Louis Gallois: «La France n’est plus un pays souverain»

La hausse des prix de l’énergie pourrait entraîner de nouvelles délocalisations, alerte l’ancien patron d’Airbus. Le coprésident du think-tank La Fabrique de l’industrie explique le long processus de désindustrialisation dont souffre la France, lié aux erreurs stratégiques des gouvernements successifs.


LE FIGARO. - La crise de l’énergie a révélé la situation dégradée de notre parc nucléaire, qui aurait dû nous fournir un avantage compétitif en Europe. Cette situation dégradée s’inscrit-elle dans un long processus de désindustrialisation de la France? Comment en sommes-nous arrivés là?

Louis GALLOIS. -
Le 18 novembre, 24 réacteurs sur 57 étaient à l’arrêt, soit pour traiter des problèmes de corrosion (7 réacteurs), soit pour assurer des opérations de maintenance, retardées par la crise du Covid. EDF se trouve ainsi face à une charge de travail considérable qu’elle peine à réaliser dans les délais car elle manque de compétences. En effet, comme l’a expliqué son ancien président, Jean-Bernard Lévy, EDF a dû adapter ses capacités à la perspective de la fermeture de 14 réacteurs prévue par la Programmation pluriannuelle de l’énergie de 2020 devenue obsolète depuis le discours de relance du président de la République à Belfort, en février dernier.

Vous évoquez la désindustrialisation ; elle a été de fait provoquée, dans ce secteur essentiel, par l’absence de nouveaux programmes depuis Flamanville, par la sous-estimation des besoins et par le choix arbitraire de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité. On en voit les conséquences: la France qui était exportatrice importe désormais au prix fort de l’électricité produite à l’étranger par des centrales à gaz, voire à charbon. Elle devra, en outre, reconstituer ses compétences pour mener à bien le programme de nouveaux réacteurs annoncé à Belfort. La réindustrialisation du pays ne sera possible que si nous disposons d’une électricité prévisible, décarbonée, compétitive et souveraine ; seul le nucléaire, avec l’hydraulique, réunit ces caractéristiques ; il devra donc en fournir la plus large part.
Un pays n’est pas souverain quand sa balance commerciale est déficitaire