«La guerre contre la drogue est-elle déjà perdue?» - Par Laurent Lemasson

Les fusillades qui ont tué un enfant de dix ans puis un jeune homme de dix-huit ans à Nîmes sont la conséquence de la guerre entre territoires qu’a engendré le trafic de drogue, analyse le docteur en droit public Laurent Lemasson.


Lundi soir, dans le «quartier sensible» de Pissevin, à Nîmes, un enfant de 10 ans a été tué et son oncle grièvement blessé lors d'une fusillade à la kalachnikov. Si les auteurs de ce meurtre n'ont pas encore été arrêtés, il ne fait pratiquement aucun doute que cette fusillade est liée au trafic de stupéfiants qui gangrène le quartier. Aujourd'hui même, à trois heures du matin, un jeune homme de dix-huit ans a été abattu dans ce même quartier à proximité d'un point de deal.

Les règlements de compte entre vendeurs de drogue sont malheureusement devenus monnaie courante en France. Au mois de mai de cette année, on recensait déjà plus de soixante-dix victimes, ce qui est un minimum, sachant qu'il n'est pas toujours évident d'établir si tel ou tel meurtre est lié au trafic de drogue ou à d'autres activités délinquantes.

Mais ce lundi les victimes étaient de simples passants et nullement des individus liés au trafic, comme l'homme tué cette nuit. Cette mort d'un enfant innocent, qui a choqué toute la France, devrait nous convaincre, si cela n'est pas déjà fait, que la réaction consistant à hausser les épaules lorsque des dealers se tuent entre eux en disant «bon débarras» est une erreur tragique. La violence engendrée par la drogue ne peut pas rester cantonnée aux criminels qui en tirent profit. Inévitablement, elle déborde sur l'espace public et finit par atteindre de proche en proche tous ceux qui ont le malheur de se trouver à proximité des lieux du trafic.


Le trafic de drogue engendre inévitablement des guerres pour le contrôle de la portion d'espace public où se concentrent les transactions.

Les opérations de démantèlement des points de deal ne peuvent être un succès que si elles se traduisent par une véritable réappropriation de l'espace public, à la fois par les forces de l'ordre et par les habitants du quartier.

Les émeutes qui ont secoué notre pays à la fin du mois de juin, ont bien montré à quel point la « reconquête républicaine » des quartiers est un pur slogan.