31 août 1715 : « Meurs donc ! Ta mort est douce et ta tâche est remplie »


« Nunc et in hora mortis…
« Nunc et in hora mortis…
« Nunc et in hora mortis… »
Ave Maria

10h30, samedi 31 août 1715, Château de Versailles, dans la chambre du Roi…

Depuis la veille, le roi LOUIS XIV LE GRAND, roi de France et de Navarre (14.5.1643 au 1er.9.1715) est passé dans une somnolence constante, le malade « n’ayant quasi plus que le connaissance animale ». On lui lit alors les prières des agonisants. Par habitude et sans conscience, de forte et intelligible voix, le souverain reprend à plusieurs reprises l’Ave Maria et le Credo avec les aumôniers : « Nunc et in hora mortis » (« Maintenant et l’heure de notre mort »).

« Ô MON DIEU, VENEZ A MON AIDE, HÂTEZ-VOUS ME SECOURIR ! »

Le lendemain matin, dans un petit jour un peu gris, alors que l’horloge de la chapelle vient de sonner 8h15, la porte-fenêtre du premier étage donnant sur la cour de Marbre s’ouvre.

« Le roi est mort ! » lance Geoffroy Maurice de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon. Le chapeau débordant de plumes noirs, le grand chambellan vient d’annoncer au parterre de courtisans, la fin d’un règne de 72 ans.

Puis le duc de Bouillon retourne dans les appartements du roi avant de revenir couvert d’un chapeau couvert de plumes blanches. « Vive le roi ! » dit-il sur un air joyeux. Celui qui n’était, quelque moment avant, le dauphin Louis, arrière-petit-fils de Louis XIV, est le nouveau roi de France et de Navarre.

Que se passe-t-il dans la tête de cet enfant de 5 ans, devant qui tous s’inclinent. Le premier d’entre eux n’est autre que son Altesse Royale Philippe d’Orléans, neveu du défunt et premier prince du sang : « Sire, je viens rendre mes devoirs à Votre Majesté comme le premier de vos sujets ». Puis, désignant d’un geste les princes et les princesses de la famille royale, les hauts dignitaires de la Couronne, les gentilhommes de la chambre, les ducs et les pairs, les archevêques et les évêques, les gouverneurs, dames et nobles seigneurs, le prince ajoute : « Voilà la principale noblesse de votre royaume qui vient vous assurer de sa fidélité ! ». Le petit garçon regarde alors l’assemblée silencieuse, et fond en sanglots…

Digne d’une tragédie de Racine, la mort de Louis XIV commence le 10 août 1715. À son retour de chasse de Marly, le roi ressent une vive douleur à la jambe. Son médecin Fagon diagnostique une sciatique, et ne changera pas d'avis. Des taches noires apparaissent bientôt : il s’agit d’une gangrène sénile. Malgré les douleurs atroces, le roi vaque à ses occupations habituelles : il entend assumer ses fonctions jusqu’au bout. Le vieux chêne semble indéracinable et force l’admiration de chacun. Le 25 août, jour de sa fête, il doit néanmoins s’aliter. Il ne quittera désormais plus sa chambre.

La gangrène se développe, et atteint l’os le 26. Les médecins se trouvent désarmés. Le roi reçoit le jour même le futur Louis XV, pour lui prodiguer ses conseils. Il lui recommande de soulager son peuple et d’éviter autant que possible de faire la guerre : « C’est la ruine des peuples ». Conscient de ne pas l'avoir fait lui-même, il lui demande de rester un « prince pacifique ». Mais la mort se fait plus longue que prévue. Le roi dit ses adieux à trois reprises à Mme de Maintenon et à deux reprises à la Cour. On autorise Brun, un Provençal qui prétend détenir un remède miracle, à approcher le lit royal le 29 août. Le fait est que le roi se sent mieux. Mais le mal est là, toujours plus profond. Louis XIV tombe finalement dans un semi-coma, les 30 et 31. Son corps est exposé pendant huit jours dans le salon de Mercure. Il est transporté le 9 septembre à Saint-Denis, la nécropole des rois de France.

Le 2 septembre, il est fait lecture du testament du défunt (rédigé le 2 août 1714) en séance solennelle devant la grand chambre du Parlement de Paris en présence de toutes les Cours souveraines, les princes du sang et les ducs et pairs. Les prétendants à la Régence, princes du sang et fils légitimés vont savoir quelles étaient les volontés du roi pour sa succession au pouvoir. Le roi Louis XIV pose son héritage ainsi : à son arrière-petit-fils, le trône, suivant les lois du royaume ; au duc du Maine, son fils, bâtard légitimé, l'éducation et la garde de l'enfant royal ; au duc d'Orléans, son neveu : la charge de « président du conseil de régence », conseil statuant collégialement. Une lutte d'influence débute alors entre le duc du Maine et le duc d'Orléans pour obtenir le titre de Régent de la part des parlementaires. Le jour même, le testament est partiellement cassé à la suite d'une alliance nouée, avant la mort du roi, entre les parlementaires de Paris et Philippe d'Orléans, celui-ci promettant tout simplement de réintroduire les parlementaires dans les sphères du pouvoir royal s'ils le soutiennent face au duc du Maine.

