Protéger, défendre, dissuader : les défis de nos armées 2022-2030 - Par l'IFRAP et Agnès Verdier-Molinié

Les évolutions politico-stratégiques de la décennie 2010 à nos jours doivent impérieusement nous faire reconsidérer la place et surtout les moyens que nous accordons à notre outil militaire. Depuis 2014-2015 et les débuts d’un conflit en Ukraine, de nombreux spécialistes ont alerté sur la faiblesse structurelle de nos armées au regard des enjeux sécuritaires auxquels la Nation pourrait avoir à faire face.


Au-delà de l’engagement des armées pour la protection du territoire national, des déploiements de souveraineté, des opérations de maintien de la paix ou encore de l’assistance aux populations en cas de crise climatique ou sanitaire, le fait le plus marquant est certainement le retour de la possibilité de conflits interétatiques d’ampleur dans lesquels nous pourrions être impliqués. Même si cette probabilité demeure ténue pour le moment, les conséquences directes ou indirectes sur nos intérêts vitaux pourraient être tels que ce scénario ne saurait plus être ignoré.

Notre outil militaire est aujourd’hui à la croisée des chemins. Après une période de contraction nette des budgets, du format des forces et des équipements, celui-ci regagne progressivement en capacité depuis que les moyens financiers alloués dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 respectèrent une tendance généralement haussière. Demeurant dimensionnées pour des interventions extérieures tout en conservant une véritable capacité de sanctuarisation du territoire national grâce à la dissuasion nucléaire, nos forces disposent cependant de capacités parcellaires. Nous manquons largement de muscles pour peser durablement dans un conflit par volonté politique propre.

Avec l’invasion de l’Ukraine débutée en février 2022, ce débat sur nos capacités militaires est plus que jamais d’actualité. Cette crise montre, s’il en était encore besoin, que des paroles diplomatiques énergiques ne pèsent pas grand-chose si des capacités militaires solides ne sont pas là pour les soutenir et les crédibiliser. Elle montre aussi qu’une crise majeure peut survenir bien avant ce que prévoient les scénarios classiques n’avaient pu anticiper. Nos armées doivent redevenir rapidement un rempart crédible contre les scénarios de crises qui menacent à l’horizon 2030-2040, peut-être même avant. La Fondation iFRAP propose un nouveau dimensionnement des forces armées à cet horizon avec un objectif de 3 % du PIB en 2035 et précise les efforts programmatiques, capacitaires et budgétaires associés.

Protéger, défendre, dissuader : les défis de nos armées 2022-2030 | Fondation IFRAP


Les besoins de nos armées réclament un budget de la défense à 3 % du PIB

Grand paradoxe: en France, où l’État est omniprésent, il semble bien que le sujet de la sécurité extérieure, de la défense et de la dissuasion soit devenu le parent pauvre de nos finances publiques. C’est pourtant la première raison d’être de l’État que d’assurer la sécurité de ses habitants. Las, l’État-providence a souvent pris le pas sur l’État régalien. Aujourd’hui, la puissance publique rime plus avec la protection sociale au sens large: près de 31 % du PIB y est consacré (la moyenne de l’OCDE est à 20 %), soit un total de 812 milliards d’euros (dont 763 milliards de prestations) en 2019 par rapport à 1 347 milliards de dépenses publiques la même année.

L’effort de défense n’a pas échappé aux effets d’éviction provoqués par cet immense flot de dépenses sociales. Systématiquement perdantes au regard du contexte budgétaire contraint, les dépenses consacrées aux armées ont été divisées par deux en trente ans. En 2019, la France consacrait 1,85 % de son PIB à la défense, un chiffre supérieur à la moyenne européenne (1,39 %), et notamment à notre voisin allemand (1,27 %), mais pas si élevé que cela, considérant le modèle d’armée, incluant la dissuasion, que nous possédons. La même année, le Royaume-Uni était déjà à 2 %, les États-Unis à 3,43 % et la Russie à 3,83 %.

La situation internationale critique que nous connaissons met en lumière les atouts mais aussi les lacunes criantes de nos forces armées. Pourrions-nous affronter une puissance militaire conventionnelle hostile, même dans le cadre d’une coalition? Serions-nous capables de défendre nos intérêts nationaux en toutes circonstances, sans monter jusqu’au seuil nucléaire, y compris dans nos territoires d’outre-mer? Des parcs de matériels bien trop restreints et souvent vieillissants, des unités de combat trop peu nombreuses, des stocks de munitions et de rechange faibles en font largement douter.

Nous sommes acculés dans un modèle d’armée complet mais échantillonnaire par incapacité à allouer les moyens financiers nécessaires: nous avons de tout, mais en petites quantités, nous rendant incapables de durer. Cela sans compter nos retards d’investissements dans un certain nombre de domaines, notamment les drones, la défense sol-air, la logistique, le spatial ou le cyber, par exemple.

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#JeSoutiensNosForcesDeLOrdre par le Collectif Les Citoyens Avec La Police