Que risque vraiment un tueur de policier ou de gendarme en France ? - Par Gérald Pandelon

Cette semaine, l’homme responsable de la mort en 2020 de la gendarme Mélanie Lemée lors d’un refus d’obtempérer a été remis en liberté sous bracelet électronique.


Atlantico : L’homme responsable de la mort en 2020 de la gendarme Mélanie Lemée lors d’un refus d’obtempérer a été remis en liberté sous bracelet électronique, alors qu’il était en détention provisoire suite à une décision prise par la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Agen. Que risque vraiment un tueur de policier ou de gendarme en France ?

Gérald Pandelon :
Exception faite de la dramatique affaire Mélanie Lemée survenue au cours de l'année 2020, qui relève davantage d'un problème procédural ayant conduit à une remise en liberté de l'auteur des faits que du droit substantiel, il convient de souligner qu'un individu se rendant coupable d'un homicide volontaire voire, si la préméditation est retenue, d'un assassinat de policier ou gendarme est dans notre code pénal très lourdement sanctionné. En revanche, lorsque placé en légitime défense un policier riposte à une agression, qu'il s'agisse d'un délit ou d'un crime, j'ai pu observer dans ma pratique professionnelle que les magistrats du parquet étaient, toutes choses égales par ailleurs, bien souvent plus sévères et intransigeants avec le policier qu'avec le délinquant. Je vous donne deux exemples concrets. Le premier concerne un fonctionnaire de police d'une brigade anti-criminalité (BAC) dont j'assurais la défense. Cet agent interpela nuitamment un voyou multirécidiviste dans un contexte où aucune violence ne fut exercée par ce fonctionnaire de police alors que cet agent essuyait divers coups de poings et crachats émanant dudit individu. C'est ainsi que, dans un second temps, ce représentant de la BAC décida de se défendre en procédant au menottage du forcené ; puis, le fonctionnaire se présenta à son commissariat pour exhiber les traces de coups subis tout comme des preuves de crachats dont les marques étaient encore visibles sur sa tenue. Que pensez-vous que le procureur décida en pareilles circonstances ? D'un défèrement en comparution immédiate de l'auteur de ces violences ? Et bien non, aussi extraordinaire que cela puisse paraître, le représentant du ministère public ordonna que le fonctionnaire de police soit immédiatement placé en garde à vue du chef de coups et blessures volontaires, à la suite de quoi il lui fut délivré une convocation au tribunal par officier de police judiciaire (COPJ). A l'audience, alors que le ministère public avait requis une sévère condamnation à l'encontre de mon client, j'obtins toutefois la relaxe de ce policier en plaidant la légitime défense. Ce fonctionnaire de police irréprochable considérait donc que son cauchemar était fini... c'était sans compter sur l'appel formé par le parquet de la décision de relaxe ! Autre exemple : je suis l'avocat d'un fonctionnaire de police mis en examen pour homicide volontaire. Les faits témoignent pourtant d'une légitime défense évidente. En effet, c'est de façon parfaitement simultanée que le voyou et le policier avaient dans cette affaire braqués leurs armes en même temps en leur direction respective, à la seconde près, sans qu'il soit possible de déterminer qui avait réellement tiré en premier. Et bien le parquet, avant même d'avoir pris le temps de visionner la vidéo attestant de cette légitime défense, a requis immédiatement la mise en examen de mon client pour homicide volontaire, il frôla même la détention provisoire, je lui obtins un placement sous contrôle judiciaire. Ce qui me gêne dans ces deux affaires c'est que le réflexe des magistrats ne soient pas, a priori, de défendre les fonctionnaires de police mais de vouloir, par idéologie, les mettre sur le même plan que les voyous. En effet, en plusieurs années de carrière, je n'ai jamais rencontré un fonctionnaire de police qui décide en début de journée de "se faire un voyou", l'inverse n'est pourtant pas vrai.