C'est donc Philippe d'Orléans qui est proclamé régent du royaume et détenteur effectif du pouvoir durant la minorité du jeune Louis XV, au détriment du duc du Maine qui ne peut rien faire face à cette alliance. La Cour quitte Versailles pour Vincennes le 9 septembre et y demeure jusqu’à décembre. Le duc d’Orléans installe le roi aux Tuileries et gouvernera depuis sa résidence du Palais-Royal. Le château de Versailles va rester « éteint » pendant plus de sept ans.

Le roi est mort: Louis XIV - 1715

de Collectif (Auteur), Gérard Sabatier (Sous la direction de), Béatrix Saule (Sous la direction de)

Des funérailles royales françaises, on ne retient généralement que les proclamations du héraut d’armes lors de la mise au tombeau de la dépouille : Le roi est mort. Vive le roi ! L’exposition présentée au château de Versailles pour le tricentenaire de la mort de Louis XIV et le livre qui l’accompagne donnent à voir et à comprendre un rituel méconnu : celui des funérailles du grand roi, de son exposition dans sa chambre mortuaire le 1er septembre 1715 à son inhumation dans l’abbaye de Saint-Denis le 23 octobre suivant. Ces obsèques marquèrent l’aboutissement, en même temps que le profond renouvellement, d’un cérémonial séculaire qui allait devenir l’une des plus éclatantes manifestations de la civilisation de cour. Peintures d’apparat et gravures de circonstance, médaillons et médailles, documents d’archives comme le testament du roi, plaques de cuivre apposées sur le cercueil ou reliquaires de coeur, reconstitutions des décors éphémères permettent de cheminer d’étapes en étapes vers cette apothéose que fut le grand service à Saint-Denis, véritable opéra funèbre dans l’Europe baroque. L’éclat de ce rituel ne périt pas avec la monarchie, mais se prolongea au-delà des changements de régime dans les funérailles nationales du XIXe siècle.

Éditeur ‏ : ‎ Gallimard (27 août 2015)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 384 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2070781208
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2070781201
Poids de l'article ‏ : ‎ 500 g
Dimensions ‏ : ‎ 15.5 x 2.5 x 22 cm


Mémoires, III : La Mort de Louis XIV

de Saint-Simon (Auteur), Gonzague Truc (Sous la direction de), Richard Millet (Préface)

"Vous allez voir un roi dans la tombe et un autre dans le berceau. Souvenez-vous toujours de la mémoire de l'un et des intérêts de l'autre. " C'est Louis XIV qui prononce, malade, cette phrase à l'intention de Philippe d'Orléans, son neveu, le futur Régent. Il ne lui reste plus que quelques jours à vivre. Six jours et six nuits de souffrances, d'activité testamentaire, de face-à-face chrétien avec sa propre fin. Nous sommes en août 1715, année considérable pour l'histoire de la France puisqu'elle voit mourir Louis XIV le 1er septembre, " trois jours avant qu'il eût soixante-dix-sept ans accomplis, dans la soixante-douzième année de son règne ", écrit Saint-Simon au cœur ténébreux de ses Mémoires, achevant sur ces mots le récit de la maladie et de l'agonie d'un roi, le plus grand de son temps, dont la vie se confond quasiment avec le règne.

Éditeur ‏ : ‎ FOLIO (DOMAINE PUBLIC) (3 janvier 2008)
Langue ‏ : ‎ Français
Poche ‏ : ‎ 640 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2070320197
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2070320196
Poids de l'article ‏ : ‎ 300 g
Dimensions ‏ : ‎ 10 x 2.6 x 18 cm

La Mort de Louis XIV, 1er septembre 1715

de Joël Cornette (Auteur)

Cette journée fut la seule dont la maîtrise aura échappé au Grand Roi, lui qui se voulait l'ordonnateur tout-puissant de son royaume. Interroger la portée de la mort de Louis XIV conduit à reconsidérer ce très long règne à l'aune du projet politique que ce prince avait lui-même conçu. Ce livre donne à comprendre ce qui s'éteint avec le Roi-Soleil et ce qui va perdurer de son ouvre. Qu'est-ce qui fait la singulière grandeur du siècle de Louis XIV ? La gloire, le roi de guerre, l'«Etat machine», la fabrique d'une culture royale : ce souverain a élevé le prestige de la monarchie française au sommet de son rayonnement ; il a achevé d'installer l'appareil administratif de l'Ancien Régime en l'inscrivant dans le patrimoine génétique de nos institutions ; il a érigé les «mystères de l'Etat» en méthode de gouvernement et fait pénétrer l'éclat de sa figure sacrée jusque dans la plus humble chaumière. Ce fut une ambition démesurée que les épreuves finiront par dérégler. Quel contraste entre le jeune monarque, ardent réformateur des «années Colbert», qui imprime sa marque à toutes les formes de création dans l'effervescence d'un Versailles baroque et festif, et le vieux roi éprouvé par des guerres interminables, cabré dans la dévotion en pourchassant les ennemis de la foi ! La mort de Louis XIV clôt un chapitre de l'histoire de la royauté et en ouvre un autre : à l'aube du siècle des Lumières, c'est la «manière» de ce monarque, c'est aussi une certaine conception de l'autorité, qui meurent avec lui.

Éditeur ‏ : ‎ Gallimard (27 août 2015)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 384 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2070781208
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2070781201
Poids de l'article ‏ : ‎ 500 g
Dimensions ‏ : ‎ 15.5 x 2.5 x 22 cm
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