La Crucifixion de l’Ukraine: Mille ans de guerres de religions en Europe - De Jean-François Colosimo

Dans un ouvrage dense et érudit, l’historien et théologien, spécialiste du monde de l’orthodoxie, remonte à la source lointaine du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Ce texte, passionnant par sa manière d’appréhender le conflit, s’efforce d’en identifier les origines en puisant dans mille ans d’histoire, sans pour autant éluder les responsabilités individuelles de la tragédie. "La Crucifixion de l'Ukraine" aux éditions Albin Michel.

Jusqu’à ce qu’elle survienne, la guerre criminelle que Vladimir Poutine a déclenchée contre l’Ukraine nous paraissait impensable. Elle nous oblige à prendre la mesure des oublis ou des dénis qui nous ont tant aveuglés. Et ils sont nombreux. Ils relèvent de l’histoire méconnue de la grande Europe dont les lignes de fracture enfouies mais toujours actives convergent autour de Kiev. Une histoire de plus de mille ans, déterminée avant tout, nous explique Jean-François Colosimo, par les cultures religieuses : les trois monothéismes et les trois confessions du christianisme n’ont cessé de se rencontrer et de se confronter en Ukraine, cette terre frontalière tour à tour écartelée entre le choc des empires, la déflagration des totalitarismes et le réveil des nations.

Décrypter cette longue série de controverses, de conflits et de croisades mêlant les ambitions politiques des princes, les disputes théologiques des papes et des patriarches, les soulèvements spirituels des prophètes, tel est l’objet de cet essai. Une fresque impressionnante et une analyse brillante qui nous font comprendre que, pour le plus grand malheur des peuples, le temps des guerres de religions n’est pas fini.


Essayiste, documentariste et éditeur, Jean-François Colosimo poursuit une vaste enquête sur le retour du religieux en politique. Dont, récemment, Turquie, nation impossible (Arte, 2019) et Le sabre et le turban (Cerf, 2020). Il est également l’auteur de L’Apocalypse russe (Fayard 2008, Lexio-poche 2021).

Elu à l’Académie française par opposition à Victor Hugo, Pierre-Simon Ballanche (1776-1827) est un philosophe spiritualiste hélas tombé dans l’oubli. Son œuvre majeure – Essai de palingénésie sociale – nous interpelle dans le cadre de cette guerre en Ukraine, qui frappe avec toujours plus d’insistance à la porte de l’Europe. Mystérieux concept que la palingénésie : « doctrine selon laquelle l’histoire des peuples est la reproduction d’une même suite de révolutions dont la succession tend à réaliser une fin générale et providentielle de l’humanité. » Si nous pouvons toujours discuter sur la « fin providentielle » de l’humanité, il nous paraît opportun de nous ranger sous la bannière de Pierre-Simon Ballanche qui – faisant montre d’un esprit prophétique – s’employa à tirer les leçons du passé, en démontrant la destinée cyclique de l’humanité, et en pressentant l’arrivée d’un ordre nouveau. N’est ce pas ce que nous propose Jean-François Colosimo ?

Une guerre de religion ?

Jean-François Colosimo est éditeur, historien, théologien spécialiste de l’orthodoxie en général, et du monde slave en particulier. Il est donc, assurément, le plus légitime pour nous apporter un éclairage différent – pour ne pas dire occulté – de la guerre que se mènent Russes et Ukrainiens : celui d’un affrontement religieux multiséculaire. Que des peuples soient en guerre, c’est le moindre des maux. La guerre constitue l’un des phénomènes extérieurs de l’état d’imbécillité où se trouve l’espèce humaine, et qui disparaîtra lorsqu’elle sera éradiquée de la surface de la terre. D’aussi loin que nous remontions le cours des âges, nous voyons les nations, les empires, se jeter les uns contre les autres pour les intérêts ou les appétits d’une minorité, mais aussi parce que les hommes haïssent leur différence de culte. Nous pensions que cette forme de haine avait disparu en Europe depuis longtemps ; c’est n’avoir rien compris aux totalitarismes (forme de messianismes athées) que furent le communisme et le nazisme, et – plus proche de nous – la guerre en ex-Yougoslavie. Il n’y a pas de pire guerre que celle opposant des identités religieuses. La Guerre de Trente ans (1618-1648) – qui fit plus de morts que les deux guerres mondiales réunies – en est la preuve.
Si Vladimir Poutine a pu lancer son « opération spéciale » en Ukraine, qui se transforme désormais en croisade contre la « décadence » de l’Occident, c’est parce qu’il s’appuie sur la collaboration active du Patriarche de Moscou, comme naguère Hitler l’avait fait avec celle du Grand Mufti de Jérusalem. Le patriarche Kirill, chef spirituel de l’Église orthodoxe russe, promet aux soldats russes montant au front l’absolution de tous leurs péchés, tout comme il y avait un imam fanatique au sein de chaque division SS musulmane, afin d’exalter les troupes allant massacrer leurs frères de sang. Le patriarche porte une immense responsabilité dans les crimes de guerre qui sont perpétrés en Ukraine. En janvier 1191, lorsque le roi Richard Cœur de Lion demande à rencontrer Joachim de Flore, il lui pose la question : « Où est né l’Antéchrist et où doit-il régner ? » ; il répond : « On peut croire que cet Antéchrist est né dans la ville de Rome et qu’il y obtiendra le siège apostolique. » Nous savons désormais, en 2022, qu’il se trouve à Moscou et qu’il est bicéphale. Le dernier chapitre du livre de Jean-François Colosimo – La Gnose de l’Apocalypse – est à la fois remarquable et terrifiant dans son constat : « La différence, s’il faut en chercher une, entre l’État poutinien et l’État islamique, de même qu’entre les degrés de notre angoisse, se résume à un chiffre et à un mot : 6 255 ogives. » L’auteur nous prévient : « avec Poutine, nous devons nous attendre à tout… »

