Sauver la différence des sexes - De Eugénie Bastié
Contre les théoriciens de la déconstruction, la journaliste et essayiste Eugénie Bastié, défend, dans un texte salutaire, « Sauver la relation des sexes » (aux éditions Gallimard), l'infinie richesse qu'offre l'altérité des sexes.
« La différence des sexes existe. On peut la nier, elle ressurgira, sous une forme brutale, abâtardie, caricaturale. »
Eugénie Bastié
La différence biologique des sexes est une donnée irréfutable de l’expérience humaine. Elle est pourtant aujourd’hui au cœur d’un vif débat. Pour certains en effet, prioritairement à toutes les distinctions physiologiques et à ce qu’elles engagent au plan des pratiques et des sensibilités, il y a la norme subie, la construction sociale et politique d’une identité. Et, de la même façon que nous aurions été faits femmes et hommes sous contrainte, il serait aujourd’hui loisible à chacun de se défaire de cette assignation par le seul levier de la volonté. Le corps deviendrait dès lors l’horizon d’un projet personnel, rabattant le réel biologique au rang des biens accessoires, sans incidence existentielle sur l’identité de l’individu et le devenir de la communauté humaine. Cette arrogante illusion des temps présents, qui porte le nom de déconstruction, est une menace dont il faut se prémunir. Vecteur de mal-être et de désunion, elle est un poison lent qui mine les relations entre les hommes et les femmes, en ignorant tout autant les leçons subtiles de la tradition que les acquis de la révolution des mœurs en Occident.
Le grand reporter au Figaro, Eugénie Bastié, était invitée à prononcer une communication à l'Académie des sciences morales et politiques, le lundi 12 décembre 2022
"Monsieur le Président,Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,
C'est par une citation de Chesterton que je voudrais ouvrir cette communication. Dans son recueil Hérétiques, il écrit que, demain, « on allumera des feux pour attester que deux et deux font quatre. On tirera l'épée pour prouver que les feuilles sont vertes en été. (…) Nous combattrons pour des prodiges visibles comme s'ils étaient invisibles. »
À vous parler aujourd'hui de « sauver la différence des sexes », je me fais l'effet de tirer l'épée pour prouver que les feuilles sont vertes en été. Nous en sommes pourtant là. À l'heure de l'émoji « homme enceint », du dégenrage des barbecues, et du trans comme nouvelle figure iconique de la révolution planétaire, il semble qu'il faille en effet tirer sinon l'épée, du moins la plume, pour défendre ce prodige visible comme s'il était invisible qu'est la différence des sexes."
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CHRONIQUE DE LIVRES DE L'IREF
par Élodie Messéant
Pour essayer de comprendre l’origine de cette nouvelle lubie féministe, Eugénie Bastié pointe une contradiction de notre temps : « Alors que les sciences cognitives ne cessent de progresser et de prouver l’évidence d’une différence des sexes dès le plus jeune âge, les sciences humaines, et notamment la sociologie, n’ont de cesse de proclamer qu’il s’agit d’une construction sociale ». Un nouvel esprit obscurantiste gangrène les sciences humaines, et rejette ces vérités fondamentales au nom du politique.
Les féministes de la troisième vague se méprennent : ce n’est pas la reconnaissance d’une réalité biologique qui est un danger pour l’égalité homme-femme et le respect des droits individuels, mais les mensonges qu’on a répétés aux femmes depuis la révolution sexuelle des années 60. Révolution qui n’a jamais tenu ses promesses puisqu’elle a enfermé les femmes dans des croyances qui ont fini par se retourner contre elles. Nous pourrions citer, parmi d’autres exemples, les conséquences de préférer une carrière à une vie de famille – jusqu’à ce qu’il soit trop tard – ou encore l’idée farfelue selon laquelle les femmes pourraient ignorer le coût d’une sexualité “libérée”. Si l’auteur ne le mentionne pas, il est important de rappeler que le nombre de mères célibataires a quasiment doublé en 30 ans.
Eugénie Bastié évoque les conséquences de la négation de la différence des sexes non seulement pour les femmes, mais aussi pour les hommes : à force de dévaloriser le modèle masculin, et d’effacer tout ce qui s’y apparente dans l’imaginaire collectif, on supprime des repères. On enferme les hommes dans « une éternelle adolescence, n’ayant même pas l’aiguillon de devenir père car ils ne sont pressés par aucun devoir de transmission, aucune horloge biologique ». Nous n’avons décidément pas fini de subir les conséquences désastreuses de la déconstruction.