Politique migratoire : que faire de l'accord franco-algérien de 1968 ? - Par Xavier Driencourt

L’ancien diplomate Xavier Driencourt publie une note exclusive pour Fondapol dans laquelle il appelle à remettre à plat cet accord définissant les conditions de circulation, de séjour et de travail des Algériens en France qui grève considérablement nos marges de manœuvre en matière de politique migratoire.


Le 27 décembre 1968, la France et l’Algérie ont signé un accord définissant les conditions de circulation, de séjour et de travail des Algériens en France. Cet accord bilatéral reste peu connu. Pourtant, les implications de ce texte sur la politique migratoire française sont considérables puisqu’elles offrent à l’Algérie un statut exceptionnel en octroyant à ses ressortissants un statut dérogatoire au droit commun. Relevant du droit international, ce traité bénéficie donc d’une autorité supérieure à la loi française. Dès lors, son contenu est hors de portée du législateur national. L’accord de 1968 a été révisé en 1985, 1994 et 2001, mais les principes qui le fondent ont toujours été maintenus.

Cette anomalie a installé une brèche dans notre ordre juridique, d’autant plus importante que, comme l’a rapporté l’Insee dans sa dernière enquête publiée en mars 2023, les Algériens constituent la première nationalité étrangère en France. Or, l’accord de 1968 prive le législateur et le gouvernement français de la possibilité d’agir significativement sur les flux en provenance de l’Algérie. La situation de la France est d’autant plus défavorisée, que l’Algérie ne remplit pas ses obligations, notamment en ce qui concerne la délivrance des laissez-passer consulaires sans lesquels il n’est pas possible de réaliser les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Il apparaît donc qu’aucune politique migratoire cohérente ne soit possible sans la dénonciation de l’accord franco-algérien.




Xavier Driencourt: «La France doit dénoncer unilatéralement le traité franco-algérien de 1968»



LE FIGARO. - Le 27 décembre 1968, la France et l’Algérie ont signé un accord définissant les conditions de circulation, de séjour et de travail des Algériens en France. Pourquoi ce traité? Quel était son objectif?

Xavier DRIENCOURT. -
Ce traité bilatéral franco-algérien remonte à 1968, c’est-à-dire plusieurs années après la fin de la guerre d’Algérie et la signature des accords d’Evian. Il y avait probablement deux raisons à la négociation de ce texte. D’une part, les accords d’Évian laissaient une sorte de vide juridique sur la question de la circulation des personnes entre la France et l’Algérie. Les accords d’Évian prévoyaient, au profit notamment des Français - dont, en mars 1962, au moment des négociations des Rousses, on pensait qu’ils resteraient en Algérie - la possibilité de circuler librement pour venir en France, comme ils le faisaient lorsque l’Algérie n’était que trois départements français. D’autre part, 1968, c’était l’époque des Trente Glorieuses et la France cherchait de la main-d’œuvre pour ses usines, notamment l’industrie automobile et plus généralement voulait faire venir en France des travailleurs algériens, francophones. Il convenait évidemment de permettre à cette main-d’œuvre, désormais étrangère, de circuler librement entre les deux pays, de s’installer temporairement en France, de retourner au «pays» pour prendre sa retraite, de faire des allers-retours en France à tout moment…

Quel est le contenu de cet accord? Quels sont les droits qu’il ouvre aux ressortissants algériens en France?

Compte tenu de ce qu’était le contexte précédemment décrit, cet accord prévoit un régime d’exception au profit des Algériens. La disposition principale porte sur l’attribution d’un titre de séjour propre aux Algériens, le certificat de résidence administratif, ou CRA, valable dix ans. De nombreuses dispositions favorisent les Algériens par rapport aux autres nationalités.

- Un visa de long séjour n’est pas nécessaire pour le conjoint ; le visa touristique, de court séjour, suffit, contrairement à ce qui est imposé à d’autres nationalités.

- Le conjoint algérien peut obtenir un «certificat de résidence algérien» (CRA) de dix ans valant titre de séjour après un an de mariage seulement (contre trois ans de vie commune pour les autres nationalités) et ceci sans que les conditions d’intégration soient préalablement vérifiées. Le certificat de résidence algérien est accordé «de plein droit».

- En cas de regroupement familial, l’exigence «d’une intégration et insertion dans la société française» n’est pas soumise à vérification ; le regroupement familial est quasi de plein droit et ne peut être refusé que pour des motifs limitativement énumérés.

- Les accords ne prévoient aucune possibilité de «retrait» du titre de séjour, sauf par le juge et en cas de fraude.

- Un Algérien sans papiers doit simplement pouvoir justifier d’une résidence en France depuis dix ans ; de même, le conjoint algérien sans papiers d’un ressortissant français n’a pas besoin d’un visa de long séjour pour obtenir sa régularisation.

- D’autres dérogations portent sur la liberté d’installation pour les artisans et commerçants ; en effet, l’accord de 1968 établit la liberté d’établissement au profit des Algériens qui veulent exercer une activité professionnelle en France. Contrairement aux autres nationalités, ils n’ont pas à démontrer que leur activité est économiquement viable. La seule inscription au registre du commerce suffit pour obtenir le statut de «commerçant». Ce procédé, bien connu des étudiants algériens, est un moyen somme toute assez simple, surtout depuis que l’auto-entrepreneuriat existe, pour rester en France et bénéficier d’un titre de séjour.


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Atlantico : Edouard Philippe a déclaré dans la presse vouloir se défaire de l’accord de 1968, est-ce une victoire de votre message ? D’autres politiques partagent-ils votre analyse ?

Xavier Driencourt :
Il se rallie en effet à cette démarche qui consisterait à mettre fin aux accords franco-algériens de 1968. Ce serait m'attribuer beaucoup d'influence que de dire que c'est moi qui l'ai inspiré. Mais j’imagine qu’en partie oui. La note de la Fondapol est assez détaillée, et comme Edouard Philippe l'explique dans son article et son interview, la question de l'immigration a pris une telle ampleur ces derniers temps que les politiques recherchent toutes sortes de solutions. Il y a donc des solutions d’ordre diplomatique et des solutions législatives. Donc, je pense qu'il y a l’étude de la Fondapol, ainsi que le contexte général, le fait, aussi, qu'Édouard Philippe avait déjà esquissé cette idée relative aux Accords franco-algeriens relativement récemment. Donc, ce n'est pas vraiment nouveau, cela a déjà été évoqué. En outre, d'autres politiciens se sont prononcés à ce sujet, le RN, Zemmour, LR avec sa proposition de loi, et même Gérard Larcher.

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