Emeutes: Une guerre civile ? Non, le chaos - Par Eric Delbecque et Mathieu Bock-Côté
Éric Delbecque: «Il n’y a pas de convergence des luttes mais une concurrence des violences»
Le fantasme du chaos pousse une partie de la gauche à encourager les violences, analyse l’expert en sécurité intérieure*. Les émeutes en cours traduisent moins selon lui une guerre civile qu’une régression démocratique et civilisationnelle.
*Éric Delbecque est l’auteur de L’Insécurité permanente (Cerf) et des Ingouvernables (Grasset). Il considère que le climat général, renforcé par les invectives des députés LFI à l’Assemblée nationale, favorise ces débordements.
Nous vivons une vaste régression démocratique. C’est d’abord et avant tout cela qu’affronte ces derniers jours notre pays. Nous vivons clairement des émeutes et elles sont clairement encouragées par une partie des élus que l’on a aujourd’hui du mal à qualifier de «républicains» puisqu’ils travaillent contre l’ordre public, la paix publique et la cohésion nationale. Ils appellent de surcroît, une nouvelle fois, à désarmer la police, c’est-à-dire à fragiliser l’État de droit, qui ne peut pas reposer sur une force publique luttant contre l’insécurité à mains nues…
Il n’y a plus à discuter sur les principes. Un jeune homme a été tué, c’est à notre système institutionnel, aux ministres compétents, à la justice de réaliser le travail nécessaire et d’établir les responsabilités ; il reviendra aux magistrats de prononcer les sanctions adéquates. Tout le reste est inqualifiable et injustifiable, relève de la récupération partidaire, et provient de femmes et d’hommes qui fragilisent consciemment la démocratie. Certains le font, dans la rue, pour des raisons tout à fait personnelles, où se mêlent le goût de la violence, la protection du «business» criminel et des considérations séparatistes indicibles mais franchement lisibles, que la récupération effectuée par le clan Traoré illustre à merveille. Les autres, qui peuplent une alliance politique devenue indigne, le font par pur opportunisme et cynisme électoral (et passion doctrinale révélant d’immenses carences personnelles, humaines, qu’il faudra bien un jour examiner), au bout du compte parce qu’ils veulent le pouvoir désespérément, pathologiquement, et, à défaut, interdire aux autres de l’exercer dans des conditions minimales de rationalité démocratique et juridique. Bref, plutôt le chaos qu’un autre que moi ministre ou président… Tout cela baigne dans la haine et la misère existentielle, le mépris des autres et de son propre pays, de ses concitoyens et de tous ceux qui observent la loi et comprennent que c’est l’unique voie pour demeurer des êtres humains et ne pas sombrer dans la bestialité, la violence dont on ne revient pas. Comment justifier plus longtemps des parlementaires et des politiciens qui défendirent, pour le plus ancien d’entre eux, les pires contradictions mitterrandiennes et le pire travail de sape que l’on ait jamais vu d’un État libéral et démocratique (au profit des pires communautarismes et intérêts micropoliticiens)? Comment tolérer que ces gens osent dorénavant se faire gloire de ne pas appeler au calme dans l’espoir mesquin de faire avancer leur petite cuisine partisane?
Car ce comportement d’une partie des «élites» politiques qui ont accès aux médias et participent à la production législative fait partie du problème: il en constitue même un paramètre majeur.
Mathieu Bock-Côté: «Ce n’est pas une guerre civile»
À moins de réduire la nation française à une simple entité juridique, il faut convenir que la présente séquence met justement en scène des populations qui ne croient pas appartenir au même peuple.Les scènes de violence, de pillage et les agressions contre les policiers dont nous sommes témoins depuis mercredi soir n’ont rien de surprenant.
La France, depuis vingt ans, redoute une réédition des émeutes de 2005. Tous les éléments sont rassemblés pour qu’il en soit ainsi. Le drame de la mort du jeune Nahel a été immédiatement instrumentalisé par ceux qui cherchent toutes les occasions possibles pour semer le trouble.
Mais, dans la nuit de jeudi, les émeutiers qui saccageaient les banlieues ont décidé de mener des raids sur Paris, pour s’y adonner au pillage, pour y semer la terreur aussi. Nulle surprise: depuis des années, il suffit de regarder la carte de Paris pour constater qu’elle est en quelque sorte assiégée. On pourrait dire la même chose des autres grandes villes du pays. La fracture identitaire engendrée par l’immigration massive et la mutation démographique qu’elle entraîne s’expose à qui veut bien la voir.
Ceux qui s’imaginaient protégés dans des métropoles forteresses et digicodisées découvrent qu’on pourra demain tirer à balles réelles sous leurs fenêtres, et que les «jeunes» perdus de la République, grimés en martyrs de la France postcoloniale par la sociologie progressiste, entrent dans les villes convaincus d’avoir le droit de les piller, poussés par une pulsion qui relève moins de l’agressivité idéologique que de l’instinct de conquête. Comment nommer la présente situation, sans céder à la tentation médiatiquement recommandée de l’édulcoration?