors des pertes en ligne, cela sous-entend à terme pour l’Europe des problèmes géopolitiques majeurs notamment en termes d’indépendance énergétique. Quant aux émissions résiduelles de fossiles (plus de charbon, beaucoup moins de pétrole, mais encore une partie significative de gaz) elles devront être compensées notamment par le CCS (capture et réinjection de carbone dans le sous-sol).

Parallèlement aux renouvelables, le nucléaire, le gaz et le CCS (capture et réinjection du carbone dans le sous-sol) seront donc les principaux leviers pour accéder à la neutralité carbone en 2050. Une croissance « arc-en-ciel multiénergies » et non « une croissance verte » c’est ce que je promeus dans mon ouvrage.

Le même type de raisonnement s’applique à la mobilité. Certains vous laissent espérer que les voitures électriques à batterie pourraient remplacer en totalité les voitures thermiques. Une autre aberration oubliant de différencier courtes et longues distances. La voiture électrique est par essence une urbaine : vous chargez votre voiture la nuit et au bureau pour faire 100 km par jour. Mais sur les longues distances de plus de 200 km par jour c’est presque mission impossible. Imaginez un premier juillet devoir attendre 30 minutes pour faire le plein de votre batterie ! Vous passerez la moitié de vos vacances sur le parking de l’autoroute ! Il faut donc clairement différencier courtes et longues distances, mais aussi faibles et fortes puissances. Pour les camions, les bateaux ou les avions, l’électricité batterie n’est pas une solution crédible.

Vous parlez, au sujet de l’Europe d’un « laboratoire d’exception » dans un ordre politique qui devrait être plus coopératif. Qu’entendez-vous par là ?

Voiture électriques, hydrogène vert, pompes à chaleur, sidérurgie à l’hydrogène, le mix du futur se composera probablement de 75 % d’électricité. Et pour de longues années encore le gaz jouera un rôle essentiel dans la génération électrique, le nucléaire ne pouvant à lui seul compenser les intermittences des renouvelables.

La coopération énergétique européenne n’est pas venue d’une quelconque solidarité factice entre états membres, mais de crises gazières à répétition entre la Russie, l’Ukraine et l’Union européenne. Le besoin de coopération énergétique n’est guère différent d’une escalade en montagne : « si je suis seul, je peux vivre ma vie et prendre seul mes décisions alors que si je suis encordé, je suis fortement dépendant de mes compagnons d’escalade ». En termes énergétiques, « la cordée » fait principalement référence aux énergies liées aux réseaux de distribution en l’occurrence le gaz et l’électricité. Au contraire, le charbon et surtout le pétrole voguant en « apatrides » sur tous les océans de la planète et changeant de propriétaire plusieurs dizaines de fois avant d’arriver à destination peuvent aisément vivre en « stand alone ». Dans la mesure où la transition consacrera l’électricité comme principal vecteur énergétique avec à moyen terme un important support du gaz, le Green Deal réclamera inévitablement un renforcement appuyé de la coopération énergétique entre États membres.

Sans pour autant se conformer à l’infâme chantage extraterritorial américain auquel l’administration Biden ne compte pas renoncer, la stratégie gazière européenne doit se dégager de l’étau russe et diversifier ses sources d’approvisionnement en profitant notamment de l’accroissement significatif de Gaz Naturel Liquéfié circulant librement sur tous les océans du monde. En mutualisant leurs achats de GNL, les Européens obtiendraient des prix plus attractifs tout en sécurisant leur approvisionnement.

En ce qui concerne l’électricité, malgré l’ouverture à la concurrence dès 1996, l’hétérogénéité des mix électriques et les prix très variables imposés par les gouvernements nationaux n’ont pas permis de développer un grand marché européen : l’électricité reste pour l’instant des « affaires nationales » organisées autour de monopoles naturels publics restreignant les échanges sur la grille à une dizaine de pour cent, mais profitant aussi des instabilités du marché de gros dont les prix sont alignés sur la dernière source mise en œuvre.

Bien qu’apparemment déconnectées de la cordée énergétique, des stratégies divergentes en termes de mobilité pourraient aussi s’avérer catastrophiques. Le pétrole régnant aujourd’hui en maître absolu sur les transports, les réseaux de distribution sont de facto homogènes. Mais imaginons à moyen terme des stratégies européennes non concertées sur les nouveaux moyens de mobilité conduisant l’Allemagne à favoriser la mobilité électrique, la France l’hydrogène et l’Italie les biocarburants. Une promenade transfrontalière deviendrait cauchemardesque !

Contrairement à une idée reçue, les démarches nationalistes ne sont aucunement en phase avec une transition énergétique efficace.

[1] MAROC : Xlinks transportera 10,5 GW d’énergie solaire et éolienne vers le Royaume-Uni | Afrik 21 




14 solutions pour une croissance verte et réaliste

par Yves Buchsenschutz

Nous avons déjà consacré un article sous la plume de Philippe Baccou à cet excellent livre de Philippe Charlez sur le réchauffement anthropique. Ici une sélection des pistes réalistes, identifiées, validées et classées.

Plutôt technique, mais extrêmement bien documenté et construit, ce livre répond à de nombreuses questions concernant la « croissance verte » et au réchauffement climatique. Il a au passage l’honnêteté de laisser en place des points d’interrogation lorsque l’analyse ne permet pas de trancher, encore aujourd’hui, définitivement.
Il semble intéressant à reprendre ce jour car il est l’antithèse des « fake news » que l’on nous sert chaque jour. Un point semble acquis, c’est le réchauffement climatique (à ne pas confondre avec la météorologie qui est du court terme) ne serait-ce qu’à cause de la fonte continue pour le moment des glaciers et autre permafrost. Il ne tranche pas définitivement sur la hausse des températures qui entraînerait des surémissions de CO2 ou l’inverse mais il se penche avec sérieux sur la gestion de ce dernier, dans la mesure où il est d’origine anthropique a répertorié, classé et évalué la validité des différentes solutions proposées à ce jour.

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