#MeToo : quand les excès dévorent une révolution - Par Peggy Sastre
Depuis qu’il en a été victime, Julien Bayou semble découvrir les dérives « maccarthystes » d’un certain féminisme… qui ont toujours existé !
« Il ne faut pas confondre féminisme et maccarthysme. Féminisme, oui, évidemment, toujours. Le maccarthysme est un tout autre sujet. C'est dire : “J'ai des listes d'hommes”, c'est porter des accusations que vous ne pouvez contredire, car il n'y a pas d'enquête. C'est aussi une tétanie qui frappe l'opinion publique. » Dans sa récente interview au Monde, Julien Bayou donne l'impression d'être le type revenu du goulag (voire encore en train d'y casser des cailloux) terrifié que l'on puisse croire qu'il en veut désormais aux manches de pioche. Un spectacle désolant. Effectivement, son calvaire ne doit pas grand-chose au féminisme. Reste qu'il est bien le fruit d'excès commis en son nom et motivés par le postulat voulant que, si la cause est bonne, alors tout ce qu'elle engendre l'est forcément aussi. Qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Que si abus, exactions et fureurs collectives il y a, il ne s'agit que de maux temporaires et nécessaires afin que tout le monde (y compris, et surtout, les récalcitrants) suive le bon chemin débouchant sur l'idéal. Là-bas, de l'autre côté de l'arc-en-ciel. Soit cette arnaque grâce à laquelle une palanquée de psychopathes a pu, à travers les âges et les latitudes, assouvir son goût du sang en le blanchissant comme de très normaux et légitimes appétits révolutionnaires.
Sauf que le problème n'aura pas échappé à d'authentiques révolutionnaires, à savoir les porteurs de changements mettant, à certains endroits, la société sens dessus dessous. Des individus bien conscients que des transformations sociales d'ampleur nécessitent, pour être efficientes et durables, de garder un œil sur ses camarades de lutte les plus fanatiques afin d'en limiter le pouvoir de nuisance. C'était ainsi la position de Martin Luther King et de son plus sagace stratège, Bayard Rustin, convaincus qu'il était indispensable que leur combat pour les droits civiques des Noirs américains se fasse dans la plus stricte non-violence, afin d'être irréprochables aux yeux de leurs oppresseurs. Que ne pas se comporter en sauvages, c'est aussi, et surtout, n'offrir aucune marge de manœuvre à ses ennemis pour qu'ils puissent prétendre : « Voyez ces animaux intenables qui ne comprennent que le fouet. » Rustin et King savaient qu'une révolution ne peut se permettre d'ignorer ses excès, et encore moins rêver s'en nourrir. Car s'ils ne sont pas jugulés, seule une issue est certaine : ils finiront par la dévorer.