Thierry Wolton: «Après la guerre russo-ukrainienne, le nouvel ordre mondial chinois?»

En allant à Moscou sceller une «coopération stratégique» avec Vladimir Poutine, Xi Jinping se pose en rival de Joe Biden, analyse l’historien, spécialiste des régimes communistes. Il explique pourquoi, selon lui, la guerre déclenchée par la Russie sert les intérêts de la Chine.


En allant à Moscou sceller une «coopération stratégique» avec Vladimir Poutine, le numéro un chinois se pose en rival de Joe Biden qui s’est rendu lui-même à Kiev fin février. Cette visite en Russie cadre avec la grande ambition de la République populaire d’instaurer un nouvel ordre mondial dont elle prendrait la tête. Les autorités chinoises prétendent d’ailleurs pouvoir mettre un terme à la guerre en Ukraine avec leur plan de paix en douze points, proposé il y a quelques semaines. Deux fers au feu donc pour Pékin: soutenir Poutine et promouvoir une «Pax China». Ces objectifs sont conformes aux visées de Xi Jinping, à moyen et long terme.

Dans une certaine mesure, la guerre déclenchée par Vladimir Poutine sert les intérêts de la République populaire. En premier lieu, elle affaiblit économiquement et militairement les Occidentaux qui dépensent beaucoup en argent et en armement pour soutenir l’Ukraine. L’inflation et la diminution des stocks d’armes consécutives aux envois massifs sur le terrain, rendent l’adversaire occidental moins performant pour la République populaire qui se prépare à la mainmise sur Taïwan comme annoncée depuis des années. Vue de Pékin, cette guerre au cœur de l’Europe réduit les potentielles capacités d’intervention des États-Unis, sachant qu’il serait très difficile à Washington et à ses alliés de mener deux guerres de front. La Chine a donc intérêt à la poursuite de ce conflit, ce qui laisse planer un doute sur la sincérité de son plan de paix. Sa médiation n’a d’ailleurs rien de neutre puisque Pékin ne condamne pas la politique impériale de Moscou. Si l’armée russe se trouvait en fâcheuse posture dans les mois à venir, il n’est pas interdit de penser que la «coopération stratégique» en question ne se traduise par des livraisons d’armes, les plus discrètes possibles, afin d’éviter des sanctions américaines.