La France est-elle sortie de l’histoire ? - Par Renaud Girard

L’analyse de Renaud Girard pour qui la France est en train de sortir de l’histoire. Trente ans après la signature du Traité de Maastricht, qui devait permettre à l’Union européenne de prévaloir sur les États-Unis en termes d’influence mondiale, force est de constater que ce scénario ne s’est pas produit.


En juillet 2007, à Dakar, dans un discours peut-être un peu dénué de tact, un président français avait reproché aux Africains de ne pas être suffisamment entrés dans l’histoire. Un citoyen français pourrait aujourd’hui se demander si la France n’est pas en train de sortir de l’histoire. Il pourrait même se demander si l’Europe institutionnelle, dont la France a fait son principal levier d’influence dans le monde, n’était pas elle-même en train de sortir de l’histoire.

Vers la porte de sortie ?

Personne dans le vaste monde, de Dakar à Nairobi, de Shanghai à Bombay, de Rio à Toronto, ne s’intéresse plus vraiment à ce que peuvent dire les dirigeants européens. La dernière fois qu’un discours européen a réellement happé l’attention du monde, ce fut celui de Dominique de Villepin, en février 2003, à la tribune des Nations unies. Il est vrai qu’en exhortant les Anglo-Saxons à renoncer à leur projet d’envahir l’Irak, le ministre français avait fait preuve de courage, d’indépendance d’esprit et de vision, trois qualités devenues relativement rares sur le Vieux Continent.

« La dernière fois qu’un discours européen a réellement happé l’attention du monde, ce fut celui de Dominique de Villepin, en février 2003, à la tribune des Nations unies. »

Non autorisée par le Conseil de sécurité de l’ONU, l’invasion anglo-saxonne de l’Irak créa, au Moyen-Orient, un désordre qui n’est toujours pas résorbé. Elle détruisit un État et provoqua une guerre civile (entre sunnites et chiites) qui fit au bas mot 200000 morts dans la population. Elle fit surgir un monstre (l’organisation État islamique), qui existe toujours. Après cinq ans d’occupation de l’Irak, le leader du Parti démocrate au Sénat qualifia cette invasion de « plus grave erreur stratégique des États-Unis depuis leur création ».

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La vision du président Jacques Chirac, exprimée par son ministre des Affaires étrangères, rappelait celle qu’avait eue le général de Gaulle, lors de son discours de Phnom Penh le 1er septembre 1966. Le fondateur de la Ve République avait averti les Américains qu’ils couraient à leur perte en s’impliquant militairement en Indochine. Plus tard, quand les Américains reconnurent que le Général avait eu raison, ils choisirent Paris pour négocier la fin de la guerre avec les communistes vietnamiens, soutenus par la Chine et l’URSS.

« L’opposition de Chirac à l’invasion de l’Irak avait valu à la France une marque de considération de nature très différente de la part de l’establishment républicain néoconservateur. »

L’opposition de Chirac à l’invasion de l’Irak avait valu à la France une marque de considération de nature très différente de la part de l’establishment républicain néoconservateur à Washington. Condoleezza Rice, la conseillère à la Sécurité nationale du président George W. Bush, avait tout bonnement déclaré, en avril 2003 : « We will punish France, ignore Germany and forgive Russia » (nous punirons la France, ignorerons l’Allemagne et pardonnerons à la Russie). C’était dur pour la France, mais, au moins, nul ne pouvait prétendre alors qu’elle était sortie de l’histoire.
Maastricht, ou la promesse d’une influence inégalée

Quand, le 7 février 1992, douze dirigeants européens signèrent un traité à Maastricht, ils purent légitimement sentir sur leur nuque le grand souffle de l’histoire. Non seulement la nouvelle Union se dotait d’une monnaie unique et d’une coopération dans les affaires intérieures, mais elle lançait une « politique étrangère et de sécurité commune » (PESC).
Aux yeux des signataires, l’Union européenne allait enfin, grâce à sa prospérité, à sa monnaie, à son modèle social, à sa diplomatie, prévaloir sur les États-Unis d’Amérique en matière d’influence mondiale. Se voulant réalistes, les dirigeants français de l’époque estimaient que l’influence de la France dans le monde ne pouvait s’exercer qu’à travers le levier européen. […] LIRE LA SUITE