La crucifixion de l’Ukraine

L’Ukraine est à l’épicentre d’une ligne de fracture entre l’Orient et l’Occident. On ne peut appréhender ce conflit sans admettre qu’il est la conséquence de mille ans de guerres de religions en Europe. C’est toute la force de cet ouvrage, où se conjugue tout le talent d’historien et de théologien de Jean-François Colosimo. La visée impérialiste de Vladimir Poutine – pas plus que la prétendue dénazification de l’Ukraine – où le rattachement d’un territoire perdu à la chute du communisme, ne sauraient être invoquées, sans affirmer que ce pays a une histoire, une culture, une langue, et surtout une religion qui lui sont propres.



Jean-François Colosimo: «Poutine est d’autant plus dangereux qu’il n’a plus rien à perdre»

Par Alexandre Devecchio

a guerre déclenchée par Vladimir Poutine s’inscrit dans un affrontement à la fois culturel et religieux vieux de mille ans: l’Ukraine, carrefour stratégique entre l’Occident et le monde slave, n’a cessé d’être un enjeu pour les puissances du moment, mais aussi pour les trois confessions chrétiennes, analyse Jean-François Colosimo. L’intellectuel estime que si Vladimir Poutine est à ce jour en situation d’échec, rien ne garantit que d’autres dirigeants russes lui succéderont bientôt, ni qu’ils seront nécessairement mieux disposés envers les Occidentaux.

LE FIGARO. - Votre livre est sous-titré: «Mille ans de guerres de religions en Europe». En quoi la guerre en Ukraine serait-elle religieuse? Pourquoi parler d’un conflit millénaire?

Jean-François COLOSIMO. -
Nous souffrons d’une amnésie historique et d’une hémiplégie civilisationnelle. C’est de la dislocation de l’Empire romain que naissent, à partir du IXe siècle, les deux Europe, occidentale et orientale. Rome et Constantinople se disputent la primauté spirituelle. Aix-la-Chapelle et Byzance, l’héritage des Césars. Au centre du continent, l’évangélisation des Slaves provoque une lutte acharnée entre les missionnaires latins et grecs. Leur ligne de front tourne vite à la ligne de démarcation.


Ukraine-Russie, une vision en perspective qui contraste avec le conformisme hystérique habituel

Par Maxime Tandonnet

De cette histoire Jean-François Colosimo déduit – avec beaucoup d’humilité – quelques leçons pour aujourd’hui. On n’est évidemment pas forcé d’être d’accord avec tout ce qu’il dit. Reste que cette analyse exprime un effort de de réflexion prospective qui contraste fort avec le conformisme hystérique et superficiel des stratèges de plateau. Voici de brefs extraits de ce document:

« On peut toujours estimer qu’un vrai maître du bluff n’annonce pas, comme l’a fait Vladimir Poutine, qu’il «ne bluffe pas». Mais ce peut être aussi se tromper sur la fanatisation suicidaire à laquelle conduit inexorablement une rupture grandissante avec le réel. Vladimir Poutine ayant d’ores et déjà perdu son pari insensé, que lui reste-t-il à perdre, sinon tout?

Les Ukrainiens et les Américains semblent désormais non seulement croire à la victoire, mais aussi à un changement de régime en Russie. Cela est-il possible et souhaitable?

La finalité est claire: une Ukraine libre, une Russie libérée, une Europe affranchie du spectre Poutine, l’ultime tyran du Vieux Continent, avec le biélorusse Alexandre Loukachenko. Le résultat, plus qu’incertain. Ce qui nous obligera demain, si l’on veut une paix durable, à reconstruire physiquement Kiev et, dans le même temps, à réparer mentalement Moscou. C’est toutefois une autre illusion, cette fois progressiste, de croire qu’un meilleur régime peut aisément succéder à celui qui est aujourd’hui en place au Kremlin. Les forces vives de la Russie sont en prison, en exil ou sur les routes. Elles auront demain à affronter l’anathème universel. Veillons, à notre tour, à ne pas nous montrer manichéens.

Quel rôle pouvons-nous jouer dans la résolution de ce conflit?

La vraie nouvelle de la guerre d’Ukraine, c’est l’isolement de l’Occident, conspué au Sud, en Afrique, en Asie, en Amérique latine pour son hypocrisie présumée. Or cet Occident n’existe pas. L’Amérique décide, l’Europe exécute. Nous sommes pourtant en première ligne dans tous les Orients, à l’Est, au Caucase et en Méditerranée. Le farouche désir d’indépendance de l’Ukraine serait pour nos gouvernants à méditer comme un exemple à suivre. »

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