Russie-Turquie. Un défi à l'Occident ? - De Isabelle Facon (Fondation pour la recherche stratégique)


Dans le livre «Russie-Turquie. Un défi à l'Occident ?», Isabelle Facon, spécialiste de la défense russe, explore les relations fluctuantes des deux anciens empires qui, malgré des intérêts souvent divergents, nourrissent leur amitié pour garantir leur puissance face à l'Occident, malgré la guerre en Ukraine.


Isabelle Facon est directrice ajointe de la Fondation pour la recherche stratégique. Spécialiste des politiques étrangères et de défense russe, elle dirige le séminaire «Géopolitique de l'Eurasie» à l'école Polytechnique. Elle a dirigé l'ouvrage Russie-Turquie. Un défi à l'Occident, Ed. Passés Composés, avril 2022.


À l’heure où Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine et menace l’Europe d’une guerre, voici un ouvrage décisif pour illustrer le basculement de l’ordre international au sein duquel la rivalité avec l’Occident est le prétexte à des alliances hier encore inimaginables. Tout oppose la Russie et la Turquie et, pourtant, leur union ne cesse de se renforcer. C’est le constat des chercheurs rassemblés dans ce livre inédit. En dépit de conflits multiséculaires, Istanbul et Moscou partagent des ambitions. S’il y a des désaccords entre Poutine et Erdogan, l’intérêt commun en termes d’influence et de puissance prime. Du nucléaire civil à l’armement, en passant par la coopération diplomatique et militaire, toutes les occasions sont bonnes pour accroître l’image de solidité de ce nouveau front résolu à combattre « l’ingérence » de l’Occident. Cependant, la guerre en Ukraine, en révélant l’asymétrie des enjeux qui sous-tendent ce partenariat pour les deux parties, en remettra-t-elle en cause la dynamique ?

«Les tensions avec les Occidentaux poussent la Russie et la Turquie à coopérer»


FIGAROVOX. - Comment malgré leurs différends sur de nombreux terrains (Syrie, Arménie, Otan), la Russie et la Turquie parviennent-elles à entretenir une relation privilégiée ?

Isabelle FACON. -
Tout d'abord, la bonne alchimie personnelle entre les deux présidents joue son rôle. Poutine et Erdogan sont tous deux adeptes du franc-parler, et le présentent comme un atout dans les relations interétatiques, permettant de dépasser des différends et des blocages. De fait, à chaque fois que les divergences que vous mentionnez dans votre question, auxquelles on peut ajouter celles sur la Libye, ont menacé d'atteindre le point de crise, les deux chefs d'État se sont rencontrés ou se sont parlé, trouvant un accord pour le dépasser tout en prenant acte des désaccords persistants.

Erdogan et Poutine se retrouvent aussi sur leur traitement pour le moins brutal des oppositions et sur l'image de l'homme fort qu'ils entendent projeter, à l'intérieur comme sur la scène internationale. Un tournant dans la proximité entre les deux présidents a été le soutien exprimé par Poutine à Erdogan après le coup d'État manqué en 2016 tandis que les pays occidentaux, pour leur part, critiquaient les répressions massives qui ont suivi cet événement en Turquie.

«Les tensions avec les Occidentaux poussent la Russie et la Turquie à coopérer» (lefigaro.fr)

« Russie-Turquie, un défi à l’Occident ? » : de meilleurs ennemis à partenaires très particuliers

Livre. Longtemps ces deux empires, le russe et l’ottoman, ont été les meilleurs ennemis s’affrontant lors de treize guerres entre le XVIe siècle et le début du XXe. Le pouvoir des tsars et celui des sultans furent ensuite balayés peu ou prou au même moment. Les bolcheviques ne cachaient pas une certaine fascination, par ailleurs réciproque, pour Mustapha Kemal et sa révolution, qui défiait les puissances occidentales, abolissait le califat, changeait l’alphabet et en partie la langue, interdisait le voile et le fez.

Avec la guerre froide, Ankara et Moscou se retrouvèrent à nouveau dans deux camps opposés : Staline lorgnait sur les détroits et la Turquie décidait d’adhérer à l’OTAN en devenant le pilier du flanc sud-est de l’Alliance. Le jeu s’est rouvert avec l’effondrement de l’URSS en 1991 qui alimenta un temps les ambitions turques dans le Caucase et en Asie centrale.

C’est à l’aune de ce long passé d’affrontements, de rivalités régionales multiformes mais aussi d’intenses brassages culturels et économiques qu’il faut comprendre l’entente affichée depuis 2016 par Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan. « Il semble utile de s’interroger sur les facteurs et les motivations de la résistance de cette relation russo-turque à toutes les crises qui la traversent, résistance que semble exprimer une volonté des deux Etats de la protéger », explique Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique, en introduction d’un livre collectif sur les complexes relations russo-turques et le défi qu’elles représentent pour l’Occident. Si, comme il est fréquent dans de tels ouvrages, les contributions sont de valeur inégale, il réunit quelques-uns des meilleurs spécialistes du sujet pour analyser cette nouvelle donne.

Russie et Turquie, un défi à l’Occident


Paru quelques semaines après le début de l’opération militaire spéciale déclenchée par la Fédération de Russie contre l’État ukrainien, cet ouvrage composé par un ensemble d’articles de spécialistes du sujet apporte un éclairage particulier sur les ressorts de la politique étrangère de ces deux États.


Héritiers des deux empires hostiles, qui se sont affrontés à de nombreuses reprises, ces deux états, et leurs actuels dirigeants, Vladimir Poutine et Reycip Erdogan, exercent le pouvoir depuis plus de 20 ans. Ils n’ont eu de cesse, par un référendum pour Erdogan, et par des votes à la Douma pour Poutine, de renforcer leur pouvoir.

La guerre en Ukraine qui se déroule entre autres sur les rives de la mer Noire implique nécessairement la Turquie, toujours gardienne des détroits, aux termes de cette convention de Montreux qui s’applique encore. Membre de l’OTAN depuis 1952, la Turquie a dénoncé l’invasion russe, mais n’a pas pris de sanctions contre Moscou, et paradoxalement livre de l’armement à l’Ukraine.

Dans ces relations russo-turques, il faut évidemment faire appel à l’histoire pour en comprendre les ressorts, et notamment le retour à l’affirmation impériale des deux protagonistes. Mais il convient également d’en cerner les éléments contradictoires qui conduisent ces deux pays à collaborer en Syrie et à s’affronter en Libye par exemple.

Les deux premiers chapitres de l’ouvrage, rédigés par Claire Mouradian, qui fait évidemment référence à la guerre du Haut-Karabakh de l’automne 2020, rappellent que depuis le XVIe siècle les deux empires se sont affrontés 13 fois. Cela représente 70 années d’engagements militaires. Les affrontements ont lieu dans le Caucase, mais également sur les rives de la mer Noire avec cette obsession russe, d’Ivan le Terrible à Pierre le Grand pour la forteresse d’Azov. La question de la mer Noire et de ses détroits est évidemment centrale et la guerre de Crimée conclue à l’avantage de la sublime Porte grâce au soutien franco-britannique n’empêche pas la Russie de peser, après la paix de San Stefano, en 1878, sur le destin de l’espace balkanique.

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