Comment éviter une troisième guerre mondiale ? - Par André Comte-Sponville

En faisant appel à la froide raison, donc en jouant l'intérêt contre les passions, et le sage égoïsme contre le nationalisme.

La livraison de chars lourds à l'Ukraine confirme l'engagement de l'Otan, donc aussi de la France, dans le conflit qui oppose ce malheureux pays à la Russie. Sommes-nous pour autant cobelligérants? Assurément non, puisqu’aucun de nos soldats ne se bat sur ce front.

Mais nous sommes encore moins neutres, puisque nous ne cessons, depuis bientôt un an, de soutenir le pays agressé contre le pays agresseur. Je suis convaincu, comme la plupart des Français, que nous avons raison. Mais je constate aussi, chez nos concitoyens, une inquiétude croissante: n'est-ce pas la troisième guerre mondiale qui s'approche?

Je suis moins inquiet que beaucoup, tant je suis convaincu que cette guerre ne serait l'intérêt de personne, et surtout pas de la Russie, qui ne pourrait que la perdre, ni donc de Poutine, qui y perdrait très vraisemblablement le pouvoir et la vie. Toutefois, je me méfie de cet argument trop rassurant.

L'exemple de la seconde guerre du Golfe

Le même genre de raisonnement me fit penser, jusqu'à son déclenchement, que la seconde guerre du Golfe n'aurait pas lieu, tant il me semblait évident que ce n'était pas l'intérêt des Américains que de la faire. On sait ce qu'il en advint: l'alliance menée par les Etats-Unis attaqua l'Irak, le 20 mars 2003 (sous prétexte d'"armes de destruction massive" ), avec les conséquences désastreuses que presque tout le monde, aujourd'hui, s'accorde à reconnaître.

J’avais donc raison (ce n'était pas l'intérêt des Américains que de lancer cette guerre), et c'est ce qui me donnait tort (puisque la guerre eut lieu). Mon erreur? D'avoir cru que l'intérêt était le moteur de l'histoire. J'aurais dû me souvenir de ce qu'écrivait le philosophe Alain, pensant en l'occurrence à la Première Guerre mondiale: "Si les hommes n'avaient en vue que l'utile, tout s'arrangerait.

"L'honneur national est comme un fusil chargé"

Mais il n'en est pas ainsi." Pourquoi? Parce que, précise le même auteur, "ce sont les passions, et non les intérêts, qui mènent le monde" (Mars ou La guerre jugée, chap. XX). Passions des peuples (le nationalisme, l'esprit de revanche), passions de leurs dirigeants (l'amour du pouvoir, de la gloire, de l'argent)…

La guerre de 1914-1918 n'était évidemment pas de l'intérêt de l'Allemagne, qui l'a perdue, mais pas non plus de la France, qui l'a gagnée. Pourquoi ces deux pays l'ont-ils entreprise? Pour satisfaire l'intérêt des marchands de canons? Peut-être, pour une faible part. Mais surtout par passion nationaliste ou patriotique. "L'honneur national est comme un fusil chargé", constatait l'auteur Alain, et "le vrai moteur des guerres." Cela donne raison à ceux, dont notre président, qui ne veulent pas "humilier la Russie" - car toute humiliation exacerbe l'amour-propre.

Pas de prime à l'agresseur

Mais ne donne pas tort à ceux, dont je suis, qui veulent soutenir l'Ukraine jusqu'à la victoire ou, en tout cas, jusqu'à une paix acceptable, je veux dire qui n'offrirait pas une prime à l'agresseur.

Comment éviter une troisième guerre mondiale? En faisant appel à la froide raison, donc en jouant l'intérêt contre les passions, et le sage égoïsme contre le nationalisme. Une guerre mondiale, surtout nucléaire, ne serait évidemment l'intérêt de personne (même pas des marchands d'armes). Continuons donc de soutenir l'Ukraine, pour aider les Russes à comprendre que les passions de Poutine nuisent à leurs propres intérêts.

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