Frédéric Rouvillois: «Par sa décision, la Cour suprême met fin au gouvernement des juges»

Pour le professeur de droit constitutionnel, en revenant sur l'arrêt Roe v. Wade, la Cour suprême n'a fait qu'affirmer la neutralité de la constitution américaine sur la question de l'avortement. Ce faisant, elle a renoncé à faire jouer aux juges un rôle politique, estime-t-il.


Frédéric Rouvillois est professeur de droit constitutionnel à l'université Paris-Cité et délégué général de la Fondation du Pont-Neuf.

Jusqu'ici, lorsqu'une juridiction constitutionnelle invalidait une loi adoptée par les représentants du peuple, les partisans de celle-ci ne manquaient pas de hurler au «gouvernement des juges», tandis qu'en face, les adversaires politiques de cette loi dénonçaient une telle accusation au nom de l'État de droit: autrement dit, en invoquant un système dominé par la règle de droit, et où la juridiction suprême n'est pas contrainte, dans son interprétation de la constitution, de se soumettre aux exigences du pouvoir en place ou de la majorité du moment.

Avec la décision Dobbs v. Jackson Women's Health organization rendue le 24 juin par la Cour suprême des États-Unis, la situation paraît sensiblement plus délicate. Même si certains commentateurs français n'ont pas hésité à condamner d'emblée le coup de force d'une «juristocratie minoritaire au service de la minorité républicaine», même si d'autres ont déploré un «affaissement démocratique», peut-on sérieusement, en l'occurrence, parler d'un «gouvernement des juges» ? Cette formule péjorative avait été inventée au début du vingtième siècle par des juristes progressistes soucieux de stigmatiser la politique jurisprudentielle conservatrice de la Cour suprême américaine, qui aboutissait à l'invalidation systématique des lois sociales adoptées par le Congrès: elle implique ainsi une intervention active (d'où le terme de gouvernement) conduisant des juges non élus à se substituer, d'une manière parfois qualifiée de «contre majoritaire», à la volonté du peuple exprimée par ses représentants. D'où le sentiment d'une usurpation: d'une atteinte frontale à la démocratie commise par des magistrats interprétant à leur guise la norme constitutionnelle, et écartant délibérément l'intention originelle des auteurs de cette norme pour faire prévaloir sur celle-ci leurs propres convictions idéologiques. C'est du reste ce que le président Biden, la voix brisée par l'émotion, a très vivement reproché à la Cour suprême au soir de la décision Dobbs. Mais qu'en est-il au fond ?

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