Mathieu Bock-Côté: «Guerre en Ukraine, la tentation des enfers»

La paix prend plus souvent le visage du compromis que de la réconciliation autour d’une commune vision du monde, et exige des sacrifices de part et d’autre. Elle relève de l’équilibre.


Il est bien vu, depuis quelques jours, de tourner en dérision les menaces de Vladimir Poutine, qui envisage ouvertement de faire usage de l’arme nucléaire. Poutine bluffe, dit-on, et sera entravé, s’il le faut, par les grandes figures de son régime, qui ne seraient en rien hypnotisées par la possibilité d’un dénouement apocalyptique de la guerre en Ukraine. Les malins ajoutent qu’il s’agirait «seulement» d’armes nucléaires tactiques, croyant par là se faire rassurants, sans voir qu’une fois la porte des enfers ouverte, on ne sait jamais ce qui en sortira, et comment on la refermera.

D’autres nous expliquent que la doctrine stratégique russe circonscrit l’usage de l’arme nucléaire à la défense du territoire national, en feignant d’oublier que Poutine considère désormais que les territoires annexés d’Ukraine y participent. Les Occidentaux peuvent bien ne pas reconnaître ces référendums, si Poutine les reconnaît, et considère qu’on attaque désormais la Russie en cherchant à reconquérir ces régions, il pourrait réagir selon ce que sa doctrine lui prescrit et permet. S’il juge qu’on l’attaque chez lui, et traite ceux qui s’associent à cette offensive comme des cobelligérants actifs, nous serons en guerre ouverte contre la Russie.