Renaud Girard: «Rapport de force établi, négociation possible»

La grande difficulté d’une discussion russo-ukrainienne est qu’elle devra, pour avoir la moindre chance de réussir, sauver la face des autorités de Moscou comme de Kiev.


Les avancées victorieuses successives de l’armée ukrainienne à Izyoum, à Lyman et sur le front de Kherson signalent qu’elle a réussi à établir un rapport de force à son avantage face à son agresseur russe. Elle est plus manœuvrière, plus motivée et mieux équipée que lui. L’Ukraine et ses alliés occidentaux ont d’ores et déjà montré, sur le terrain, que Vladimir Poutine avait commis une erreur stratégique en envahissant son voisin.

Maintenant que l’équilibre militaire est établi sur le front, la négociation politique redevient possible entre Russes et Ukrainiens. C’est ce que souhaitent les grandes puissances, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.

Meilleurs alliés de l’Ukraine depuis la révolution de Maïdan de 2014, les Américains ont, par la qualité de leur renseignement et de leurs livraisons militaires, contribué grandement à la résistance victorieuse des unités ukrainiennes. Mais ils ne sont pas tous jusqu’au-boutistes, loin de là. L’urgence du président Biden est désormais d’éviter une escalade du conflit - un «Armageddon» nucléaire - et si possible d’aboutir à un cessez-le-feu. Ses services de renseignement ont fait fuiter dans la presse que l’assassinat de la nationaliste russe Daria Douguina, dans un attentat à la voiture piégée à Moscou, le 20 août 2022, était le fait des Ukrainiens. Une manière de leur dire de ne pas aller trop loin. Les responsables américains sont sensibles au discours de Trump du 9 octobre, qui les accuse de mener le monde à l’apocalypse nucléaire.


Certains commentateurs ont expliqué que l’armée russe était en débandade générale, que l’arrière perdait son moral, que la fin du régime de Poutine était proche, qu’on était en 1917. Il convient,à ce stade, d’être prudent et de ne pas prendre ses désirs pour des réalités.

Les Ukrainiens ont une mentalité moderne : récupérer une Alsace-Lorraine perdue est souhaitable, mais cela n’autorise pas de sacrifier la moitié d’une génération de jeunes hommes.